News - 31.12.2014

Un bien triste conte de noël… écrit par la cour suprême israélienne

Les médias et les grands esprits en Occident traitent à longueur de journée de la cruauté des extrémistes de tout bord et de leur sauvage inhumanité.

Seule échappe à leur vigilance la cruauté des Israéliens envers les Palestiniens.

A l’heure où les Palestiniens essaient de se dégager de la nasse sioniste  en faisant appel, en vain,  à l’ONU*,  il est utile de rappeler ce que subissent  au quotidien les Palestiniens sous l’occupation israélienne.

Séparé par la vie, séparé par la mort

Sous le titre de « Séparé par la vie, séparé par la mort : un Palestinien perd son enfant sans jamais l’avoir vu », Gideon Lévy et Alex Levac écrivent dans le quotidien Haaretz du 27 décembre 2014 :

« Quelle degré de cruauté et de dureté faut-il avoir pour ne pas accéder à la demande  d’un père désireux de  voir,  une fois dans sa vie,  son fils gravement malade et de l’empêcher d’assister aux obsèques de ce  fils ? C’est pourtant ce que vient de  décider  la Cour Suprême d’Israël - sous la présidence  d’Asher Grunis assisté des juges Zvi Zylbertal et Elyakim Rubinstein- qui avait à se prononcer sur une pétition introduite par Hamoked : le Centre pour la Défense de l’Individu, une ONG humanitaire,  contre les autorités israéliennes de sécurité.
Le bébé Emir Hafi est décédé le 14 décembre 2014 des suites d’une maladie héréditaire chez sa mère et son grand-père en Cisjordanie, dans le village d’Artah,  au sud de Tulkarem. Deux petites heures d’automobile  séparent la maison du père, Bakr Hafi dans la Bande de Gaza de celle de sa mère Waad.

Emir, qui est mort à l’âge de 18 mois,  est venu au monde non seulement affligé d’une maladie héréditaire mais aussi de parents séparés de force  par Israël. Son père, expulsé vers Gaza,  n’a jamais pu voir son fils au cours de sa courte vie.

Les parents de Waad sont nés dans le camp de réfugiés de Bureij à Gaza mais ont déménagé en Cisjordanie en 1971. Son père, Ismaïl Balahawi,  a exercé divers métiers à Netanya [en Israël]…Il parle mieux l’hébreu que l’arabe. Il continue de travailler à Netanya avec un permis de travail israélien. La fille de Balahawi et ses deux petites-filles sont venues habiter chez lui quand son gendre a été expulsé vers Gaza.

Bakr et Waad se sont mariés en 2007. Bakr construit pour sa femme une maison dans le village de Shweika,  voisin de Tulkarem. Lui aussi est originaire de Gaza mais a passé pratiquement toute sa vie en Cisjordanie. Il est maintenant âgé de 42 ans et sa femme en a 23. Ils ont deux mignonnes  filles : Suar, 7 ans et Hala, 5ans et demi.

Il y a cinq ans, les forces de sécurité ont fait irruption chez eux en pleine nuit et arrêté Bakr. Il a été incarcéré trois mois à Shikma, une prison d’Ashkelon puis libéré sans procès. Mais au lieu de lui permettre de retourner chez lui à Shweika où l’attendaient sa femme et ses deux filles, il a été déporté vers la Bande de Gaza.
La carte d’identité de Bakr porte la mention « résident à Gaza » et les Palestiniens n’ont aucun moyen de changer cette désignation. Dans pratiquement tous les cas, les Gazaouis ne sont pas autorisés à déménager dans une nouvelle demeure sise en Cisjordanie même s’ils se marient avec quelqu’un qui y réside. Les demandes de regroupement familial présentées par les Hafis ont été toutes rejetées par Israël.

Près de deux ans après l’expulsion de Bakr, Waad et ses filles sont partis pour quelque temps à Gaza. Comme Israël ne les a pas autorisées à y aller, ils y entrèrent en passant par la Jordanie et l’Egypte. Mais, à l’époque,  les raids et les bombardements israéliens ont contraint Waad à retourner, après onze mois,   chez ses parents à Artah.

Son père se rappelle aujourd’hui que Bakr « couvrait de son corps sa femme et ses filles au cours des attaques pour les protéger comme une poule protégeant ses œufs….. « Waad ne s’est jamais sentie chez elle à Gaza. Ce n’était pas un endroit pour elle. C’est l’enfer » affirme son père.

Elle tomba enceinte lors de son séjour à Gaza et Emir naquit sous une mauvaise étoile, à Tulkarem,  le 17 mai 2013. On lui trouva une maladie héréditaire fatale. Il subit divers traitements dans de nombreux hôpitaux- y compris à Jérusalem, à l’hôpital universitaire Hadassah. Il n’en était pas moins clair que ses jours étaient comptés.

