News - 15.05.2015

Si l'analyse de la situation économique de notre pays par la raison nous rend pessimistes la volonté devrait nous rendre optimistes

Situation économique : l’analyse par la raison nous rend pessimistes la volonté devrait nous rendre optimistes
  Ecrit par
Samir Marakchi
Tunisie -

Je ne vous apprendrais rien si je vous disais que la situation économique de notre pays est préoccupante et parfois même inquiétante et chacun d'entre nous le ressent , le constate et l'exprime a sa manière et ce devant une attente qui dure depuis quatre ans en l'absence de toute perspectives rassurantes et palpables sur un avenir proche meilleur.

Les jeunes au chômage multiplient des manifestations de demandes immédiates d'emploi,les syndicats exigent des augmentations salariales conséquentes et immédiates pour améliorer ou retrouver leur pouvoir d'achat fortement érodé par l'inflation,les chefs d'entreprises et leur syndicat se plaignent d'un environnement défavorable à la prise de risque et à l'investissement à travers des restrictions judiciaires qui frappent certains d'entre eux ou bien à cause d'un développement sans précédent du marché parallèle qui pénalise les entreprises structurées et plus particulièrement les PME sans parler des tiraillements politiques et l'absence  de vision et en résumé  à cause d'un environnement peu favorable au travail et la création de valeurs.

Que peut-on faire pour rendre l'espoir au tunisien et sortir de cette léthargie économique qui n'a que trop duré

Tout d'abord il faut rappeler deux vérités qui demeurent valables pour tous les pays et en tout temps

  • Aucun progrès n'est possible dans aucun pays sans le travail ceci est valable même pour ceux qui disposent de grandes richesses naturelles
  • Chaque pays doit compter principalement sur ses propres moyens et ses hommes et femmes pour réaliser et atteindre ses objectifs de développement et d'amélioration continue de la qualité de vie de ses citoyens.L'aide étrangère, souvent nécessaire pour accélérer le processus, ne pourrait être envisagée qu'en terme d'accompagnement de l'initiative et de l'effort national.

Travail et production

Le début de la solution pour nous c'est de remettre le travail au cœur de nos priorités. Ceux qui ont la chance d'avoir un travail devront doubler d'effort pour améliorer leur productivité et contribuer ainsi a la création de nouvelles richesses qui serviraient à la promotion et la création de nouveaux projets et de nouveaux emplois. Il n'y a pas de dignité sans travail et le fait de différer certaines revendications salariales légitimes et continuer à travailler et améliorer notre compétitivité est la principale forme de solidarité entre les actifs et les sans emploi et une expression digne de la cohésion nationale. Continuer à s'endetter pour couvrir les salaires sans réelle perspective d'investissement nous fait perdre notre souveraineté et ne garantit la dignité de personne, travailleurs et chômeurs confondus.

Aide toi le bon dieu t'aidera

Une fois remis au travail nous devons compter sur nous-mêmes et sur notre solidarité nationale , solidarité entre secteur public et secteur privé et puis solidarité entre travailleurs et patronats. En effet la sortie de cette hibernation économique exige l'engagement, pendant au mois une décennie, d'un programme ambitieux d'investissement qui permettrait de rendre espoir à la jeunesse tunisienne et de l'intégrer dans la reconstruction du pays en veillant à n'exclure aucune région et aucune catégorie de tunisiens du bénéfice du progrès et du développement.

La situation des finances publiques avec un endettement qui a dépassé 55% du PIB ne permet plus a l'Etat de jouer un rôle majeur dans la réalisation de ce défi et challenge d'investissement avec son corollaire, la mobilisation de ressources financières importantes qui dépasseraient cinquante milliards de dinars.

L'Etat n'a plus les moyens de ses ambitions et ne pourrait plus répondre seul aux attentes légitimes de sa jeunesse.Il doit accepter de partager en bonne intelligence ses moyens et ses efforts avec le secteur privé. Certains parlent de partenariat public-privé, d'autres de répartition de tâches entre public et privé. Pour ma part, je préfère parler d'un pacte public-privé de développement inclusif et de progrès social.

