News - 07.11.2015

Taïeb Houidi : Le procès malintentionné fait à Yassine Brahim

Taïeb Houidi : Le procès malintentionné fait à Yassine Brahim

Que l’on admette ou non les concepts qu‘il véhicule, que l’on soit d’accord ou non avec la politique économique et sociale qu’il pratique et pour avoir côtoyé Yassine Brahim un bout de chemin, je pense que l’on ne peut mettre en doute son patriotisme ni son souci de préserver la souveraineté nationale.

Pourquoi je dis «mal intentionné» ? Parce qu’un procès est en principe régi par une cause à défendre, des motifs justes et sans parti pris, des arguments clairs. Là on assiste à tout le contraire. 

  • La « souveraineté » est une fausse cause: je fais ce métier depuis 35 ans auprès de gouvernements et d’institutions internationales (parfois pour des sujets bien plus sensibles que celui-ci) et je ne les ai jamais sentis se froisser pour « érosion de souveraineté ». Bien au contraire, un gouvernement intelligent ne rechigne jamais à se faire conseiller pour résoudre des problèmes complexes. 
  • Les motifs de cette attaque sont pour le moins mystérieux. Au lieu de fabriquer cette cabale médiatique qui dessert autant l’ARP que le Gouvernement, il aurait mieux valu adresser calmement au ministre un certain nombre de questions : à quoi sert-il de confier cette mission à un prestataire hors de l’Administration? Pourquoi ce prestataire et pas un autre? Quels buts et quelle utilité cette mission comporte-t-elle? Quelles procédures pour assurer la transparence?... Et le ministre était certainement disposé à s’expliquer. 
  • Les arguments sont très faibles. Outre la souveraineté, on parle ici et là de coût élevé de la consultation, d’inutilité de faire appel à des conseillers extérieurs (le pays disposant de compétences nationales)… Je n’ai pas seulement lu et écouté dans les médias les récriminations du député qui aurait découvert le soi-disant « pot aux roses », mais j’ai aussi lu sur Facebook (cette presse informelle devenue de caniveau) les arguments de certains «intellectuels» de l’économie, tout aussi offensants et ineptes les uns que les autres, qui mélangent « conseil » et  « pouvoir de décision », souveraineté et nationalisme, qui n’ont aucune idée des instances et des procédures qui régissent ce genre d’exercice…
Je ne veux pas me faire ici l’avocat du ministre ; il a largement la capacité et les références pour se défendre. Je veux dénoncer ici «l’illettrisme prétentieux» d’une certaine élite qui adopte des postures aussi inacceptables qu’inutiles et cyniques (on reproche au ministre sa bi-nationalité alors que je croyais cette question définitivement résolue par la Constitution ; on glose sur le fait qu’il va « à l’opposé des objectifs de la révolution sociale »; certains ont même l’indécence d’écrire « qu’il n’est pas à sa place », comme s’il l’était par leurs bonnes grâces).
 
Depuis l’indépendance cette inaptitude est patente chez certains de nos intellectuels et de nos élus : dans l’ancien régime, elle était due au panurgisme ambiant, on adhérait et on votait pour tout ce que décidait le « chef ». Depuis la révolution, cela prend la forme de « je sais tout », donc je parle de tout et raisonne sur tout. Du verbiage à défaut de vrais arguments et de propositions concrètes, ou comment décrédibiliser la politique, ses protagonistes et le pays tout entier…
Non, les batailles politiques ne devraient pas se situer à ce niveau. Il aurait été certainement plus intelligent d’aborder point par point les orientations de politique économique, sociale et territoriale du ministre. Mais là, c’est le vide sidéral... 
Je gage que l’ignorance est plus dangereuse que le plus intelligent des adversaires politiques. 

