News - 18.09.2021

Révélations: La main de l’étranger dans le coup d’État médical contre Bourguiba

Révélations: La main de l’étranger dans le coup d’État médical contre Bourguiba

L'Algérie et l’Italie étaient-elles « au parfum » du projet de Ben Ali de destituer Bourguiba le 7 novembre 1987 ? Si de nombreux témoins le nient farouchement, l’historien Khalifa Chater avance des thèses probantes dans un livre qu’il vient de publier sous le titre de L’ère Bourguiba, paru chez AC Éditions. Citant le témoignage de l’amiral Fulvio Martini, ancien chef des services secrets italiens (Sismi), sous le gouvernement de Bettino Craxi, il n’exclut pas un soutien actif de l’Algérie et de l’Italie.

Quant à l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique, Robert Pelletreau, il affirme n’en avoir été averti que tôt le matin, le 7 novembre, par Hédi Baccouche.

L’ère Bourguiba
De Khalifa Chater
AC Éditions, 2021, 200 p, 25 DT.

Bonnes feuilles

Le rôle de l’étranger

S’agissait-il d’une initiative nationale ? Hédi Baccouche et Habib Ammar nient toute intervention extérieure. Par contre, Kamel Eltaief le confirme : il évoque les concertations avec les Algériens et les Américains et, en particulier, la visite de Hédi Khedhiri, le ministre algérien de l’Intérieur, qui aurait eu des entretiens avec Ben Ali, quatre ou cinq jours avant le coup d’État(1). Or, des informations italiennes ont annoncé que l’amiral Fulvio Martini, ancien chef des services secrets italiens (Sismi) sous le gouvernement de Bettino Craxi, aurait organisé la destitution du Président tunisien Habib Bourguiba et son remplacement par le Président Ben Ali au cours d’un «coup d’État constitutionnel», le 7 novembre 1987. Dans un entretien au quotidien La Repubblica, Fulvio Martini explique que la déposition de Habib Bourguiba s’est effectuée en accord avec les autorités algériennes : «Tout a commencé avec la visite en 1984 en Algérie du Président du Conseil italien Bettino Craxi, explique-t-il. «Les Algériens, inquiets de la déstabilisation croissante en Tunisie, étaient alors prêts à intervenir» dans ce pays, en raison des menaces portées sur leurs intérêts stratégiques.

Ainsi, l’armée algérienne aurait été prête à envahir la partie du territoire tunisien où transite le pipeline qui conduit le gaz naturel algérien jusqu’en Sicile. «En 1985, Bettino Craxi, dit-il, m’a demandé de me rendre en Algérie pour y rencontrer les services secrets [...] l’objectif était d’éviter un coup de tête algérien, selon Martini [...] À la fin, nous avons estimé que le général Ben Ali était l’homme capable de garantir, mieux que Bourguiba, la stabilité en Tunisie», ajoute-t-il.

«Nous avons proposé cette solution aux Algériens qui en ont parlé aux Libyens. Je suis allé en parler aux Français [...]. Le chef des services secrets de l’époque, le général René Imbot, m’a traité avec arrogance et m’a dit que nous autres Italiens, nous ne devions pas nous mêler des affaires de la Tunisie, qu’il s’agissait de l’empire français», affirme Martini. Il s’agissait, donc, d’organiser un coup d’État, le plus invisible possible, et c’est ainsi que l’idée d’un «putsch médical» aurait pris forme.

L’Italie aurait garanti le ralliement du Premier ministre Ben Ali et ce choix aurait rencontré l’approbation des Algériens ainsi que celle des Libyens(2)

Pour sa part, Craxi dément, ce même 10 octobre, une participation des services secrets italiens à l’accession au pouvoir de Ben Ali. «Il n’y a aucune manœuvre ni interférence italienne dans les événements qui ont porté le Président Ben Ali au pouvoir en 1987», affirme-t-il au bureau de l’AFP à Tunis. Le coup d’État eut lieu, certes, contre la volonté de la France. Mais peut-on nier l’implication des Américains, que les Italiens ont toujours associés à leurs démarches ?

Peut-on occulter la visite en mars 1986 de George Bush, le Vice-Président des États-Unis ? Alors que Habib Bourguiba Junior était écarté par son père et en mauvaise relation avec lui, on lui demanda, avec insistance, d’y assister et d’en être l’interprète(3).

Sans doute, s’agit-il d’une proposition de l’ambassadeur américain Peter Sebastian ou du ministre Ben Ali, pour assurer le secret de l’entretien, sachant qu’il était hostile à Mohamed Mzali, qu’il s’agirait d’écarter comme première étape de la promotion de Ben Ali.

D’ailleurs, trois avions auraient été prêts pour assurer la fuite des comploteurs, un avion Tunisair réquisitionné par Ben Ali, un avion italien et l’avion du ministre algérien de l’Intérieur, qui est venu à Tunis le 6 novembre.

Notes

(1) Entretien avec Kamel Eltaief, le 23 octobre 2020.

(2) L’amiral Fulvio Martini, entretien à La Repubblica du 11 octobre 1999. Voir aussi « Fulvio Martini confirme que Rome a choisi Ben Ali pour remplacer Bourguiba», Agence France-Presse, 11 octobre 1999 [archive]. Voir aussi « L’Italie et le coup d’État en Tunisie », Le Monde, 13 octobre 1999.

(3) Habib Bourguiba Junior, Notre histoire, op. cit., p. 291.

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