Opinions - 27.07.2011

Enseignement Supérieur et Chômage des Diplômés : « Le Tunisien Eduqué »

Alors que le marché international de l’emploi s’arrache les compétences, des dizaines de milliers parmi les diplômés issus du système universitaire tunisien se trouvent en chômage, pour la majorité, prolongé, sans perspectives d’emplois. La réforme du système universitaire constitue une priorité et ne peut attendre les échéances politiques. Il s’agit d’un travail  qui peut être fait par des professionnels en la matière. Parents et nouveaux bacheliers subissent de nos jours le processus d’orientation universitaire utilisant les mêmes critères et procédés qui ont conduit le pays à la situation dans laquelle il  se trouve. En l’absence d’actions urgentes et courageuses pour réformer le système, nous risquons  de voir plusieurs  «Bacheliers de la Révolution » subir le même sort que leurs prédécesseurs.
 

Enseignement Supérieur et Prospérité Economique

Nul ne doute que la prospérité économique constitue un pré requis au « droit au travail », à la dignité, à la cohésion sociale et au processus de démocratisation dans son ensemble. L’éducation est la meilleure voie à la réalisation de cet objectif. Dans ce contexte, le Prix Nobel d’Economie Paul Krugman affirme dans un de ses éditoriaux que « …si nous avions à résumer le succès économique de Etats-Unis d’Amérique par un seul mot, ce mot serait l’Education ». On peut affirmer que l’éducation et la formation professionnelle constituent un secteur stratégique de première importance pour la réalisation des objectifs de la révolution et pour un développement économique harmonieux et soutenu.

La Tunisie de l’ère de Bourguiba a misé sur le développement de son capital humain en favorisant les investissements dans l’éducation et l’émancipation de la femme. Cette stratégie s’est avérée fort payante puisqu’elle a permis au pays d’atteindre un revenu par habitant des plus élevés en Afrique.

Le régime Ben Ali a privilégié la quantité des diplômés au détriment de la qualité. Tous les  bacheliers avaient le droit d’accès à l’université pour suivre des études en fonction des capacités existantes et non en fonction des besoins des entreprises. Il en est résulté près de 170 000 qui ont des diplômes sans valeur aucune sur le marché de l’emploi et qui sont voués au désespoir après un chômage prolongé. Cette situation  a  largement contribué au déclenchement de la révolution et pose un problème sérieux pour la stabilité du pays.

A ce jour,  les débats politiques dans le pays ont porté sur le type de sociétés et sur le régime politique à adopter. Les orientations en matière d’enseignement supérieur et les réformes à entreprendre pour mettre fin à l’attribution  de diplômes sans les compétences y rattachées ne semblent pas être à l’ordre du jour des chantiers urgents et prioritaires.

Certes, il n’y a pas de bâton magique pour réformer un système universitaire en quelques mois. Toutefois, l’amorce d’une nouvelle vision d’un enseignement supérieur offrant des programmes orientés vers les besoins du marché et de nouvelles perspectives rassurantes est de nature à redonner confiance et espoir aux nouveaux bacheliers et à leurs parents.

Enseignement supérieur et chômage des diplômés

Concernant la problématique du chômage des jeunes parmi les diplômés, il y a lieu de reconnaître les efforts louables du Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, du Ministère de Développement Régional, d’autres Départements ministériels, et de bon nombre d’initiatives émanant d’Association de la Société Civile  pour créer de nouveaux emplois. Par ailleurs, l’offre de certains pays amis de recruter des tunisiens pour alléger le fardeau des diplômés en chômage est à saluer. Toutefois, il s’agit du recrutement de jeunes possédant les compétences recherchées par les employeurs du pays d’accueil.

Il est un fait que la question de la résorption du chômage des diplômés ne peut pas être résolue uniquement par la création d’emplois. Les institutions universitaires peuvent donner à ces jeunes des compétences réelles pour favoriser une insertion fiable et durable dans la vie active. L’organisation de programmes d’envergure et la mobilisation de moyens conséquents pour la « mise à niveau et le développement du niveau de compétences des diplômés en chômage » en étroite collaboration avec les employeurs potentiels tunisiens et étrangers s’avère nécessaire et urgente. Une telle approche serait moins coûteuse et plus fiable que la création de nouveaux emplois dont certains risquent de ne créer aucune ou peu de valeur ajoutée et présenteraient de ce fait un caractère précaire.

Un enseignement Supérieur de qualité axé sur le développement des compétences recherchées par le marché national et international de l’emploi ne risque pas de former de futurs diplômés chômeurs. Grâce à son héritage culturel et sa grande capacité d’adaptation, le « Tunisien Eduqué »  avec « des compétences réelles » est en mesure de se positionner compétitivement à l’échelle internationale et devenir une richesse pour le pays. 

