Opinions - 04.02.2014

Un criminel de guerre en enfer

Ben Ali rêvait de l’inviter - pour mieux se faire voir de la Maison Blanche et masquer ses turpitudes et occulter ses violations des droits des Tunisiens - au Sommet Mondial de la société de l’information de Tunis en novembre 2005. Ariel Sharon est monté dans la barque de Charon le 11 janvier 2014 et, après huit ans de coma, rame vers l’Enfer. «Un monstre de moins dans le monde » a commenté un ministre libanais. «Ce héros», «ce père de la nation» - pour une certaine presse - était tombé dans l’oubli: Netanyahou, le croyant mort - a «béni sa mémoire»… le 4 septembre 2011! Mais comme un sou est un sou - héros national ou pas - le Parlement israélien a imposé, en août 2011, à la famille de Sharon la prise en charge de la moitié de la facture de soins dispensés à l’hôpital à  l’ancien chef du gouvernement, soit la bagatelle de 560 000 DT par an. Ses enfants ne voulaient pas qu’il soit débranché alors qu’il était dans un état végétatif et condamné par les médecins. Il est vrai que Sharon possédait la plus grande ferme du pays, dans le Néguev, et que sa progéniture  a  profité de très gros pots de vin! A Gaza, on a distribué des douceurs en apprenant son décès. Mais remarque Talal Awkal dans Al-Ayyam (Ramallah) - qui reproche à leurs auteurs ces distributions et à Abbas son silence -: «Les Israéliens qualifient tous les dirigeants palestiniens de terroristes et d’assassins. En quoi cela nuirait-il au processus de paix si nos dirigeants utilisaient les mêmes qualificatifs et disaient que Sharon est un criminel? … Sa mort a été provoquée par le destin, et non par un combattant palestinien.  Pour vraiment se réjouir, il aurait fallu que Sharon et ses semblables soient condamnés pour crimes de guerre devant la justice internationale. Cela aurait été une condamnation de toute l’occupation israélienne, qui continue à tuer et à disperser le peuple palestinien.» L’ONG Human Rights Watch affirmera, de son côté, que c’est «une honte que Sharon ait  rejoint sa tombe sans avoir comparu devant la justice.»

De son vrai nom Ariel Scheinerman, Sharon, né en Palestine de parents russes, a hébraïsé son nom comme  beaucoup de sionistes.  Il a commencé sa sanglante carrière avec la bénédiction de David Ben Gourion qui lui a confié l’Unité 101 chargée de venger les raids arabes sans «mouiller» l’armée régulière. Avec Sharon a sa tête, l’Unité 101 commettra un affreux massacre dans le village jordanien de Qibya en octobre 1953. En représailles à la mort d’une Israélienne et de ses deux enfants dans un attentat, elle abattra 63 victimes civiles et démolira 45 maisons. Le massacre de Qibya rapportera à Israël sa première condamnation par le Conseil de Sécurité des  David Ben Gourion , le 24 novembre 1953. A la tête de cette unité, Sharon a cultivé une attitude d’électron libre, au-dessus de la loi commune. En 1970, après avoir installé une colonie juive à Gaza, il  donnera libre cours aux punitions collectives chères à l’armée d’Hitler. Il ravagera le territoire avec tanks et bulldozers  et y introduira des espions déguisés en Palestiniens. Yossi Beilin - auteur de l’Initiative de Genève avec les Palestiniens (octobre 2003) - rapporte cet échange, lors de la dernière entrevue qu’il a eue avec le boucher de Sabra et Chatila (juillet 1982): «Yossi, j’apprécie tes efforts pour la paix, mais je ne fais pas confiance aux Arabes» «Aux Arabes, lui ai-je demandé, ou aux Palestiniens?» «Aux Arabes» m’a-t-il répondu (Courrier International n° 1211 du 16 au 22 janvier 2011, page 23).  Déni constant des habitants légitimes du pays dans le mantra sioniste mais il se peut aussi que  Sharon se rappelle qu’en 1948, lors de la bataille de Latroun, l’armée jordanienne lui a infligé une grave blessure à l’abdomen. Il a perdu beaucoup de sang et n’a été récupéré, in extremis, à l’article de la mort, qu’après plusieurs heures. De plus, en 1956, les Egyptiens  ont infligé à la colonne qu’il commandait 43 morts et 120 blessés. Ariel Sharon s’était engagé dans le défilé de Mitla, au Sinaï, alors que le commandant en chef, le Général Dayan,  le lui avait expressément interdit. De même, il conduira à la mort 18 soldats israéliens à Kalkilia.
En juin 1982, lors de l’invasion  du Liban, il réalisa un de ses plus odieux  faits  d’armes. Des milliers de Palestiniens ont été assassinés dans les camps de Sabra et Chatila par les Phalanges chrétiennes aux ordres d’Israël et alors que Beyrouth était pratiquement aux mains de l’armée sioniste.

