News - 18.07.2012

Malgré un brillant plaidoyer pro domo, l'ANC approuve la révocation de M.K Nabli

L'ANC a finalement approuvé mercredi soir  la révocation de Mustapha Kamel Nabli par 110 voix contre 62 et 10 abstentions. Le plaidoyer pro domo du désormais ex gouverneur mercredi après-midi à l'ANC servira au moins de témoignage pour l’histoire. Démonter un à un les griefs portés à son encontre et mériter le respect d’une large partie de son auditoire, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli y est parvenu en grande partie. Provoquer un vote massif en faveur de son maintien en poste, il savait d’avance que pareil objectif n’est pas réaliste. La sentence était déjà prononcée et le vote n'aura été, en raison du rapport de forces au Bardo, que de pure forme.

L’ANC ne pouvait lui offrir meilleure tribune que de l’inviter en audition pour s’exprimer publiquement. «En audition et non en procès public », comme le précisera son président, Mustapha Ben Jaafar. Nabli en fera plutôt «un témoignage», déposant sa version et prenant à témoin l’opinion publique. « La question est purement politique, préviendra-t-il et la décision était prise de longue date, pour mettre un grappin partisan sur le système financier et le contrôle des banques. Les griefs rassemblés à la hâte après coup et sans vérification, ont été conçus en alibi pour la justifier, mais ne sauraient être érigés en vérités ». Il enfoncera encore plus le clou en déclarant que «la manière dont cette décision a été prise et la procédure de sa mise en œuvre suffisent pour renseigner sur le style qu’on veut imposer et l’indépendance de la Banque Centrale qu’on veut mettre sous le boisseau ».

Le gouverneur rappellera que le processus de déstabilisation avait commencé dès le 19 janvier dernier avec une intrusion dans son cabinet et une agression contre sa personne restées sans la moindre condamnation de la part des trois présidences au pouvoir.

Pendant près de 30 minutes, seul sur le banc réservé à l’exécutif, en l’absence de tout représentant du gouvernement, il s’emploiera devant une salle très attentive à démonter méthodiquement , une à une chacune des accusations portées mardi soir par le gouvernement pour demander son débarquement.

Relations tendues avec le gouvernement : ce n'est pas le cas, avec une participation régulière aux conseils interministériels appropriés et des échanges continus. Ce qui semble poser problème, ce sont les communications mensuelles du conseil d’administration sur la conjoncture économique et la politique monétaire qui ne peuvent qu’être fidèles à la réalité pour préserver la crédibilité de l’institution et, partant, du pays… Il est clair que le gouvernement cherche à disposer d’une institution qui véhicule son propre discours promotionnel.

Abaissement de la notation souveraine : Il résulte notamment du manque de visibilité quant aux prochaines étapes politiques et de la non présentation à la mission de Standard & Poor's par les responsables rencontrés d’indicateurs suffisamment convaincants. En faire porter le chapeau à la BCT, c’est tenter de masquer la responsabilité du gouvernement.

Modernisation de la Banque centrale : Pour ce qui est de la gouvernance, la politique monétaire est conduite par le conseil d’administration. Une commission purement technique n’est en charge que de sa mise en œuvre. En outre, un comité ad-hoc a été créé par le conseil. Aussi, un projet global de réforme a été initié avec le concours de la Banque de France ainsi que celles de  Suède et de  Pologne. Quant à l’audit, un comité émanant du conseil d’administration a été mis en place. En outre, une évaluation approfondie de la BCT a été effectuée ce qui a permis de procéder à une restructuration interne et de nouvelles affectations.

Supervision et réforme du système bancaire : un programme de réforme structurelle a été lancé dès début 2011 comme en témoigne la circulaire de Mai 2011 sur les règles de gouvernance, la consolidation du rôle des conseils d’administration et les nouvelles règles de gestion des risques. Une action particulière a également été initiée pour le renforcement des fonds propres des trois banques publiques qui ont été soumises, par ailleurs, à un audit externe, en collaboration avec le ministère des Finances.

