News - 08.07.2021

La démocratie contrôlée : un nouveau système démocratique

La démocratie contrôlée : un nouveau système démocratique

Par Youcef Ennebli - Dans les trois articles précédents publiés dans le journal électronique «Leaders», en dates du 02 juin 2021, 22 juin 2021 et  28 juin 2021, nous avons déjà montré successivement les trois choses suivantes:

La démocratie représentative (DR) n’est pas un véritable système démocratique;

La démocratie devait être définie à travers la finalité d’une bonne politique, à savoir le bonheur de tous;

La nécessité de substituer  un projet impératif au mandat représentatif comme premier pilier d’accès à une véritable démocratie.

Projet impératif: fondement du nouveau système politique baptisé la démocratie contrôlée

Le mandat représentatif, dont est fondée la DR, présente notamment l’inconvénient majeur d’être à la fois libre et non révocable. Ces deux caractères ouvrent la voie aux représentants de la nation d’agir en tous domaines à leur guise car ils ne sont pas tenus de respecter leurs engagements vis-à-vis  leurs mandants.

Nous avons pensé alors à un nouveau système démocratique fondé sur un projet impératif au lieu du mandat représentatif. Il s’agit d’une procédure qui oblige tout représentant, une fois élu, à respecter son projet politique relayé durant sa compagne électorale. En cas de manquement significatif, observé par les citoyens ou par la cour constitutionnelle, un référendum révocable est systématiquement convoqué, au moyen d’une initiative populaire ou celle de la cour constitutionnelle, pour décider la révocation de l’élu.

Dans cet ordre d’idées,  les électeurs  font leur choix à qui voter sur la base du projet considéré comme celui qui les représente le plus parmi l’éventail de projets proposés par les différents candidats à l’élection. Le projet impératif incline tout élu de respecter ses engagements vis-à-vis le peuple et de veiller à atteindre  la  finalité propre d’une bonne politique (assurer le bonheur de tous). L’outil de référendum révocable, sous l’initiative populaire, constitue un instrument par excellence de contrôle des élus par le corps électoral et comme un véritable contre-pouvoir des gouvernants. C’est la raison à laquelle que nous avons décidé de baptiser le nouveau système démocratique, fondé sur le projet impératif, par l’expression « la démocratie contrôlée » (Abréviation de la démocratie contrôlée par le peuple).

Nous avons défini le fondement d’un nouveau système politique. Il reste à définir les éléments constitutifs du système. De façon générale, le système politique en lui-même, qu’il soit démocratique ou non, est « un mode d'organisation d'un État qui comprend notamment le régime politique, la structure économique, l'organisation sociale, [la loi ou le code électoral, le mode de scrutin,] etc. » (Wikipédia, Démocratie, 18 décembre 2020).  Dans le présent article, qui ne peut être que très court, nous allons nous limiter à déterminer uniquement le régime politique du système proposé. Avant de présenter le régime proposé, faut-il au préalable évaluer les régimes politiques de la DR.

Evaluation succincte des régimes politiques de la démocratie représentative

A part la Suisse qui adopte la démocratie semi-directe, tous les autres pays du monde démocratique adoptent la DR comme système politique. Selon le mode d’exercice du pouvoir des gouvernants, on peut observer trois types de régimes politiques de la DR: parlementaire, présidentiel ou hybride. Chaque régime a des avantages et des inconvénients propres à lui. Si l’on se réfère au principe de séparation des pouvoirs, énoncé par Montesquieu et John Locke comme gage d’équilibre des institutions et une garantie contre les abus du pouvoir et la corruption, on peut résumer et synthétiser les avantages et les inconvénients de chacun des trois régimes comme suit :

Le régime parlementaire présente notamment l’inconvénient majeur de ne pas respecter le principe de séparation de pouvoir dans la mesure où le pouvoir législatif a une certaine mainmise sur le pouvoir exécutif qui n’est pas élu par le peuple. Il a l’avantage d’avoir une certaine cohérence dans les travaux de ces deux pôles du pouvoir s’il y a cohérence et entente entre les membres de la coalition dominante du parlementaire ;

Le régime présidentiel a notamment le mérite du respect stricte du principe de séparation des pouvoirs mais il présente l’inconvénient du déséquilibre des institutions en faveur du l’exécutif ;

Le régime hybride tend à emprunter, autant que faire se peut, les avantages des deux régimes et d’y éviter leurs inconvénients.

Nous avons pensé à une meilleure combinaison que celle du régime hybride, à savoir un régime présidentiel à deux têtes.

Régime présidentiel à deux têtes: un nouveau régime proposé à la démocratie contrôlée

Il s’agit de diviser le pouvoir exécutif en deux têtes : un Président de la république qui représente la nation  notamment au niveau de la politique extérieure du pays ; un président du gouvernement qui représente la politique intérieure du pays. Le premier caractère distinctif de ce régime par rapport aux régimes classiques de la DR réside notamment à ce que le président du gouvernement, comme c’est le cas du Président de la république, soit directement choisi et élu par le peuple à travers le suffrage universel et non par le parti vainqueur aux élections législative ou le Président en cas du régime présidentiel.