Mahmoud TRIKI,
Doyen, Mediterranean School of Business, Tunis




 

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10 Commentaires
Les Commentaires
Sofiane Sahraoui - 27-07-2011 10:45

Comme d'habitude Si Mahmoud Triki se montre clairvoyant pour faire un diagnostic succint de la situation de l'enseignment superieur en tunisie. Je voudrais juste rajouter que le probleme du chomage des diplomes n'a pas commence avec l'approche quantitave des 15 dernieres annees mais bien avant en reduisant la formation professionelle a un statut non desirable de parent pauvre du systeme de formation superieure. L'enseignement superieur lui meme, qui a subit la loi des places disponibles a travers le systeme d'orientation, a oriente massivement des gens vers des specialites qu'ils ne desiraient pas et ou ils n'allaient pas s'epanouir. La selectivite de l'acces a l'universite durant l'ere Bourguiba n'etait point une solution mais une autre forme d'echec. Ca aurait ete un succes seulement s'il y'avait un systeme parallele de formation professionelle qui pouvait absorber ceux qui n'etaient pas orientes vers l'universite.

OUAHCHI SADOK. - 28-07-2011 12:40

BRAVO MAHMOUD POUR TON ARTICLE tres pertinent..

triki abdellatif - 28-07-2011 17:53

Mon cher cousin je te félicite pour cette analyse caractérisée par l'objectivité et le réalisme. Bravo

samia - 29-07-2011 13:33

Je suis tout à fait d'accord avec M. Triki. Le problème est que 23 ans de démagogie et de médiocratie ont crée des habitudes, ont formé des pseudo-formateurs, donc incompétents qui vont maintenir l'état actuel désastreux. Aucun signe de volonté de changer les choses n'est perceptible. Seuls quelques ilôts de résistance, à un niveau souvent individuel, permettent de limiter un peu les dégâts. Il faudrait commencer par l'examen du baccalauréat qui dans certaines sections n'a plus aucune valeur. Des étudiants en première année lettres qui ne savent s'exprimer en aucune langue. Ils ne sont ni francophones, ni arabophones, ni anglophones. Plutôt mouchnormalophones. Culture générale inexistante. Beaucoup lisent et écrivent moins bien que des élèves de 6è année primaire. Lorsqu'ils recoivent leurs premières notes, ils ne comprennent même pas pourquoi elles sont si basses; comme si on ne leur avait pas donné leur dû. Des professeurs sans aucune formation notent souvent les élèves selon leurs comportement ou leur niveau social: une bonne note pour les gentils et les démunis. Le pire c'est que ces professeurs pensent rendre service à ces étudiants, aveugles au fait que non seulement ils sont responsables du nombre de chômeurs diplômés mais en plus de la dévalorisation des diplômes tunisiens! Aveugles au fait que ceux qui passent entre les mailles du filet, deviendront peut-être les professeurs de leurs enfants.

Belguessem - 29-07-2011 14:06

Les choses sont simples à comprendre, si nos universités produisent essentiellement des chômeurs avec le plus souvent une compétence professionnelle fictive et que les universités allemandes produisent des ingénieurs qui fabriquent des Mercedes et des Audi c’est que notre université est pas totalement mais en grande partie fictive et ceci pour la raison simple que les pouvoirs politiques ont surtout au cours des dernières décennies privilégié de manière flagrante un rôle de l’université qui n’est pas le sien. Les politiques des dernières décennies ont fait jouer à l’université le rôle de salle d’attente pour la vie professionnelle avec une flopée de faux enseignements post universitaires comme les master et thèses de 3ème cycle totalement stériles mais qui sont arrivés à leurrer malgré eux étudiants et leur familles saignées à blanc croyant naïvement que ce type d’enseignement pourrait leur apporter quelques avantages professionnels. Ajouter à cela, au détriment des courtes formations professionnelles qui emmènent à des métiers de grandes utilité sociale et bien rémunérés (mécaniciens, tôlier, plombiers, maçon…), une augmentation faramineuse du nombre de bacheliers tous les ans pour anesthésier la population générale et qui se trouvent déversés dans de vrais fabriques de chômeurs et où les enseignants sont les premiers a avoir besoin de formation basale tellement ils sont incompétents parvenus en majorité à leur postes par un système de jury très suspect voir corrompu comme tous les secteurs de l’ancien système. La situation actuelle et à cours thermes ne présage d’aucune amélioration car les nouveaux politique sont entrain de faire exactement les mêmes erreurs que leur prédécesseurs dans le sens inverse en imposant une direction élue des facultés et universités qui aboutissent inéluctablement dans notre situation actuelle à la direction des institutions de notre enseignement supérieur par des groupuscules de personnes intéressées qui sont au maximum des représentations syndicales et en aucune manière par de véritables compétences universitaires dont notre université a le plus grand besoin pour se relever. Certaines grandes universités font des appels d’offres internationaux sur CV pour diriger leurs facultés et écoles supérieures !!! Les politiques doivent comprendre qu’ils doivent faire leur travail de politique sans usurper les autres secteurs du pays comme le sport, la justice, l’éducation nationale et surtout l’université qui est la machine à sortir du sous développement.