Ce pacte doit acter les principes qui régissent les relations entre les deux composantes de l'économie tunisienne en recentrant l'Etat sur ses fonctions de base et en se déchargeant du reste et de donner au secteur privé la libre initiative dans toute activité productive concurrentielle. En effet, le public n'est pas objectivement capable de tenir la concurrence dans un secteur investi par le privé car les logiciels de fonctionnement du public et du privé sont différents, pour le public l'essentiel est de respecter les procédures en dépit de leurs lenteurs et parfois leurs incohérences alors que pour le privé ce qui compte c'est l'objectif. A titre d'exemple et pour confirmer cette analyse il suffit de constater que la quasi totalité des entreprises confisquées par l'Etat et qui se seront trouvées de fait dans le giron du public ont perdu de leurs  performances.

Quel rôle de l'état et du secteur public dans l'économie d'une démocratie

Le partage des rôles avec le secteur privé ne diminue en rien les responsabilités de l'Etat qui sont nombreuses. Dans une démocratie les pouvoirs ne sont pas entre les mains des fonctionnaires mais d'hommes politiques représentants des partis qui forment la majorité gouvernementale. Avant la révolution, l'administration était le véritable partie politique qui transforme les commis de l'Etat en experts et ministres décideurs, tout se faisait par l'administration qui avait des pouvoirs absolus et qui se considérait seule garante de la réglementation et détentrice de la vérité.

Cette confusion trouble et parfois suspecte entre fonctionnaire et homme politique s'est traduite au fil des années par une véritable barrière psychologique entre le public et le privé qui nous a empêché d'évoluer vers un nouveau pallier de croissance de six à sept pour-cent souvent annoncé mais jamais atteint. Dans la conscience populaire, travailler dans le secteur public c'est servir son pays alors que le privé malgré sa forte participation dans l'effort national de développement et sa contribution majoritaire dans la réalisation d'investissements dans tous les secteurs reste en manque de reconnaissance.

Il faut reconnaître que le passage de certains fonctionnaires au secteur privé a permis à ce dernier de mieux connaître l'administration et à se familiariser avec son mode et logique de fonctionnement. De son côté, l'administration est restée figée et parfois  fermée sur elle même et on reproche aux hauts cadres de l'administration, qui conçoivent et veillent à l'application de plusieurs textes qui régissent les obligations des entreprises de n'avoir  jamais mis les pieds dans une entreprise privé ,et par conséquent leur méconnaissance totale des difficultés et des attentes du secteur privé.

L'Etat doit se renforcer pour mieux assurer ses fonctions régaliennes dont particulièrement la sécurité des tunisiens et du territoire et la lutte sans relâche contre le terrorisme qui constitue un préalable à toute action de développement.
Dès lors où l'économie devient une préoccupation majeure de toute la nation qui aurait souscrit à travers les composantes de la société civile au pacte public-privé de développement inclusif et de progrès social ,l'Etat devrait se recentrer sur ses fonctions de base tout en étant:

- Un état exemplaire

Il ne suffit pas d'appeler au travail mais en donner l'exemple à travers l'Administration et l'ensemble des offices des agences et des entreprises publiques. Fixer pour chaque structure les objectifs à atteindre et puis évaluer et récompenser chaque fonctionnaire et employé selon l'effort fourni pour atteindre les objectifs arrêtés. En d'autres termes, il faut rompre avec un système d'ascension exclusivement par l'ancienneté et permettre à de jeunes compétences de pouvoir, par leurs mérites, accéder tôt au grade supérieur et à des postes de responsabilités.