Emir est mort dans son lit, la nuit, dimanche, il y a une semaine. Sa mère a sa photographie sur son téléphone mais son père ne l’a jamais vu.

« Nous avons demandé à tout le monde de permettre au père d’assister aux funérailles de son fils afin qu’il puisse le voir, juste une fois puis retourner à Gaza » déclare le grand-père Ismaïl…..
Nous avons parlé à Bakr au téléphone : « Je suis bouleversé » nous dit-il dans un excellent hébreu. « Un enfant est né. Il est tombé malade. J’ai demandé à le voir, après sa mort et vous connaissez la suite. Je souffre réellement. Vraiment. Ils ont fait de moi  une panthère noire mai ils ne m’ont pas donné la chance de voir mon fils…

L’an dernier, en juillet, j’ai rencontré le Shin Bet (service de sécurité) au terminal d’Eretz. Je leur ai dit : « Vous n’avez rien trouvé à mon sujet, vous m’avez libéré. Pourquoi m’avez-vous renvoyé à Gaza et pas chez moi ? Je suis entre le marteau et l’enclume. Les pleurs m’ont submergé. Vous ne pouvez imaginer ce que je ressens. Ma maison est là-bas, ma ruche est là-bas. J’étais apiculteur à Shweika, mes filles et ma femme sont là-bas, toute ma vie est là-bas. Je ne sais quoi vous dire. Je ne vous souhaite pas- à Dieu ne plaise-  de passer par ce que je vis mais essayer de ressentir ce que je sens, sans ma femme, sans mes enfants. Je n’appartiens pas à ce monde ci (Gaza). Croyez-moi, frère. J’ai un océan d’amis en Israël. Je suis un carrossier auto professionnel. Je ne suis pas de Gaza. Pourquoi ne me laissent-ils pas aller chez moi ? Je suis bouleversé. Complètement anéanti……Laissez-moi reprendre le cours de ma vie. Laissez-moi respirer l’air de ma maison. Vous savez, si j’étais un terroriste, il ne m’aurait jamais lâché.  Même les juges de la Cour Suprême ne m’ont pas donné cette chance. Une seule chance. Même pas pour voir mes filles, comme vous les voyez vous-même maintenant ».
Dans ce qui suit, voici la réponse de la Cour Suprême à la requête n° 8588/14 introduite par Bakr Hafi et Hamoked le 16 décembre 2014, deux jours après le décès d’Emir : « Ayant lu la documentation fournie par la sécurité et qui ne peut être rendue publique, nous en concluons que, en dépit des circonstances difficiles du requérant, qu’il n’y a aucune irrégularité dans  la décision lui interdisant d’entrer en Cisjordanie en provenance de Gaza, même pour une courte visite et sous certaines conditions. Il est à remarquer que la documentation fournie par la sécurité est considérable et couvre plusieurs  années, y compris l’an dernier. Dans le même temps, nous voulons noter que si l’épouse du requérant qui est en Judée-Samarie [la Cisjordanie dans le jargon des sionistes] introduit  une requête pour lui rendre visite dans la Bande de Gaza en compagnie des enfants du couple, ladite requête sera examinée sous un éclairage positif ».

Une note finale : Si cela ne dépendait que de l’armée et de la police israéliennes, cet article n’aurait jamais vu la lumière du jour. Nous avons été détenus durant quelques sept heures alors que j’étais (Gidéon Lévy) en train de le préparer, en début de semaine ».

Haro sur la famille palestinienne, « menace démographique »

Le triste et terrible cas de la famille de Bakr Hafi est loin d’être le seul. Il s’agit d’une politique systématique. Inhumaine et raciste.

Dans un article paru sur Haaretz (15 juin 2014), la Palestinienne (ayant la nationalité israélienne) Carol Daniel Kasbari – née à Nazareth- explique le calvaire qu’elle endure parce que….mariée à un Palestinien. Excédée, elle a décidé- la mort dans l’âme-  d’émigrer aux Etats Unis avec son mari Oussama et leurs deux enfants. Carol écrit que, sitôt mariée : « Nous avons commencé à construire une vie normale en entamant le processus de « l’unification familiale » au moyen duquel des « non-citoyens » mariés à des Israéliens pourraient obtenir le statut de résident temporaire d’abord pour aller vers celui de résident permanent voire de citoyen ensuite. Au Ministère de l’Intérieur (israélien), on m’avait assuré que cela serait relativement simple puisque nous vivons à l’intérieur des frontières d’Israël, que nous payons des impôts, que nous obéissons aux lois et au bout de quatre ans, mon mari pourrait obtenir la carte de résident permanent.

C’est ce qu’on nous a dit. Nous y avons cru et c’est  ce que nous avons fait.