Le crime fut si monstrueux que la Commission Kahane nommée par le gouvernement israélien – sous la pression internationale - pour faire la lumière sur ce crime abject n’hésita pas à charger Sharon et à recommander son exclusion du gouvernement.  Humilié, exclu du gouvernement en février 1982, il va mener campagne contre les accords d’Oslo signés en 1993. Ses efforts aboutiront à l’assassinat de Rabin et à  l’élection de Netanyahou. Mais Sharon caresse le rêve d’être Premier Ministre. Une provocation, en septembre 2000, va lui permettre de le réaliser: protégé par des centaines de flics, il se rend sur l’esplanade des Mosquées. Il devint Premier Ministre car passé maître dans la confection des complots politiques et des retournements de veste croisant le fer tour à tour avec Barak, Olmert, Netanyahou… La Seconde Intifada démarre suite à ce sacrilège et Sharon enferme  Arafat à Ramallah qu’il appelle «notre Ben Laden». Il avait refusé  de lui serrer la main en 1996 lors des discussions de Wye Plantation aux Etats Unis. Mais Sharon  ne parviendra jamais à réaliser son rêve le plus cher: accéder au poste de commandant en chef de l’état-major de l’armée sioniste et, en qualité de ministre de la Défense, obéira au doigt et à l’œil à la Maison Blanche affirme Amir Oren dans Haaretz du 2 janvier 2014.

L’homme qui a rendu la paix impossible

Les crimes de Sharon ne sont pas tous connus. Ainsi, quarante ans après le forfait,  le 16 août 1995, le journal London Daily Telegraph a révélé qu’Ariel Sharon est derrière l’exécution sommaire de 273 soldats prisonniers égyptiens et soudanais lorsque le Président Nasser a nationalisé le Canal de Suez et qu’Israël s’allia avec la France et la Grande Bretagne pour faire la guerre à l’Egypte. C’est pourtant cet homme qu’Yvan Levaï – qui fait la revue de la presse le week-end sur les ondes de France Inter -  qualifiera de  «pilier d’Israël» ! «Ce pilier», Ali Jarbawi, politologue à l’Université Birzeit et ancien ministre de l’Autorité Palestinienne, le voit comme « l’homme qui a rendu la paix impossible» (International New York Times,  22 janvier 2014, page 6). Le professeur Jarbawi conclut ainsi son article : «Ariel Sharon a été un obstacle majeur pour la paix entre les Palestiniens et les Israéliens. Les Palestiniens ont terriblement souffert de la violence qu’il leur a infligée. Par-dessus tout, il a été incapable de procurer à Israël sécurité, calme et paix. Il a cependant réussi à faire de la solution des deux Etats un nuage de poussière.»  Jarbawi rappelle  qu’une des «marottes» de Sharon   était «le transfert» des Palestiniens hors de leur patrie prétendant que « la Jordanie est la Palestine.» Après les accords d’Oslo de 1993, il s’emploiera à voler le plus de terre possible aux Palestiniens - à Jérusalem et en Cisjordanie notamment. Il diminuera drastiquement le statut légal des Palestiniens afin de  préserver une majorité juive.
En 2004, il donnera le feu vert à la construction du Mur de l’Apartheid.  Saisie par l’ONU, la Cour Internationale de Justice a statué que le «mur de séparation » constitue une violation  du droit international. Ce Mur est un moyen de plus pour Israël de spolier les Palestiniens, de les priver de leurs champs, de les empêcher d’accéder à leurs sources et de déraciner leurs oliveraies. En un mot comme en cent, il s’agissait de leur rendre la vie impossible et de leur voler leur terre. Dans la droite ligne de sa politique de ce gangster. En 1998, en sa qualité de ministre des Affaires Etrangères, il pressait les colons de s’emparer des terres des Palestiniens : «Chacun devrait s’activer, courir, s’emparer de plus de collines, étendre le territoire. Tout ce qui sera arraché sera entre vos mains. Tout ce qui ne sera pas arraché sera entre les leurs.» Là encore, Sharon fut égal à lui-même. Sans détour, il écrivait dans le Yediot Aharonot en 199 : «Nos grands-parents et nos parents ne sont pas venus ici (en Palestine) pour bâtir une démocratie. Tant mieux si elle est préservée, mais ils sont venus ici pour créer un Etat juif. L’existence d’Israël n’est vraiment menacée que par ceux qui, parmi les Israéliens, ne jurent que par la démocratie et la paix, au risque de saper les fondements de notre Etat juif démocratique et d’ouvrir la voie à la dictature criminelle d’un Etat palestinien dirigé par l’OLP… Le sionisme n’a jamais prôné la démocratie, mais la création en Palestine d’un Etat juif appartenant à tout le peuple juif et à lui seul.»

