News - 06.09.2017

Le président Béji Caïd Essebsi à Assahafa et à La Presse : «Le système politique actuel ne peut assurer le développement et la stabilité du pays»

Le président Béji Caïd Essebsi à Assahafa et à La Presse : «Le système politique actuel ne peut assurer le développement et la stabilité du pays»

La Tunisie se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire : une crise économique qui s’accentue de jour en jour, un paysage politique où l’opportunisme est devenu un mode de vie pour certains, un retour à la bipolarisation entre modernistes et passéistes, un attachement inquiétant à enraciner la haine, la revanche et la discorde entre les régions et un gouvernement où le dialogue est bloqué. Des élections municipales qu’on trouve uniquement chez l’Isie et auprès de certains partis qui s’y sentent prêts, alors que d’autres appellent à leur report. C’est le règne de la confusion. Et les causes ne sont pas difficiles à découvrir : certaines parties ne sont pas encore parvenues à rompre avec leur passé politique et intellectuel. D’autres agissent comme si elles évoluaient encore dans la clandestinité, le reste ne fait pas la distinction entre l’opposition en temps de dictature et l’opposition en temps de démocratie. Il fallait que le président Béji Caïd Essebsi parle à l’ouverture de cette nouvelle année politique. Il a évoqué dans l’interview ci-après accordée à La Presse et à Assahafa Al Youm tous les sujets d’actualité. Avec sa franchise coutumière et son sens légendaire de la répartie, il n’a éludé aucune question, estimant que «le destin de la Tunisie est de réussir en dépit de toutes les difficultés de parcours».

M. le Président, comment va la Tunisie aujourd’hui ?

Pas comme nous voulions qu’elle aille: une situation économique difficile malgré l’amélioration relative des indicateurs, une situation sociale où dominent les revendications exagérées, bien que revendiquer l’amélioration  des conditions de sa vie constitue un droit qui va de pair avec les principes fondamentaux des droits de l’Homme et avec les objectifs de la révolution de la dignité, une situation politique à la dérive où les partis politiques n’arrivent pas à s’entendre sur un dénominateur commun qui assure au pays le seuil minimum de stabilité, ce qui représente la condition fondamentale de la continuité de l’Etat, de la réalisation du développement et de l’accomplissement des grandes réformes au profit du pays et du citoyen.

La situation est donc difficile et sensible même si nous n’avons pas encore atteint l’étape de la perdition.

Partant de votre position à la présidence de la République, ne pourriez-vous pas entreprendre quelque chose en vue de résoudre la crise dont vous parlez?

J’assure ce que la Constitution m’accorde en tant qu’attributions et fonctions qui, bien que limitées, sont importantes. Parmi ces attributions, l’intervention quand il s’avère qu’un danger menace l’Etat, la société ou la marche de la démocratie. J’ai bien exercé ce droit constitutionnel à chaque fois que la situation l’exigeait. Il demeure, toutefois, que les tâches exécutives sont du ressort du gouvernement. C’est ce qu’exige le système politique que nous avons choisi pour la Tunisie. Il est temps d’évaluer le système constitutionnel en vigueur dans le but d’en rectifier les insuffisances et de surmonter les obstacles contenus dans la Constitution.

S’agit-il d’un appel franc, cette fois-ci, à la révision du système politique?

Ce n’est pas à moi de le dire. Tout le monde s’accorde à dire que le système politique issu de la Constitution actuelle souffre de plusieurs insuffisances. C’est un système qui paralyse pratiquement l’action du gouvernement. Son caractère hétérogène n’aide pas le gouvernement, n’importe quel gouvernement, et le pouvoir exécutif en général à accomplir leurs fonctions pour ce qui est de la gestion de l’Etat et de la réalisation du développement dans une société démocratique où sont consacrées la liberté et la dignité.

Mais la présence de personnalités nidaïstes à la tête du gouvernement et du Parlement ne constitue-t-elle pas un facteur qui vous aide à appliquer votre  politique, ce qui n’était pas le cas pour Ennahdha à la suite des élections de 2011 ?

