News - 15.12.2019

Rapatrier, réhabiliter et réintégrer les Djihadistes: A quelles conditions et dans quel cadre global? (Album Photos)

Rapatrier, réhabiliter et réintégrer les Djihadistes : A quelles conditions et dans quel cadre global ?

Doha – De l’envoyé spécial de Leaders, Mohamed Taïeb. L’épineuse question ne taraude pas uniquement les dirigeants d’une poignée d’Etats arabes, islamiques et africains. La problématique est plus largement endurée. Plus de 120 pays qui ont vu certains de leurs ressortissants radicalisés partir combattre sous la bannière de l’Etat islamique dans les zones de tensions au Moyen Orient en sont désemparés. Sollicités d’en récupérer les survivants et leurs familles, ils ne savent plus quelle conduite tenir à leur égard et quelles procédures leurs appliquer. La question a été mise en débat lors d’un panel de discussion qui a retenu l’attention, au Forum de Doha 2019, clôt ce dimanche après-midi dans la capitale qatarie, après deux jours d'intenses échanges

Les panélistes sont soigneusement choisis. Parmi eux figurent notamment Denise Natali, Assistant Secretary au Département d’Etat américain, Jean-Paul Laborde, ambassadeur itinérant de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, Mutlaq bin Majed al Qahtani, envoyé spécial du ministre qatari des Affaires étrangères pour la lutte contre le terrorisme et la médiation dans la résolution des conflits et Karim Asad Ahmed Khan, chef de l’équipe d’enquête de l’ONU chargée de promouvoir la responsabilité en matière de crimes commis par l’Etat islamique en Irak et au Levant (UNITAD). Le panel était modéré par Renaud Girard, éditorialiste au Figaro, pour les affaires étrangères.

La doctrine BCE

Un grand regret cependant, l’absence d’un intervenant tunisien qui aurait pu rappeler à cette occasion la doctrine forgée par feu le président Béji Caïd Essebsi. L’ancien président avait en effet toujours souligné que la question de ces djihadistes et de leur retour relève d’abord de la responsabilité de plusieurs parties étrangères qui avaient œuvré à leur recrutement, départ, formation et engagement. La solution est aujourd’hui à trouver dans une approche globale à convenir d’un commun accord. Quatre points essentiels sont à remplir : l’authentification de l’identité de ces djihadistes, leur dossier judiciaire dument documenté et à charge, leur statut et avoirs dans leur pays émetteur (bi-nationaux, résidents permanents, etc.) et la situation des membres concernés de leurs familles. Forcer un rapatriement vers le pays censé être celui de leur origine, sans concertation préalable, ni documentation suffisante est inacceptable. Si, dans le cas de la Tunisie, la constitution leur accorde le droit de retour, cette réintégration doit passer nécessairement par la justice.

Contoverse

Même si elle n’a pas été amplement exposée au Forum de Doha, la doctrine Béji Caïd Essebsi rencontre des échos, dans la controverse des positions exprimées. Alors que certains pays, comme la Syrie avait maintenu son droit de juger les djihadistes étrangers devant ses tribunaux, d’autres, comme la Turquie sont décidés,sans susciter des grincements de dents, les renvoyer chez-eux en laissant les autorités de leurs pays se débrouiller.

Selon des participants aux débats ici à Doha, les États doivent réviser et appliquer un processus de rapatriement plus délicat pour les combattants étrangers qui tienne également compte des femmes, des enfants et des personnes déplacées. Les nouvelles résolutions doivent tenir compte de la sécurité des femmes et des enfants, de l'importance de la filiation, de la nationalité des mineurs et des protections juridiques spécifiques accordées aux mineurs. Indépendamment des obstacles, les conditions de vie dans des camps surpeuplés comme celui d'al-Hawl montrent clairement que ces problèmes, s'ils sont ignorés, ne se régleront pas d'eux-mêmes. Néanmoins, la complexité logistique, juridictionnelle et humanitaire de la réconciliation des détenus et des personnes déplacées exige des efforts concertés. Il s’agit de trouver des solutions aux modèles opérationnels de poursuite, de réadaptation et de réinsertion des combattants terroristes étrangers et de leur famille.

L’ambassadeur Jean-Paul Laborde, n’a pas manqué de souligner pour sa part "la nécessité pour la communauté internationale d'élaborer un plan d'action pour réaliser les trois R ", à savoir rapatriement, réhabilitation et réinsertion. » Sur le même élan, Mutlaq bin Majed Al Qahtani, a rappelé que " le terrorisme n'est pas un problème régional, mais mondial, avec des combattants radicalisés venant de plus de 120 pays. La coopération entre les pays est donc cruciale dans la lutte contre le terrorisme. »

Prévention et déradicalisation

Ce débat n’est pas sans lien avec un autre panel de discussion consacré à la prévention de l’extrémisme et l’édification de sociétés résilientes dans des Etats fragiles. Modérée par Susan Stigant, directrice des programmes pour l'Afrique de l'Institut de la Paix des Etats-Unis (Peace Institute), il a mis en relief que malgré une diminution du terrorisme mondial, l'étendue géographique du terrorisme, son expansion et sa mutation sont toujours à la hausse. Une approche stratégique élaborée par le Peace Institute, autour de trois piliers clés :

  • La nécessité d'une compréhension commune de la prévention et la reconnaissance du fait qu'il s'agit d'un problème politique et idéologique.
  • La nécessité pour le gouvernement des États-Unis de mettre en œuvre un cadre stratégique de prévention
  • La nécessité de rallier la communauté internationale ne peut être résolue par un seul pays et une seule approche.

Les intervenants ont recommandé une prévention au niveau communautaire, la nécessité de mobiliser un cadre conceptuel international pour relever les défis, de diplomatie préventive et de collaboration. Pour Nickolay Mladenov, coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de Paix au Moyen-Orient, Nations Unies, comme pour Vladimir Voronkov, Secrétaire général adjoint de l'Office des Nations Unies contre le Terrorisme, la restauration de la confiance avec les communautés locales et leur participation, ainsi que la société civile dans ce processus de prévention sont essentielles.

Mohamed Taïeb

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