News - 01.12.2019

Habib Jemli: J’y parviendrai

Habib Jemli:  J’y parviendrai

Par Hédi Behi & Fatma Hentati - Illustre inconnu pour la plupart des Tunisiens il y a quelques semaines, Habib Jemli a jailli sur la scène politique sans crier gare alors que les regards étaient fixés sur les ténors de la classe politique tunisienne. La surprise était totale: Habib quoi? On écorchait son nom: Jomli? Jamli? Non JEMLI. Les quolibets fusaient de partout. Pensez donc. Un ancien secrétaire d’Etat venu d’une bourgade perdue dans les vastes plaines de Kairouan va tenter de former le nouveau gouvernement, autrement de résoudre la quadrature du cercle.

Et s’il y arrivait. En tout cas, il y tient, malgré ses fragilités: sa proximité réelle ou supposée d’Ennahdha, son manque d’expérience... Concernant la première, il balaye d’un revers de main cette accusation. S’il a été choisi pour occuper le poste de secrétaire d’Etat à l’Agriculture dans le premier gouvernement d’Ennahdha, c’est à titre de technocrate. Quant à l’expérience, il l’a acquise dans les différents postes qu’il a occupés dans l’administration et dans le secteur privé. Pendant deux heures, le chef de  gouvernement désigné se livrera de bonne grâce, comme il ne l’a jamais fait, sur sa vie privée, ses parents, sa famille, nous dévoilera  sa démarche  pour former le gouvernement, nous expliquera sa vision pour le pays. Il reconnaîtra que la tâche est ardue, mais non impossible. En tout cas, il tentera de faire justice de toutes les rumeurs malintentionnées, de l’image caricaturale qu’on tente de lui accoler. Au final, qu’on soit d’accord ou non avec lui, on est impressionné par son solide bon sens, cette force de conviction qui se dégage de lui. A aucun moment, il n’a paru abattu par les difficultés qu’il rencontre. Est-ce de l’autosuggestion, pour se donner confiance? «C’est de l’optimisme de volonté et de raison à la fois», rectifie-t-il. Interview

Vous attendiez-vous à votre nomination en tant que chef de gouvernement?

Je ne m’y attendais pas moi-même.La scène politique et parlementaire a exigé la désignation d’un chef de gouvernement neutre. Le parti Ennahdha avait pensé à quelque neuf compétences et mon nom est apparu en dernier, se basant sur le principe de la non-appartenance.

Etait-ce une surprise pour vous?

Je dirai bonne, dans le sens où je suis honoré de pouvoir servir et aider mon pays à dépasser cette période.

Qu’en a pensé votre famille?

Ma famille est fière de cette nomination, et moi je suis ravi par le degré de compréhension, de maturité et de responsabilité dont tout le monde a fait part. Ma famille et moi avons placé la patrie avant toute considération.

Qui vous a annoncé cette nomination?

Dans le cadre de mon travail que j’effectuais à Sidi Bouzid, un ami à moi, dont je ne citerai pas le nom,  du parti Ennahdha, m’avait appelé pour m’annoncer que M. Rached Ghannouchi voulait me rencontrer de toute urgence. Il m’a affirmé qu’ils étaient réunis au Conseil de la Choura du parti, et que la tendance du vote allait vers ma désignation, ce qui m’a totalement surpris. J’ai quand même pris la route en direction de l’ARP, où Rached Ghannouchi m’a confirmé le résultat du vote du Conseil. Je lui ai exprimé ma surprise, j’étais aussi hésitant à cause de mes engagements professionnels. Malgré tout, je l’ai informé que le devoir était prioritaire à mes yeux, étant convaincu que le pays a besoin d’un homme qui ne soit pas membre d’un parti.  Qui se situe en dehors du système politique, afin qu’il vienne prêter main-forte pour faire face à une responsabilité aussi importante. Le citoyen est comme un soldat et doit aimer son pays, et je ne peux me dérober au devoir que cela implique. Une personne peut hésiter devant la proposition d’un parti ou d’un homme politique, mais non face à l’appel de la patrie. J’ai considéré que c’était un devoir national.

Il m’a alors demandé de me préparer puisque l’investiture officielle du chef du gouvernement devait se faire le lendemain en présence du Président de la République.

Aviez-vous posé des conditions?

Je n’emploierai pas le terme «conditions», mais bien évidemment, durant la deuxième entrevue je lui ai fait part de ma vision.

Quels sont les atouts qui vous permettraient de mener à bien votre mission?

J’ai été très clair avec M.Rached Ghannouchi, le président de l’ARP, et je lui ai dit que je n’hésiterai pas à mener à bien cette mission difficile pour moi. Cependant, je pense (pour ne pas dire conditions) qu’il faut mener cette mission en toute indépendance si l’on veut. Mon seul mobile est le bien de la Tunisie, et je crois pleinement que le succès de la Tunisie implique la réussite de toute la classe politique. En m’adressant à  R. Ghannouchi, je lui ai dit qu’il serait le premier bénéficiaire de ce succès. Je crois qu’il va continuer de soutenir cet accord et d’honorer cette condition de non-ingérence de tous les partis.

Quelle est la 1ère personne que vous avez appelée quand votre ami vous a annoncé la décision d’Ennahdha?

C’était ma femme que j’ai appelée en premier, cela me semblait naturel. Je n’ai appelé mon frère qu’après.

Vous n’envisagiez pas de votre côté un retour à la vie politique?

Non je n’y comptais pas, j’avais pris un autre chemin. Si j’avais souhaité rester dans le monde politique, j’aurais intégré un parti politique ou bien j’aurais su m’insérer quelque part sur la scène.

Je crois que tout le monde ne doit pas pratiquer la politique, d’ailleurs je suis persuadé que les gens de l’entreprise sont capables de beaucoup aider au développement de la Tunisie.

Comment comptez-vous procéder pour le fonctionnement du prochain gouvernement?

Nous avons mis en place des comités de réflexion et élaboré des stratégies afin de pallier les nombreux problèmes de la gestion du secteur et entrepris des actions préliminaires, qui n’ont malheureusement pas été suivies par la suite.

C’est une expérience enrichissante qui m’a permis de mieux comprendre les rouages de l’administration. Je garde en tête que chaque homme d’Etat doit donner la priorité à l’intérêt national. Il y a eu en Tunisie une période d’incompréhension des défis et des enjeux réels de la situation.

Il n’y a pas de continuité de l’Etat.  Il est malheureux que le premier souci de chaque ministre qui arrive soit d’annuler toutes les  mesures de son prédécesseur. Cet état de fait entraîne de graves crises.

Dans ce nouveau gouvernement, nous ambitionnons de bouleverser cette approche, et inscrire la nôtre dans la continuité de l’Etat, qui est au-dessus de tout parti politique. Nous allons aussi mettre en œuvre un système indépendant de suivi et de contrôle des résultats. Les ministres seront nommés en se basant sur des programmes et des modes de gouvernance clairs, à commencer par le Chef du gouvernement. Ils seront amenés à garder les responsables à leurs postes, sans passer par des remaniements sur une base idéologique.

Nous devons aussi mettre en place une série de mesures pour pallier les différents  problèmes agricoles qui sont variés. Le vieillissement des acteurs agricoles est une réalité. Il faut  trouver le moyen d’intéresser les jeunes au secteur et mettre fin au morcellement  des terres afin de lancer une réelle croissance du secteur.

Nous sommes conscients des défis de ce secteur en particulier. A cet effet, nous avons préparé de la matière, un plan entier définissant les grandes orientations pour le développement du secteur agricole à présenter au prochain ministre.

 

Hédi Béhi & Fatma Hentati

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