C’est une vérité qui a besoin  d’être précisée et explicitée. Il n’est pas question seulement des personnalités dirigeant les institutions constitutionnelles. Il s’agit fondamentalement du texte constitutionnel et de ses effets sur l’action de ces institutions. La Constitution a créé un système où s’entremêlent les prérogatives entre les institutions constitutionnelles, ce qui constitue en soi un facteur bloquant de leur action, mais il a aussi, et en particulier, élargi le champ des attributions entremêlées pour toucher également certaines instances constitutionnelles indépendantes ou celles se proclamant indépendantes, ce qui a contribué à les affaiblir et à affaiblir aussi l’Etat au point que son existence et sa pérennité sont aujourd’hui menacées.

Pour résumer, nous vivons aujourd’hui en Tunisie dans un régime politique «particulier» où on se soucie de l’indépendance des institutions au point de bloquer le pays et de le paralyser.

Dans ce régime, certaines instances indépendantes bénéficient de prérogatives exceptionnelles au point de faire fi de l’autorité de l’Etat et des institutions constitutionnelles, y compris le Parlement, le détenteur du pouvoir initial dans le système politique actuel. Toutes ces pratiques interviennent sous le slogan de l’indépendance. Ainsi, s’applique à nous le dicton populaire «Al azri aqoua min sidou» (le valet est plus fort que son maître).

Qu’y a-t-il d’étrange qu’il existe une séparation totale entre l’action des institutions et qu’il existe aussi des instances indépendantes sur lesquelles personne n’exerce de pouvoir? Ne s’agit-il pas là de la consécration de la démocratie ?

Là où réside le dysfonctionnement, c’est dans l’exagération. Il faut qu’on parte d’une constante fondamentale : la volonté de l’électeur qui nous a légué l’affaire du pouvoir, qu’il s’agisse des élections de l’Assemblée nationale constituante ou des dernières élections. Les demandes de l’électeur sont claires et précises : réaliser le développement, consacrer la démocratie et faire aboutir la transition dans le cadre d’un Etat civil qui ne tourne pas le dos aux acquis déjà réalisés et où tout le monde se soumet à la loi, de manière à assurer la liberté de l’individu et la dignité du citoyen et réaliser une  mutation qualitative dans le domaine du développement économique, humain et social.

Il va sans dire que ces objectifs ne peuvent être atteints que dans le cadre d’un nouveau pacte social, politique et citoyen qui assure le développement au profit de tous sans aucune distinction. Tout ce qui bloque cette démarche, il faut le revoir.

C’est notre vision. Le réajustement est nécessaire. Se débarrasser des erreurs vaut mieux que de s’y accrocher. Nous risquons des répercussions qu’il nous sera impossible de surmonter.

On a compris que le système politique a besoin d’être évalué et la question est du ressort du Parlement et, partant, des partis politique. Mais toucher à «l’indépendance» des instances constitutionnelles ou celles qui y ressemblent n’est-il pas une forme de «déni de la démocratie»?

D’abord, nous sommes — et ce n’est pas nouveau — de ceux qui appellent à l’instauration d’un régime démocratique ne souffrant aucune insuffisance. Nous voulons une séparation entre les pouvoirs et les institutions qui ne bloque pas l’action gouvernementale et de développement. Nous soutenons avec force le contrôle qu’exerce le Parlement et nous sommes pour l’élargissement de ce contrôle afin qu’il touche aussi les instances indépendantes et même les organisations de la société civile. Mais à condition que ce contrôle soit exercé sur la base de dispositions juridiques, morales et politiques acceptables. Il y a des questions à poser. Que veut dire des instances qui exercent sans aucun contrôle, sous le signe de l’indépendance, qui bénéficient de compétences absolues, qui décident de leurs budgets et des salaires de leurs agents et membres. Avec ces instances, les institutions de souveraineté comme le Parlement se sont transformées en appareils qui avalisent les décisions de ses instances. Ces pratiques constituent une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et à l’autorité de l’Etat. C’est aussi une hérésie sans pareille dans le monde.

Qui en est responsable, M. le Président?

Tout cela est de l’action de l’Assemblée nationale constituante et de la coalition au pouvoir à l’époque, plus précisément les partis qui étaient alors prêts, et ils sont connus. Leur tâche a été facilitée par l’absence d’équilibre au sein du paysage partisan et politique à cette époque. De notre côté, nous avons cherché à remédier à ces erreurs. Malheureusement, le fait que nous n’avons pas remporté de majorité large lors des dernières élections nous a empêchés de procéder aux rectifications qu’il faut.

Que faut-il faire maintenant ?