- Un état protecteur arbitre et contrôleur

Dans une démocratie  l'Etat est l'expression de la majorité des tunisiens. Il a la responsabilité d'agir dans le respect de l'intérêt général et au dessus de toute considération partisane ou d'intérêt corporatif. Il doit être le protecteur des pauvres et des moins nantis, et ceci à tous les niveaux aussi bien individuel que régional, et décider des transferts et des arbitrages nécessaires pour associer tous les tunisiens aux bénéfices et fruits du développement et de la croissance.
La mission de contrôle devrait être renforcée dans tous les domaines et passe par la saisie,le traitement et le partage des nombreuses informations souvent perdues ou éparpillées dans différents services et archives des départements publics. Trois priorités nous semblent d'une urgence majeure : la lutte contre l'anarchie créée par l'économie parallèle, la lutte contre l'évasion fiscale et enfin l'élimination des situations de rente.

Dans son rôle de protecteur l'Etat devrait entreprendre des actions ciblées dont la rentabilité économique n'est pas toujours évidente mais dont l'impact social peut s’avérer  très important et aura un effet stabilisateur social du pays. Dans les régions défavorisées l'Etat ne doit pas attendre que des besoins soient exprimées par les entreprises en matière d'infrastructure mais plutôt les devancer pour susciter des besoins et ainsi faire, par l'action, un appel aux privés qui ne manqueront pas de suivre son chemin.
Il est du devoir de l'Etat d'investir davantage dans l'infrastructure pour que notre réseau routier autoroutier et ferroviaire couvrira convenablement tout le territoire national et atteindra les coins les plus éloignés jusqu'à nos frontières. Cet effort doit concerner d'autres besoins de base: l'énergie , l'eau et les télécommunications. Une fois la connectivité des régions défavorisées avec le reste du territoire sera assurée nous proposons que l'Etat prend en charge la création dans chaque délégation d'un grand centre de vie aménagé pour accueillir l'ensemble des activités et services de base nécessaires pour développer une vie de cité moderne: écoles, établissements de santé, banque, poste, locaux commerciaux, habitation, loisirs, marché et terrains pour faciliter l'implantation de PME.De même l'Etat devrait initier la création dans chaque région d'un grand projet marqueur d'une spécificité locale.

- Un état visionnaire et stratège

Il nous faut un État visionnaire et stratège qui porte une grande ambition pour notre pays. Nous vivons dans l'ère de la mondialisation oùtous les pays se heurtent à deux défis majeurs l'augmentation du chômage qui nécessite une accélération des investissement d'une part et la volatilité des capitaux aussi bien nationaux qu'étrangers qui deviennent très mobiles d'autre part.
Dans cette course mondiale de mobilisation de fonds, notre pays pourrait se différencier par un État qui fixe des choix pour son économie et déclare clairement sa stratégie et ses filières  de développement à moyen et long termes et s'engage à mettre en place toutes les mesures d'accompagnement nécessaires pour réaliser ses objectifs. Une communication qui porte une vision et ambition du pays rassure et encourage l'adhésion des investisseurs nationaux et étrangers.
Comme participation à la réflexion, nous pensons que dans cette démarche la Tunisie a besoin de clarifier et préciser certains choix de consensus national autour desquels va se structurer notre économie nationale et qui pourrait  à notre avis progresser avec six propulseurs dont deux réacteurs et quatre moteurs.

Les deux réacteurs qui vont permettre à notre économie de planer et se maintenir parmi les pays émergents et les pays développés sont l'économie verte et l'économie numérique. Toutes les études prospectives montrent que ce sont ces deux filières qui vont porter la croissance mondiale pendant la prochaine décennie où la Tunisie, avec sa jeunesse et ses cadres pourrait légitimement aspirer à jouer un rôle significatif voir majeur. C'est un challenge national de taille que l'Etat doit conduire, suivre et accompagner par une meilleure coordination et préparation des différentes structures tel que l'enseignement, la formation et la recherche.

A côté de ces deux réacteurs, l'Etat tunisien gagnerait à renforcer la puissance des autres moteurs de l'économie tunisiennes et plus particulièrement la santé, l'agriculture et l’agro-alimentaire, le tourisme, l'enseignement et l'industrie du savoir.