Quelques questions connexes 

  • Pourquoi n’avoir pas fait participer l’expertise nationale? Il y a partout des pseudo nationalistes dont le dada consiste à reprocher aux pouvoirs publics d’attribuer ces prestations à des «étrangers». Mais dans certains cas, un regard extérieur est souvent plus pertinent. Ce choix ne veut pas dire que l’expertise tunisienne est moins compétente. Au contraire, elle occupe une place de choix à l’extérieur en matière de conseil stratégique. Et puis, nul n’est prophète en son pays… 
  • Pourquoi cette procédure ? Ce type de service se fait à travers des «appels d’offres ouverts» ou des «consultations restreintes». Le Ministre a choisi la seconde voie, et il avait autant l’argument du gain de temps que le droit de le faire. Reste qu’il était possible de conditionner cette prestation à une participation de l’expertise nationale (souhaitable mais non obligatoire), du fait de sa bonne connaissance du terrain et de l’opportunité de faire passer les bonnes pratiques et la concertation. 
  • Le prix de la prestation est-il élevé ? Une prestation de ce type dure 10 mois et fait intervenir environ 8 experts à mi-temps. Cela fait 12 500 euros par mois pour chaque expert, dont plus de 60% sont dépensés dans les frais généraux. C’est un bon prix au regard des résultats escomptés. Il n’y a qu’en Tunisie que l’expertise et la compétence sont déconsidérées. Comment s’étonner alors de la fuite des cerveaux ? Et là, je ne prêche vraiment pas pour ma chapelle.
Taïeb Houidi
 
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7 Commentaires
Les Commentaires
Béchir Toukabri - 07-11-2015 12:24

Monsieur Yassine Brahim à trouvé un ardent défenseur, qui croie aux mêmes principes idéologiques que lui (Compétences surdimensionnées trompeuses et fictives) des occidentaux., et qui ignore les valeurs auxquels croient la majorité des Tunisiens (Patriotisme, Nationalisme, Fidélité au pays....etc). M Houidi est peut être naïf ou bien ignore les intentions cachés du pouvoir actuel qui est de céder l'économie du pays aux appétits voraces des sociétés multinationales.Cette politique à commencé à se faire dévoiler avec les derniers scandales comme l’hypothèque prévue du stade de Rades et d'autres institutions comme l'autoroute de Nabeul.....etc. Monsieur Yassine Brahim et son parti sont peut être les avant garde de ce projet du pouvoir actuel; mais tout le monde oublie que les Tunisiens sont quand même alertes, et personne ne les trompera facilement. Ils ont démasqués et chassés après 23 ans de pouvoir. Ils ont virés les islamiste,justes aprés 1 an et demi de pouvoir, et bientôt ce sera le tour du pouvoir actuel. A bon entendeur, salut

CHEKIR ADEL - 07-11-2015 16:42

Monsieur Houidi, j'ai qu'un mot à vous dire : BRAVO pour cette éclairage avec cette belle plume.

Sadok Kallel - 07-11-2015 18:58

Merci pour cet article. J'ai du endurer sur facebook les memes articles de mauvais gout, sinon dangereux, faisant le "procès" des binationaux. Pour toutes les raisons que vous évoquées, cette cabale ne fait aucunement honneur au pays.

gana jalel - 07-11-2015 19:48

j'aime bien............. " l'illettrisme prétentieux "........... Une étude à 500 000 euros, faite par une banque qui va y consacrer 8 experts pendant 10 mois, et qui a des références dans ce genre d'études, c'est un cadeau....... je voudrais savoir combien aurait demandé un bureau d'études Tunisien !!!!!

Fathi - 07-11-2015 22:34

on defend un ministre qui ne respecte pas la loi des appels d' offres publiques, ne tient pas compte des remarques du premier ministere, qui engage des operations couteuses avant meme l'accord du premier ministere, et qui par dessus marche' ne dit pas la verite' a la commission des finances. il n' y a que dans ce pays qu'on ose dire: pourquoi tout cela le ministre est un patriote etc..

Nabil Ghali - 08-11-2015 10:54

Est-ce que ce Houidi est un expert financier dans le développement des pays? Un expert dans ce domaine qui a travailler 30 ans à la BAD m'a expliqué le danger de la politique de brahim : Confier le marketing des projets de développement à une banque commerciale ça veut dire que les bailleurs de fonds des projets seront des banques commerciales qui offrent des conditions dures (taux d’intérêt de 9 %) ce qui provoque la faillite des projets. Traditionnellement les bailleurs de fonds sont la BAD, BID, banque mondiale et autres qui offrent des conditions de prêt souples (taux d’intérêt 3%). D'autant plus que Lazard est la banque qui sert de conseiller en dette à la Grèce depuis 2010. En conclusion cette politique risque de nous endetter ce qui est très grave. Si ce brahim n'est pas mal intentionné il est sûrement incompétent. Je rajouterais que ce Houidi traite les gens d'ignorants alors qu'il ne sait même pas de quoi il parle.

Imed - 08-11-2015 16:00

Un tel article doit être bien récompensé. Qui est ce qui va payer la facture? M Brahim, le ministère du développement, ou le parti?

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