Mon mari a obtenu la carte Aleph/5 (statut temporaire) qui nous a permis de vivre ensemble. Le Shin Bet nous a considérés comme de « bons Arabes » lors du renouvellement de la carte….un long calvaire qui nous contraint à mettre à nu tous les détails de notre vie….. Un long calvaire  qui  exige une foule de papiers et de documents qui peut durer de  longs mois. Mon mari ne pouvait quitter le pays, il n’avait pas le droit d’acheter une maison, d’ouvrir un compte bancaire ou de payer lui-même la facture de son portable…

Le 31 juin 2003, tous nos rêves ont volé en éclat. Le Ministre de l’Intérieur Eli Yishai réussit à faire voter la loi «  Nationalité et entrée en Israël » (Décision temporaire) qui interdit catégoriquement aux Palestiniens originaires de « zones hostiles »(Jérusalem, Cisjordanie et Gaza) le droit de résider ou de d’acquérir la nationalité s’ils sont mariés à un citoyen israélien. Cette loi avait été votée parce qu’un homme dans cette situation de  « regroupement  familial » avait commis un attentat à Haïfa. La loi ne devait durer qu’un an mais elle a été régulièrement prorogée en dépit du fait qu’aucun Palestinien n’avait été impliqué pour un quelconque acte de terrorisme ».

Carol bouleversée a tout tenté pour obtenir que son mari soit autorisé à vivre en Israël. Un consultant senior du gouvernement lui « cracha le morceau » : « Vous savez, Carol, votre cas est des plus délicats pour le peuple juif. Il s’agit de démographie. Il est très difficile de vous aider. Personne ne peut le faire ».

En désespoir de cause, elle se tourna vers la Cour Suprême israélienne qui a exprimé sa sympathie pour son cas mais lui suggéra de trouver un arrangement à l’amiable avec le Procureur de l’Etat…Celui-ci rejeta immédiatement sa requête « car tout compromis  serait la porte ouverte …et constituerait un dangereux précédent ».

Cette loi était-elle motivée par des questions de sécurité ou par la démographie ? demanda Carol.
En 2012, la Cour Suprême rejeta  collectivement tous les appels mettant en cause cette loi. Les juges admirent que cette loi violait le principe d’égalité mais le juge Asher Grunis écrivit : « Les droits de l’homme ne sauraient constituer une prescription pour un suicide national » faisant allusion à « la menace démographique » envers l’Etat Juif que poserait Oussama, le mari  de Carol !

Et Carol d’avouer : « Traiter notre cas comme une maladie et comme une menace pour l’existence des Juifs nous a profondément humiliés. Nous ne pouvions plus le tolérer. Cette année, après 15 ans d’attente et de lutte, cette vie dans la peur, l’insécurité et le  harcèlement, nous avons décidé d’y mettre fin. Nous avons décidé de ne pas demander le renouvellement du permis de résidence temporaire d’Oussama à Jérusalem. Nous avons décidé de quitter ce pays pour aller en Virginie où nous avons acheté une maison, ce que nous ne pouvions pas faire à Jérusalem. C‘est une décision lourde de conséquences car mon mari ne pourra plus retourner à Jérusalem ou à Nazareth. J’ai abandonné l’idée d’élever mes deux garçons dans ce pays et de vivre près de ma famille et de mes amis. Mais je n’ai pas renié mes racines palestiniennes ou ma mère-patrie. J’ai seulement mis fin à cette souffrance d’être une minorité dans un pays qui ne respecte pas les autres s’ils ne sont pas juifs. Maintenant quand je retourne à Jérusalem pour une visite, je suis comme hébétée par la douleur. Ma famille  et les milliers d’autres familles comme la nôtre avaient à faire le choix entre une vie normale, entièrement à l’étranger,  et temporaire,  dans notre mère- patrie. C’est un choix qu’aucune famille ne devrait avoir à faire**. »
Mais c’est ce qu’impose cette politique raciste des sionistes. Dans le silence des grands médias occidentaux.

Tristes cadeaux de Noël…plein de rancune, de cruauté et de haine.

En notre qualité de Tunisiens, nous sommes heureux et fiers que,  lors de sa prestation de serment le 31 décembre 2014, le Président de la République M. Caïd Essebsi a réaffirmé la volonté de notre pays de soutenir la juste cause du peuple palestinien…car tout le monde sait  qu’ « une injustice faite à un seul est une menace faite à tous »(Montesquieu).

Mohamed Larbi Bouguerra

* Depuis 1947, 33 résolutions du Conseil de Sécurité ne sont pas respectées par Israël.
** Carol Daniel Kasbari est titulaire d’un master en administration des ONG et en politique publique délivrée par l’Université Hébraïque de Jérusalem. Elle se consacre actuellement à un doctorat (Ph.D) sur l’analyse des conflits à l’Université George Mason à Fairfax (Virginie) aux Etats Unis. 

Tags : Beji Ca   Gaza   Isra   Mohamed Larbi Bouguerra   onu  
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