News - 16.11.2018

L'entrepreneuriat innovant en Tunisie : une enquête auprès de 245 étudiants

L'entrepreneuriat innovant en Tunisie

La revue Marché et Organisations(n°33) vient de paraître. Publiée à Paris par les éditions L’Harmattan, elle vise à « promouvoir la recherche originale sur les relations de plus en plus étroites qui se tissent entre le marché et les organisations. Les acteurs économiques de taille, de puissance et de pouvoir différents dont les intérêts peuvent être convergents, complémentaires ou, le plus souvent, antagoniques, ont tendance à organiser les marchés. La raison du marché, pourtant, est la référence stratégique pour l'entreprise ainsi que pour les institutions publiques de décision économique». (4e de couv.)
Nous notons avec plaisir que ce nouveau numéro est entièrement consacré aux pays du Maghreb. Est-ce pure coïncidence ? Il paraît à point nommé, juste à l’heure où la Tunisie multiplie les efforts pour favoriser les partenariats et attirer de nouveaux investisseurs. Le monde des petites et moyennes entreprises, en particulier, connait en effet, depuis quelque temps une grande effervescence.C’est à Tunis que se tient actuellement, pour la première fois, la 22e session du forum économique international ‘Futurallia’ 2018, avec, en particulier, son ‘Start-up village‘ d’innovation.

Ce numéro de Marché et Organisations, comprend 5 études (sur 9), écrites par des Tunisiens sur la Tunisie.  Ainsi, HayetJemli (ISG Tunis) a signé l’article “Effet de l’enseignement de l’entrepreneuriat sur l’intention entrepreneuriale des étudiants inscrits dans les écoles tunisiennes d’ingénieurs ”.Il s’agit d’une enquête auprès de 245 étudiants durant les périodes de février et avril 2012, mettant en question aussi bien le contenu que les méthodes d’enseignement de l’entrepreneuriat. Il est patent, souligne-t-elle, que l’enseignement dispensé n’a guère amélioré l’intention entrepreneuriale chez ces étudiants. L’enjeu est de taille, car, faut-il le souligner ? le rôle de l’entrepreneuriat dans la croissance économique est essentiel. La création d’emplois et l’encrage de l’innovation dans les esprits en dépendent.HayetJemli suggère en conclusion quelques pistes de recherche, la dernière étant:

« Il est aussi préférable de poursuivre l’étude réalisée dans les écoles tunisiennes d’ingénieurs sur une période plus longue. En effet, il serait intéressant de connaitre les réponses des ingénieurs au questionnaire utilisé dans cette étude un ou deux ans après l’obtention de leur diplôme. » (p.169)

Adel Ghodbane (Université de Sfax), Tark Belhadj (Université de Sousse) et Hella Bani Baghdadi (Université Tunis El Manar) ont longuement étudié les ‘’Effets du réseau relationnel personnel des entrepreneurs sur la création d’un avantage compétitif : Cas des PME tunisiennes.‘’Leur enquête a porté surles mécanismes personnelsde 201 entrepreneurstels que la capacité d’absorption et le choix de l’orientation entrepreneuriale. Leur conclusion est une sorte de mise en garde :

« En dépit des avantages préconisés par le réseau relationnel personnel en matière d’accès aux ressources stratégiques, et qui ont été consolidés jusque-là par notre travail de recherche, ces résultats peuvent être anéantis en l’absence de véritables répercussions positives sur les avantages compétitifs des PME tunisiennes. Cette problématique a également fait l’objet de notre article à travers lequel nous avons soulevé la question relative à l’intermédiation jouée par l’orientation entrepreneuriale dans la relation entre l’accès aux ressources stratégiques et les avantages compétitifs. Nos résultats ont montré que cette variable est le chef qui signifie créer la différenciation et anticiper les opportunités d’affaires ». (p.39)

Samia Haddad (IHEC Carthage) et NajehMelliti (InstitutSupérieur des Finances etde Fiscalitéde Sousse) ont écrit sur le “ Rôle des structures d’accompagnement dans la création des entreprises innovantes en Tunisie”. Après avoir analysé les éléments conceptuels de l’entreprise innovante et passé en revue les difficultés rencontrées par les créateurs innovants, les deux enseignantes se sont intéressées au cas des pépinières de la région du Sahel. Leur enquête, qui a concerné quatorze entreprises, a permis de relever les obstacles institutionnels et financiers rencontrés par ces entreprises et de proposer les mesures adéquates pour les éviter.