Dans Haaretz du 11 janvier 2014, Gideon Lévy écrit que,  «sur le tard, Sharon a réalisé  que le mur de défense ne saurait éternellement protéger Israël» et d’ajouter : «au regard des standards internationaux, Sharon est un criminel de guerre… Avec l’âge, il n’a pas modifié son code moral. Par ses propres moyens, il a réalisé les limites de l’emploi de la seule force… Peut-être a-t-il compris ce qui arrive à l’armée qui s’est muée en une armée d’occupation et en une force de police faisant la chasse à des enfants.»  Ce qui amène Levy à conclure : «Quand Sharon est tombé dans le coma, Israël a fait de même. Israël a renoué avec le Sharon du début : brutal, cruel et martial.»

Sharon enterré, pour les Palestiniens et les Arabes, le combat continue. Il ne faut rien céder. Nos peuples ne doivent compter que sur eux-mêmes quand ils voient les turpitudes et les trahisons dont sont capables aujourd’hui certains régimes arabes. A cet égard, les conseils du regretté Edward Saïd n’ont pas pris une ride: «Face à tout cela, il faut réagir. Nous devons rendre compte des réalités de la vie quotidienne des Palestiniens soumis au processus de paix, de la manière la plus crue et la plus détaillée possible. Nous devons dire au monde entier les souffrances de notre peuple… et répliquer sans relâche aux mensonges israéliens, américains et palestiniens officiels… Il faut tout faire pour rompre le silence des médias, par des lettres aux journaux, des appels à la radio, des interventions à la télévision. Même modestes, de telles actions, individuelles et collectives, nous feront faire du chemin. Tout vaut mieux que la passivité et le silence… Le choix est clair, c’est soit l’apartheid, soit la justice et la citoyenneté pour tous… Le combat que nous menons est un combat pour la démocratie et l’égalité des droits, pour un état laïque dont tous les membres soient égaux, et non pas un faux combat inspiré d’un lointain passé mythologique, qu’il soit chrétien, juif ou musulman» (Edward Saïd, « Israël, Palestine, l’égalité ou rien », Editions La Fabrique, Paris, 1999) Ce que Mahmoud Darwich explicite lumineusement dans ce  poème de 1966 « Un amoureux de Palestine»:

«Afin que la génération future
Sache reconnaître
Le chemin de la maison»

Tags : ben ali   David Ben Gourion   Isra   Tunisie  
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6 Commentaires
Les Commentaires
Pragmatique - 04-02-2014 17:57

La Palestine est un pays étranger. Nous sommes tunisiens avant toutes choses. La Tunisie d'abord ! La Tunisie avant le monde ! Que brule la terre si ça doit nous etre profitable ! Tant que nous serons une bande de bisounours nous nous ferrons toujours avoir treve de baliverne inutile . La meilleure chose a faire consiste a ignoré ce probleme qui n'est pas le notre. Est ce le Tibet nous importe ? Il doit etre de meme pour la Palestine

raoul duffy - 05-02-2014 12:17

bien d'accord avec pragmatique : si la loghorrée de bon nombre de tribunes publiées dans Leaders était conscacrée à proposer des idées pour sortir le pays de l'ornière ,la Tunisie ne s'en porterait que mieux. au lieu de cela on s'obstine à "pondre" de pompeux articles sur le refus de la normalisation avec l'entité sioniste ;Mais qui vous dit qu'Israel souhaite nouer des liens avec la Tunisie ? quel serait son intérêt politique, diplomatique, économique, social .... il semble que la Tunisie par contre aurait tout à y gagner ......