hatemdragoon@yahoo.fr - 30-07-2011 16:40

Il faut tout d'abord supprimer ce systeme stupide d'orientation par ordinateur. C'est une usine à former des médiocres sachant par exemple que quelqu'un qui a la vocation de devenir médecin, peut se retrouver orienté vers sciences éco ou architecte. Il sera donc un médiocre économiste ou architecte alors qu'il aurait pu etre un médecin brillant. Il faut instaurer des concours en 1iere année ou les places seront limitées et le plus motivés passeront en 2ieme année

amilcar - 31-07-2011 04:33

excellente analyse par populisme et meme en france le bac est offert.l' orientation doit se faire s tout le long cursus scolaire.j 'ai vu des professeurs d' université tunisienne faire des contributions dans des séminaires avec des fautes de français innombrables des citations d 'oeuvres dont la lecture est mal digére.des enseignants de qualité ne doivent pas se trouver uniquement dans les écoles co^tées mais a l ' interieur du pays.les riches mettent leurs enfants dans les lyçés privés ou les universités privés le master à 15000 dinars sans comter la succursale de dauphine.l' enseignement de qualité et gratuit est un droit pour tous.les filiéres manuelles doivent étre valorisées on cherche un bon plombier désesperément.nous avons aussi beaucoup d ' accords de cooperations décentralisées avec beaucoup de pays en particuliers avec la france .les autoritées auraient pu négocier avec ces regions une formation professionnelle pour les tunisiens venus en france avant kouchner on les appelaient les boat people.autre époque...; nos compatriotes errent comme des betes traquées dans les bois sans qu' une voix tunisienne ne se fasse entendre/il y a beaucoup d 'artisans è la retraite qui les auraient pris en charge et formés et ils seraient rentrés dignement.l' union pour la méditerranée ne serait que frontex naufragex des noms d 'insecticides

Sana Ghenima - 02-08-2011 09:48

L'analyse est pertinente certes et ceci n'est pas étonnant car venant de notre cher Doyen Si Mahmoud. A tout celà, j'ajouterais que les solutions correctives pourraient aider à remédier à certaines insuffisances et lacunes mais ne résoudraient pas le problème de l'incompétence de certains enseignants!! Une réforme totale du primaire au supérieur est obligatoire car le fossé ne cesse de se creuser entre les différentes classes socio-professionenlels alors que l'éducation constituait le vrai ascenceur social par le passé. Il est temps de redonner à la méritocratie sa place et de bannir la médiocratie dans laquelle nous avons sombré pendant les 10 dernières années en particulier. Bravo si Mahmoud !

Sheshonq 1er - 22-08-2011 16:58

I can understand Mrs. Mahmud analyze which holds a part of the explanation of the real problem, however there is another side of the situation and it couldn’t be neglected at all as a major factor of unemployment during the last years which is what I can call the satanic triangle regionalism, nepotism and cleptocracy. In addition to deep corruption, this satanic triangle had a deep impact on the economy growth and then on the unemployment rate. I can give a concrete example of the impact of this satanic example from my experience 1. The recruitment process within the national Banks, everybody know how someone could be hired in a Bank!(nepotism) 2. The major part of the Cake is oriented to the Sahel and Sfax and other regions in terms of Jobs and recruitments(regionalism), you say not all of them are enjoying this advantage, I say the majority of them, and therefore there is a lot of discussions nowadays about the equilibrium between regions 3. If you’re not a part of the RCD machine, you’ll be certainly marginalized(cliptocracy) As a solution to this chronically deep problem, namely the unemployment I propose a plan of two parts which are a short term plan as a part of which an immigration ministry should be created with the principal mission is to find organized immigration opportunities for people who actually don’t have the chance to find a job, this immigration ministry should also prepare those people via specific programs to facilitate their integration process. The second part which is represented by a long term plan. This long term plan should concern the reform of the education system as Mrs Mahmud said as well as reforming the actual economic system.

Lassad Damak - 22-08-2011 20:59

execellente analyse, il manque l'aspect démographique et son impact sur la pression sur le marché du travail

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