Intitulé “ De la pertinence de l’éthique professionnelle dans la régulation de l’accompagnement entrepreneurial- Une étude exploratoire en Tunisie”, le travail d’Ilia Taktak-Kallel (École Supérieure de Commerce de Tunis)est une enquête auprès d’unedizaine d’accompagnateurs. Elle met en exergue une disparité entre éthique entrepreneuriale et éthique professionnelle, soulignant ainsi, le rôle prépondérant de l’orientation client dans le professionnalisme de l’accompagnement.

Précisons qu’Ilia Taktak-Kallel prend soin de prévenir le lecteur dès le début de son travail :

« Même si notre démarche comporte une certaine connotation normative (« Comment moraliser l’accompagnement entrepreneurial ? »), notre but n’est pas de porter un jugement sur les pratiques mais de proposer une lecture visant à (auto)réguler l’accompagnement via la réflexivité éthique en tant qu’exercice permanent de recherche et de (co)création de sens incorporé dans l’action. C’est une posture qui permet de concilier humanisme, souci de construction des professionnalités dans le champ de l’accompagnement entrepreneurial et souci managérial dans des situations et contextes d’action spécifiques. » (p.199)

Enfin, Anissa Chebil (Université de Sousse), BoualemAliouat(Université Côte d’Azur) et Karim Ben Kahla (Université de La Manouba) ont répertorié les ‘’Discordances sur la performance des pôles technologiques’’. Se concentrant sur deux pôles, celui d’ElGhazala à Tunis et celui de Mecatronic à Sousse, les trois chercheurs avaient relevé au moyen d’un questionnaire portant sur 39 entreprises appartenant à ces deux pôles, une contradiction flagrante, à savoir un potentiel non négligeable de ressources mais un déficit d’organisation, de soutien et de participation aux projets collectifs.

Bien entendu, le lecteur pourra trouver dans ce numéro de la revue Marché et Organisationsd’autres études lumineuses concernant le Maroc et l’Algérie, comme par exemple, celle de Quentin Chapuis, ‘’Le développement de la start-up au Maroc à l’aune de la théorie des champs »,ou encore celle d’Omar Amir et Youghourta Bellache, ’’Institutions et organisation : quelle articulation dans une problématique de l’entrepreneuriat en Algérie.’’ Espérons que la tentative de cette revue de mettre en exergue les particularités dece champ d’analyse si prometteurqu’est l’entrepreneuriat innovant au Maghreb,se poursuivra, et inspirera d’autres chercheurs. Il faut dire que cette région pourtant marquée par un décalage social et économique important, n’a pas, jusqu’ici, inspiré beaucoup de travaux de recherche. Comme le notent dans leur Avant-propos, Sonia Ben Slimane (Novancia Business School de Paris) et Hatem M’henni (École Supérieure de Commerce de Tunis) :
« Certainement, les papiers présentés n’épuisent pas le sujet. Ils ne définissent pas un paradigme unifié de la relation entre entrepreneuriat et innovation dont le Maghreb serait une illustration. Ils pointent en tout cas du doigt des changements dans le schéma de développement qui paraissent particulièrement importants ». (p.17)

Marché et Organisations (n°33), L’entrepreneuriat innovant dans les pays du Maghreb, L’Harmattan, Paris, octobre 2018, 308 pages • 32 euros•
Coll. Marché & organisations
EAN : 9782343158921

Rafik Darragi

 

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