tousi - 06-02-2014 03:48

La Corrèze avant le Zambeze dixit Chirac;si el arbi j ai beaucoup d 'admiration et d 'affection pour vous;vous avez bien que la Palestine a été tri d 'abord par ses leaders sans flair politique l 'un par ses déclarations incendiaires et en fanfaronat ;l 'aute en s 'alliant aux allemands.Quantités de livres sont sorties ;de Benny Morris à Roger Garaudy .Les mystifications israéliennes du likoud sont connus(qui a volé a volé l 'orange de JAFFA?.en Russie ou en pologne;on ne pratiquait pas la culture de l 'oranger.j 'aimerai lire un articlede vous sur septembre noir;sur les israeliens pour la Pais et leus luttes pour empecher les colnisations plus que ne le font tous les gouvernements arabes reunies;et un article sur ce qui a empéché les juifs tunisiens de rester;la propagande juive n 'aurait pas eu d 'effet sur eux;si n 'avait pas subi la dhimitude;ils ont été déracinéQui à l 'époque les a défendu?ils subissaient des mini progroms;et meme Bourguiba qu'ils vénèrent n 'a rien fait pour les retenir comme dit le proverbe tunisien mayohrib milkhir had;un homme d 'affaire palestinien veut investir dans une chaine tunisienne ;son peuple vit dans l 'opulence?celadevrait vous inspirer un article.Le sejour au Ritz unpalaceparisien ;un autre article;quand madame est venue accoucher à la clinique américaine à Paris j ai pensé à tous ses enfants nés dans des conditions de fortune;le standing des dirigeants palestiniens à Tunis Sidi bou said;carthage la Marsa gammathm 'a choqué un mode de vie moins fastueux aurait permis d 'offrir des bourses d 'études à leurs compatriotes.Pour revenir à Edward Said mort trop tot il racontait dans un articl du monde qu'ayant recontré Jean-paul Sarte ce dernier n 'a rien trouvé à lui dire;ce revolutionnaire du café flore qui ne voulait pas désespérer Billancourt et vendait la Cause du Peuple avant d 'aller diner aux Deux Magot cantine des ouvriers de Billancourt;il avait pour secreétaire Serge Victor qui alla en Israel ouvrir un centre de recherche likhoudien aidé et admiré par Bhl.revenons à nos moutonsparlez nous de nous dans cette phase actuelle c 'est ce qui nousinteresse de l 'ecologie en TUNIsie de la pollution de l 'eau de la malnutrition,des sujets tabous comme ces onzes filles qui ont été victimes d 'inscestes qui ont eu le courage de dénoncer ces abus que sont elles devenuses?comme chantait je ne sais plus qui PARLEZ moi de moi y a que ca qui m 'intéresse ,les tunisiens veulent qu'on parle de nos problèmes ;que pensez vous de la constitution,de l 'outsider BEn JOMAA?des tirs de Raouad ,de la cure d 'austérité que promettent nos dirigeants aprés avoir vidé les caisses sans vervogne.On ne peut aider l autre quand soi meme on est mal.Quans les Palestiniens vont ils liberer leurs femmes valeureuses du joug du patriarcat?

hached - 06-02-2014 19:14

tôt ou tard, les terres volées, les implantations construites seront reconquises par ses ayant droit et le mot "Israel" sera ignoré et son peuple égaré...tôt ou tard...!!!

pseudo - 07-02-2014 02:48

Selon human Right;des milliers de femmes irakienes croupissent dans les prisons irakiennes ;violées ;frappées des images insoutenable apres l 'installation de la démocratie à la mode Busch;faites vous leur porte voix ,ce sont des irakiens leur compatriotes qui les traitent ainsi;les animaux sont plus humains

Raoul Duffy - 08-02-2014 18:08

Il ne me semble pas non plus lire souvent sur leaders des tribunes sur les 140.000 OUI CENT QUARANTE MILLE MORTS de Syrie Serait-ce parce que les juifs ne peuvent être impliqués ?

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