- Un état partenaire facilitateur et  réactif

Dans une économie moderne, l'Etat ne peut pas tout faire mais inciter à  faire. Dans notre pays l’Administration qui symbolise l'Etat est devenue par son sureffectif obèse, elle a perdu sa souplesse et sa réactivité tant souhaitées par le secteur privé. Il faut a à la fois la doter davantage de compétences et réduire son sureffectif en limitant le remplacement des départs à la retraite et en encourageant des départs volontaires vers le secteur privé. On pourra même envisager le  détachement des fonctionnaires auprès d'entreprises privées sachant que même en cas de retour à l'administration au terme de la période de détachement ils reviennent avec une meilleure perception des difficultés et des attentes du secteur privé.

En sa qualité de facilitateur, l'Etat doit s'abstenir a être en concurrence déloyale avec le secteur privé par toute mesure administrative ou réglementaire lui accordant un privilège par rapport  a ses concurrents privés et entreprendre plutôt toute action appelée à améliorer l'environnement des affaires et à encourager l'investissement privé et la libre entreprise.

Quelles sont les responsabilités du secteur privé

Dans le pacte public-privé de développement inclusif et de progrès social le secteur privé à une part de responsabilité qui ira en crescendo avec l'accroissement de sa contribution dans l'effort national d'investissement. Le secteur privé n'a plus vocation comme dans le passé à tout demander a l'Etat,il doit, au contraire, prendre le relais de l'Etat pour initier de grands projets structurants. Pourquoi les grands groupes privés tunisiens n'ont jamais eu l'ambition de promouvoir de grands projets d'aménagement ou de création de pôles d'activités dédiés à un secteur donné en partenariat avec un pays leader mondial du  secteur telle qu'une nouvelle ville connectée utilisant de l'énergie propre renouvelable et dédiée à l'économie verte et l'économie numérique ou bien encore un complexe international de santé avec des universités, des centres de formation médicale et paramédicale des hôpitaux et des cliniques privés spécialisées , des unités d'hébergement  , de restauration et de loisirs pour former ainsi un complexe autosuffisant intégré ou encore une ville universitaire ouverte sur l'ensemble du continent africain ou seront données les meilleures formations à forte employabilité. Le privé tunisien devrait être le fer de lance de telles initiatives opérées en partenariat avec des investisseurs étrangers et devrait donc être capable de mobiliser sur le marché international les fonds nécessaires pour la réalisation de ces projets et ceci sans avoir recours à l'Etat et par conséquence sans incidence sur l'endettement total de l'Etat tunisien.
Un secteur privé responsable doit agir de sorte que les moyens financiers utilisés dans différentes activités spéculatives  soient canalisés vers des projets d'avenir conformes aux ambitions et aspirations de notre peuple et particulièrement sa jeunesse.
Dans cet esprit, les entreprises tunisiennes qui sont surtout des PME voir des TPE gagneraient à se consolider et se regrouper pour former des grands groupes ayant la taille critique nécessaire qui rassure le partenaire étranger et les bailleurs de fonds internationaux.

Certains pensent qu'il n'y a pas réellement ou qu'il n'existe  uniquement que quelques exemples de grands groupes et qu'il s'agit plutôt d'un ensemble d'entreprises qui partagent un même actionnaire de référence et qui touchent à des secteurs variés agriculture, industrie et hôtellerie.

Pour conclure, il conviendrait de souligner que malgré nos difficultés nous pourrions ensemble et dans un sursaut national les surmonter si nous avons la volonté commune et l’ambition de le faire.D’autres pays avant nous et non les moindres se sont retrouvés après la dernière guerre mondiale avec une infrastructure et une économie détruites,ils ont pu surmonter leurs difficultés en s’unissant et en redoublant d’effort et comptent aujourd’hui parmi les pays les développés.

Il nous appartient de ne pas nous perdre dans les faux débats ,les revendications ou l’attente d’une aide et convenir ensemble des choix a faire pour notre pays pour rattraper le temps perdu et parvenir à assurer un meilleur avenir pour notre jeunesse.
Avec notre travail et notre engagement nous sommes capables de gagner notre pari et transformer la sympathie suscitée par la révolution en respect.

Samir Marrakchi

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