Un tel régime permet  au président du gouvernement d’avoir les mains libres et de ne pas subir les pressions d’un bienfaiteur (le parlement ou le président) comme c’est le cas de la DR avec tous les inconvénients que cela pourrait entraîner. Une telle indépendance  favorise un climat ambiant permettant au président du gouvernement d’adopter le critère de compétence dans le choix des personnes à pourvoir des les postes de responsabilité et d’adopter les meilleures orientations loin des pressions des partis ou du Président de la République. Une telle liberté et pouvoir implique systématiquement l’entière responsabilité que doit assumer le président du gouvernement dans ses choix et ses décisions prises. C’est la traduction de l’application de la règle d’or en management : adéquation entre pouvoir et responsabilité.

Un régime présidentiel à deux têtes constitue également un bon gage d’équilibre avec les quatre pôles de pouvoir. Les institutions du pouvoir d’exécutif étant divisées en deux, on ne peut plus parler d’un déséquilibre en sa faveur. En guise de synthèse, un tel régime possède les mérites de préserver l’avantage du régime présidentiel (indépendance stricte des pouvoirs) et d’éradiquer les inconvénients du déséquilibre des institutions. Cependant, faut-il veiller à ce qu’aucune confusion n’apparaisse entre les prérogatives des deux pôles du pouvoir exécutif. Une séparation   nette et claire entre ces deux types de prérogatives est nécessaire.

A titre d’exemple, le Président de la république, à part ses attributions classiques en cas du régime hybride (la défense – l’armée ainsi que  les gardes-frontières - et la politique extérieure), faut-il lui ajouter la fonction du commerce. Comme cette fonction englobe aussi bien le commerce extérieur et que le commerce intérieur,  la désignation du Ministre du commerce doit être faite sur la base de concertation entre les deux présidents. En cas de divergence d’avis, la dernière décision revient au Président. Aujourd’hui, la politique extérieure ne peut avoir l’effet escompté sans une politique appropriée du commerce extérieure. Bien entendu, le reste des prérogatives du pouvoir exécutif revient au président du gouvernement.

Faut-il préciser que la Politique, comme le management, relève des sciences de la contingence générique et non des sciences du nécessairement vrai. Ce qu’il faut surtout savoir c’est qu’il n’existe pas un régime politique qui constitue la solution universelle à tous les temps et à tous les pays. Chaque pays a ses propres facteurs contingents qui conditionnent le régime qui lui est le plus approprié à une époque bien déterminée. Pour le cas des pays qui ont plutôt la culture et l’habitude d’un régime présidentiel   ou présidentialiste (comme la Tunisie), il est recommandé que la fonction de l’éducation et de la formation professionnelle revienne également parmi les prérogatives du Président de la république. C’est l’occasion de donner les lettres de noblesse à cette fonction que nous considérons comme le vecteur directeur, le barycentre de tout progrès politique et socioéconomique. Les pays les plus heureux au monde possèdent tous un système très performant de l’éducation et de la formation professionnelle.

Limites et perspectives

Faut-il attirer l’attention que nous avons décrit et expliqué le nouveau système politique dans un cadre très partiel (réduit à son principal fondement -projet impératif- et à un seul élément constitutif -régime politique) et uniquement dans ses grandes lignes. Rien que pour ce cadre partiel, il est nécessaire  de déterminer dans le détail  les conditions pratiques et les outils de base qui permettent la mise en œuvre effective et efficace des procédés ayant attrait au projet impératif. Sans cela, la pratique de la démocratie contrôlée risque fort de vider le pouvoir du peuple, consistant notamment dans le contrôle des gouvernants, de sa substance.

Toutefois, ce cadre descriptif à la fois partiel et sommaire ne peut pas masquer certains de ses mérites. Faut-il préciser d’abord que  si je me suis limité à ce cadre partiel et sommaire, cela n’implique guère que n’ai pas pensé à certains autres  éléments du système politique et à certains détails ayant attrait au  fondement de la démocratie contrôlée. Ensuite, ce cadre a notamment le mérite  de montrer que le régime politique à choisir pour la Tunisie, un des objets du dialogue national, est à chercher en dehors des régimes classiques. Faut-il rappeler que la DR, dans ses trois régimes classiques, constitue plutôt une démocratie de façade. En Tunisie, c’est plus grave, l’adoption de n’importe quel régime classique, ne peut que virer progressivement vers la dictature. L’histoire récente de Tunisie (depuis l’indépendance) le prouve où successivement le régime présidentiel, le régime parlementaire (durant la période transitoire de l’ANC) et le régime hybride  (actuel) se sont vite transformés en une dictature masquée par les élections. Tout cela explique pourquoi j’ai pensé à concevoir un nouveau système politique.

La concrétisation d’un nouveau système politique  dépend notamment de la volonté des grands acteurs de la politique et de leur esprit dominant. Un esprit qui a le complexe d’infériorité vis-à-vis le monde occidental ou un esprit dogmatique constitue un obstacle majeur de tout renouveau. L’esprit critique,  constructif et ouvert à la diversité de jugements, qui obéit aux préceptes de la logique (contre les préjugés et l’argument d’autorité), est l’esprit adéquat au progrès substantif et à l’innovation. Bien entendu, je ne prétends, et en aucun cas, posséder toute la vérité. Je suis ouvert donc à toute critique constructive et à tout dialogue visant la construction d’un point de vue supérieur. La vérité est la fille naturelle de la discussion argumentée et l'intelligence est l'ennemi des tabous.  

Youcef Ennebli

 

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