Il faut revoir toutes ces questions, à commencer par la nature du système politique. Il existe une unanimité qu’il bloque le pays et il n’est plus possible qu’il se poursuive. La Constitution a révélé aussi des insuffisances auxquelles il faut remédier. Enfin, il faut trouver une solution à ces instances qui menacent l’existence de l’Etat et sa cohésion.

Mais comment procéder, surtout que vous pourriez être accusé d’atteinte à l’indépendance de ces instances ?

Avant d’aborder la question des instances indépendantes, il faut souligner que l’affaire du système politique est du ressort du Parlement et des partis politiques. Nous sommes disposés à soutenir toute initiative de nature à faire sortir le système politique de la paralysie dans laquelle il se trouve.

Pour ce qui est des instances indépendantes, notre attachement à leur indépendance ne nous fait pas oublier notre attachement à assurer le contrôle sur l’argent public, ce qui constitue l’essence même de la bonne gouvernance.

Dans tous les cas, mes responsabilités constitutionnelles sont limitées. Mais ma conviction est que les choses doivent changer. C’est un système qui ne peut pas assurer le développement et la stabilité du pays. Il est de notre devoir de tirer la sonnette d’alarme et de prendre les décisions qu’il faut, le cas échéant, dans les limites des attributions que nous accorde la Constitution.

Votre analyse est pertinente, M. le Président. Mais vous disposez d’une autorité morale certaine aux côtés de vos pouvoirs constitutionnels

Il est nécessaire de saisir que l’autorité morale est une culture dans laquelle nous avons été éduqués. Nous n’éprouvions  aucun complexe à apprendre auprès du leader Habib Bourguiba parce que nous étions conscients de l’importance de l’expérience et de l’expertise dans notre marche politique. Malheureusement, ce qui valait auparavant peut ne plus l’être aujourd’hui. Les politiciens de notre époque sont trop pressés et leur sens de l’expérience est faible.

Votre analyse s’applique-t-elle au gouvernement Youssef Chahed?

Youssef Chahed est un chef de gouvernement jeune et ambitieux. Il est aussi compétent. Mais il est tenu de choisir une équipe ministérielle homogène qui lui facilite la réalisation de ce qu’on lui demande. Ce gouvernement ou un autre doit se donner pour objectif de faire sortir la Tunisie de la crise dans laquelle elle se trouve. Si nous ne sortons pas de la crise actuelle, il ne sera pas possible que l’Etat se poursuive. Le prochain remaniement pourrait constituer le dernier espoir pour remettre les pendules à l’heure et éviter tout comportement aventurier, ce qui commande des concertations avec toutes les parties, et c’est ce que fait le chef du gouvernement à l’heure actuelle.

Pour notre part, nous soutenons le processus de formation d’un gouvernement qui aura la capacité de l’action et qui sera appuyé par l’ensemble du paysage politique.

Cet avertissement s’adresse à qui, M. le Président?

Il s’adresse à tous ceux qui s’intéressent aux affaires de la Tunisie, qui sont concernés par son intérêt national et ont décidé de se mettre à l’écart des calculs étroits et partisans.

Quand nous attirons l’attention sur ces questions, c’est que nous avons peur pour la Tunisie et pour son avenir qui est la propriété de tout le monde, plus particulièrement sa  jeunesse qui s’est révoltée en quête de dignité et de vie décente.

Mais attirer l’attention est-il suffisant?

Moi, j’attire l’attention sur les dangers dans le cadre de mes prérogatives constitutionnelles et, partant, de ce que me dictent ma  conscience et mon amour pour mon pays, je propose les initiatives politiques et législatives que je considère comme nécessaires pour le pays et le citoyen. Mais le soutien de ces initiatives et de ces idées doit provenir des  partis politiques, du gouvernement et de la société  civile. Nous sommes dans une étape de pouvoir participatif entre ces parties, mais chacune selon les prérogatives que lui accorde la Constitution.

Je suis dans une position qui me permet de me situer à égale distance par rapport à tout le monde. Il est évident que seuls l’intérêt de la Tunisie, son avenir et le destin de sa jeunesse m’intéressent.
Ce que ces parties peuvent réaliser avec moi peut ne pas être possible avec une autre personnalité. Et ça, tout le monde doit le savoir et en être conscient.

Votre main tendue à tout le monde, nous ne l’avons pas rencontrée, M. le Président, quand vous avez décidé de choisir le consensus avec Ennahdha et d’en faire l’axe de la vie politique?