Pour ce qui est de l’inspection, le dispositif a été renforcé par l’ouverture d’un concours de recrutement de 23 cadres et l’élaboration d’un projet d’assistance technique pour les procédures de contrôle. Les missions sur le terrain ont été au nombre de 19 en 2011 et de 9 durant le premier semestre 2012.

Recouvrement des biens : le dossier n’est pas du ressort de la Banque centrale à elle seule, mais relève d’une commission interministérielle. Accuser cette commission d’inefficience et en faire porter la responsabilité au gouverneur conduirait en fait à démettre de leurs fonctions ses autres membres que sont les ministres des Finances, de la Justice, des Affaires étrangères et celui en charge de la gouvernance et de la lutte contre la corruption. A noter qu’aucune expérience probante en la matière n’a jusque-là permis d’aboutir en un an et demi. La plus rapide est celle du Ghana pour la restitution des avoirs d’Abacha, au bout de 4 ans pour les premières récupérations et se poursuivent à ce jour depuis 1999.

Efficacité du cabinet d’Avocat désigné : Son choix n’a pas été fait par le gouverneur, mais à l’unanimité des membres de la commission, après une consultation internationale qui a mis en compétition 8 cabinets internationaux, et un dépouillement des offres effectué en consultation avec une unité relevant de la BAD qui a offert le financement de l’action. Quant au contrat avec le cabinet d’avocats sélectionné, il a été établi par le directeur général du Contentieux de l’Etat.

Nabli continuera à fournir d’autres indicateurs « pour rétablir la vérité et éclairer l’opinion publique » avant de consacrer la dernière partie de son intervention au caractère purement politique de la demande de sa démission. « Si j’avais accepté dès le lendemain de la révolution, cette mission, c’était pour contribuer au redressement de la Banque centrale en la préservant des tiraillements politiques, et d’engager la réforme du système bancaire. Mettre fin à des fonctions n’est pas un problème en soi, ce qui compte le plus, c’est plutôt le respect des institutions, sans lequel on ne peut fonder un système démocratique sur des bases solides ».

Tout en réitérant sa fierté de l’œuvre accomplie à la tête de la BCT et rendant hommage à l’ensemble du personnel ainsi qu’aux membres du conseil d’administration, Mustapha Kamel Nabli conclura ses propos en s’adressant en ces termes aux élus : «Il appartient à l’ANC de préserver et renforcer les institutions de l’Etat et leurs crédibilité à l’intérieur du pays comme à l’extérieur, et de les protéger contre les tentatives de soumission à des desseins personnels et des intérêts politiques étroits. Je suis persuadé que l’ANC mettra tout son poids pour préserver et soutenir la BCT, au-delà de toute considération personnelle ».

Son discours est accueilli par des applaudissements nourris dans les travées de nombreux groupes parlementaires ainsi que par les indépendants. Respectueux des institutions, Sahbi Atig, chef du groupe d’Ennahdha n’a pas manqué de l’applaudir lui aussi avec quelques rares élus de son parti, courtoisie oblige sans doute.

Place ensuite aux débats avec 66 orateurs inscrits, avant de passer au vote...

Lire le texte intégral de l’intervention de Mustapha Kamel Nabli

 

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10 Commentaires
Les Commentaires
kichmet - 18-07-2012 22:45

On se demande quel plaidoyer aurait recite si ridha saidi n'aurait rien dit.pour une reponse du berger a la bergere si nabli aurait mieux fait de nous eclairer sur ceux sui l'ont agresse et sur"les coupures d'eau et d'electricite.brule,pis crame et c'est a marzouki qui tu dois t'en prendre et c'est trop tard et pour toi et pour marzouki.