Ce que vous avancez n’est pas du tout vrai. La réalité est que l’électeur tunisien ne nous a pas accordé la majorité qu’il faut pour gouverner, bien que nous ayons été élus comme le premier parti à l’époque. Mais ce n’était pas suffisant pour gouverner et appliquer nos programmes comme nous l’entendions.

Nous avons cherché à nous allier, dans les délais constitutionnels, avec des partis ayant des orientations semblables aux nôtres. Il était indispensable de commencer rapidement à exercer le pouvoir, à mettre au point les plans de sauvetage du pays et à parachever l’installation des institutions de l’Etat et des instances indépendantes.

Malheureusement, les partis classés comme «civils» n’avaient pas la conscience politique qu’imposait l’étape et n’ont pas saisi l’occasion pour barrer la route à ceux qui cherchaient à imposer une certaine forme de «repli sociétal».

Nous nous sommes trouvés dans une situation très difficile et il fallait prendre la décision d’une alliance gouvernementale qui constituera une solution aux problèmes posés ou au moins ne les compliquera pas davantage.

Nous n’avions pas d’autres scénarios pour réaliser ces  objectifs. Ennahdha était disponible, en plus d’autres partis, ce qui nous a permis de former une alliance gouvernementale. Ennahdha a accepté mais pas à ses conditions. Nous nous sommes dit : au moins, nous contribuerons à ramener Ennahdha au club des partis civils. Mais, il paraît que nous avons fait une fausse évaluation.

Le consensus a-t-il vécu?

Je ne le souhaite pas. Mais tout en constatant notre réussite à rassembler toutes les parties et sensibilités politiques autour du modèle civilisationnel tunisien, nous avons relevé une hésitation et une crainte claires de la part de certains, ce qui a bloqué leur  intégration totale dans le tissu sociétal tunisien, lequel tissu évolue sur une plateforme commune : le régime républicain, l’Etat civil moderne et la société ouverte sur la base de la liberté de l’individu.

Pour l’intérêt de ces parties, nous disons qu’adopter cette plateforme commune constitue la voie unique du salut. Trancher pour ces parties est devenu une question urgente. Nous voulons que triomphent la voix de la raison et l’intérêt de la Tunisie sur tous les intérêts de conjoncture bien qu’ils puissent leur paraître nobles.

Cette analyse est-elle le facteur qui a poussé au remaniement?

C’est une affaire qui concerne le gouvernement. Mais, il est de notoriété que le point de départ du remaniement est de combler les postes vacants au sein du gouvernement. Sauf que la réalité impose ce qui est plus profond que de pourvoir des postes ministériels vacants.

Nous avons déjà souligné que la cohésion de l’équipe gouvernementale est nécessaire en vue d’éradiquer les dangers qui menacent l’existence même de l’Etat et en vue de surmonter la paralysie de l’action gouvernementale. L’objectif est de maîtriser davantage notre guerre contre le terrorisme d’abord et enfin trouver les moyens de surmonter la crise économique aiguë. En tout état de cause, nous agissons dans les limites de ce que la Constitution nous accorde comme prérogatives.

On parle beaucoup, M. le Président, des élections municipales…

Là aussi nos attributions sont limitées. Il a été décidé par l’Isie que les élections auront lieu le 17 décembre. Sauf qu’au sein de l’Isie, il existe des postes vacants qu’il faut combler. L’Isie a besoin d’un président pour que son action se poursuive normalement et légalement. C’est le Parlement qui doit trancher et examiner aussi la loi sur le pouvoir local. De mon côté, il m’est demandé constitutionnellement de promulguer le décret convoquant les électeurs aux urnes et ce au cas où toutes les procédures seraient satisfaites dans les délais. Je signerai le décret. Il faut que les municipales soient prises très aux sérieux dans la mesure où elles constituent le socle fondamental du pouvoir démocratique et l’une des dernières étapes du processus transitoire.

Nous avons choisi d’accorder à la gouvernance locale une place de choix. C’est une option fondamentale pour la mise au point d’un nouveau modèle de développement comme l’exigent plusieurs franges de la société tunisienne et même les politiciens en font l’une de leurs revendications.

Ce qui veut dire que les municipales vont être reportées?

C’est l’affaire du Parlement et des partis politiques.

M. le Président, qui bloque le processus de réconciliation?

Tous ceux qui ont peur de la réconciliation. Ils cherchent à la bloquer en exagérant ses conditions ou en la refusant en bloc et dans les détails. Ma conviction est qu’il n’y aura pas d’avenir stable pour la Tunisie sans une réconciliation intégrale. Ce qui compte et ce qui restera dans l’histoire, c’est cette capacité de tolérance, de renonciation à la haine et de dépassement des conflits.

En Tunisie, nous ne sommes pas en train de réinventer la roue. Notre terre a toujours contenu tous ses enfants. Les instants de colère, de haine et de revanche sont très limités. Ils constituent l’exception et non la règle dans notre histoire. Les contestations et les révolutions ne durent pas en Tunisie. Ceux qui ont été éduqués sur ces valeurs peuvent le constater facilement. Les contestations et les révolutions en Tunisie sont des instants d’accentuation de colère et de demandes. Puis, ils disparaissent. Ils ne sont pas un mode de vie des Tunisiens. Nous ne savons pas — plutôt nous le savons — d’où proviennent ces recettes «révolutionnaires», «revanchardes» et «haineuses». Elles sont l’œuvre de projets politiques extrémistes de gauche ou de droite. Nous sommes une terre de juste milieu et de tolérance et notre destin est de nous réconcilier le plus tôt possible inchallah.

M. le Président, ne trouvez-vous pas qu’ainsi vous intervenez dans les prérogatives de l’Instance vérité et dignité ?

Le processus de justice transitionnelle n’est l’apanage de personne et il n’existe aucune partie qui a le droit exclusif de la consacrer. La justice transitionnelle est une, mais les mécanismes de sa concrétisation sont multiples.

La réconciliation est à inscrire dans l’histoire, les grandes réformes aussi, M. le Président ?

Je partage totalement votre opinion. Oui, les grandes réformes sont à inscrire dans l’histoire. Mais que faire si les élites craignent ces mêmes grandes réformes. Et sans prendre en considération les causes politiques, idéologiques ou même opportunistes derrière cette attitude, le résultat est le même : la domination de la pensée conservatrice dans la plupart des cas sans que l’on procède aux grandes réformes, qu’elles soient économiques, politiques ou sociétales.

Etes-vous en train de faire allusion à votre dernière initiative sur l’égalité successorale ?

Je parle de cette initiative et de bien d’autres initiatives. A propos de cette dernière initiative, je voudrais faire remarquer qu’elle fait partie de mes compétences constitutionnelles et qu’elle constitue la consécration d’un principe constitutionnel clair comme l’eau de roche. Il s’agit du principe de l’égalité totale en matière de citoyenneté.

Il est de mon devoir de poser toutes les insuffisances qui sont en contradiction avec ce principe constitutionnel. Je ne présente pas des fatwas. Je propose des initiatives civiles et non de jurisprudence charaïque. Elles sont dans le cœur de mes attributions et elles sont en cohésion totale avec le grand patrimoine tunisien en matière de réforme.

Inscrire la question dans «un cadre religieux», c’est fuir «le débat civil».

Je ne m’étonne pas que ces oppositions proviennent de personnes qui se cachent derrière les interprétations à caractère religieux. En parallèle, je ne trouve pas d’explication à ce que ces oppositions soient exprimées par des parties dont la question de l’égalité constitue le fondement même de leur action militante. Elles agissent ainsi pour la simple raison que l’initiative provient de parties avec lesquelles elles sont en désaccord politique. Malheureusement, il existe des gens qui ne font pas la différence entre l’opposition sous un régime démocratique et l’opposition sous un régime dictatorial.

A propos, ma foi en l’égalité totale entre les deux sexes ne dépend pas des changements à caractère politique et n’est pas influencée par les fluctuations de la politique. Elle fait partie de mes convictions politiques et intellectuelles. L’égalité est un principe constitutionnel et il est de mon devoir de chercher tous les moyens pour le concrétiser.

Je conclus, M. le Président, en vous demandant comment voyez-vous la Tunisie de demain ?

La Tunisie sera comme nous le voulions et le voulons toujours mais à condition qu’on aime ce pays, qu’on se débarrasse des comportements à visées étroites, qu’on surmonte la crise économique et que tous saisissent que ce qui les lie est une charte morale, politique et républicaine astreignante. Le destin de la Tunisie est de réussir. De sa réussite, dépendra la réalisation de la sécurité et de la paix dans le monde.

Propos recueillis par Hechmi Nouira
 

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