Aounallah Imed - 19-07-2012 00:31

Je félicite la constituante d' avoir vote en majorité pour révoquer le mandat de Mr. Mustapha Kamel Gouverneur de la BCT. Ce Monsieur n a pas une vision Claire et sage et selon moi il est inefficace pour la nouvelle politique de notre pays il est devenu une charge et un blocage pour la Tunisie de demain

nab - 19-07-2012 01:33

La Tunisie est FOUTUE ... avec le limogeage de ce grand homme nahda va jouer avec le système monaitaire pour faire croire aux ignorant à un faux succès économique en vue de se faire élire. Mais les consequences seront désastreuses pour l'économie Tunisienne. Preparez vous à un crash économique ... Tunisiens vous me faites pitiez. Voici comment des politiciens sans scupules jouent avec la vie d'un peuple pour s'accrochez au pouvoir!! Consequence d'un pays dirigé par des analphabêtes elus par des illétrés. Bye bye TUNISIE!!!

C´est la vie! - 19-07-2012 07:45

Mieux être révoqué que vendre ses principes. Bonne chance pour son successeur et ceux qui ont pris la responsabilité politique pour cette décision. La charge est chez eux maintenant.

al07 - 19-07-2012 09:02

Résumé en une seule phrase de cette journée funeste: "Nous avons la classe politique la plus bête du Monde" ! L'Histoire les jugera.....

chokri - 19-07-2012 12:09

La campagne de désinformation et de manipulation engagée par la Troika( Ennahda et ses pions) à l’encontre du gouverneur de la BCT M.K.N nous dévoile le vrai visage de cette alliance. elle se contente du superficiel en prenant comme cible la personne du gouverneur et en le présentant comme le premier responsable de la crise économique qui secoue notre économie nationale (et pourquoi pas le premier responsable de la crise financière mondiale). Ce faisant, la troika (ENNAHDA) omet l’héritage de 23 ans de dictature, de pillage et de destruction de l’appareil productif et du système financier. eIle omet aussi que le gouvernement actuelle a, tout simplement, reproduit les mêmes choix économiques du PROGRAMMES D’AJUSTEMENT STRUCTUREL dans le cadre du budget économique de 2012, des politiques ancrées dans le libéralisme sauvage. Les représentants de la troika s'acharne contre la personne de K.Nabli sans rien dire sur la position du gouvernement en matière de politiques économiques et en particulier au niveau de la politique budgétaire et ses liens avec la politique monétaire. Le bras de fer entre le gouvernement et K.nabli émerge dans un contexte particulier dans lequel Ennahda cherche à mettre la main sur les postes clefs et en particulier sur la BCT la banque des banques ou la banque mère, celle qui assume le contrôle de toutes les structures financières et assure le suivi de la politique monétaire, un instrument qu'ENNAHDA cherche à mettre à sa disposition non pas pour des fins de développement économique mais pour des fins politiques et électorales. Au niveau de la pratique, le départ de M. K.Nabli ne peut qu'aggraver la situation de notre système financier déjà en crise et envoyer un message négatif aux institutions financières ET aux agences de notation. A notre sens, Il ne s'agit pas de guerre de programmes entre MKN et ENNAHDA et ses pions mais d’une guerre de positions. La leçon magistrale adressée par le gouverneur de la BCT au gouvernement est parvenu à montrer que la décision de destitution est non fondée et qu'elle repose sur des critères qui ne relèvent pas de la politique économique mais de l'instrumentalisation de la politique monétaire pour des fins électorales. Les tunisiens finiront tôt ou tard par connaitre la vérité et les mérites d'un gouverneur compétent comme M.kamel Nabli.

sihem - 19-07-2012 14:27

Ce n'est pas moi se sont les autres responsables. sport national, drole de maniere de jeter la responsabilite sur les autres.en plus qu'on cesse de personaliser les institutions.

librexp - 19-07-2012 21:23

Quelle mascarade ! Je crains que l'image de la Tunisie sur les marchés financiers va prendre un bon coup après son image sur la sécurité. Si ça coninue comme ça, on n'est pas sorti de l'auberge

Tunisienne - 19-07-2012 21:25

Il faut se demander qui sont les "koffars" dans ce pays.

sihem - 20-07-2012 11:59

assez de personalisation des institutions, il y en a mille autre. assez de genie unique, et president unique. d'ailleurs il s'est decouvert en critiquant le gouvernement pour ralier Caied Essebsi. en plus rejeter la responsabilite sur les autres n'est pas digne d'un homme a la tete de cette institution.

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