Opinions - 29.04.2012

Dette extérieure de la Tunisie-quelques nouveaux signaux

La dette extérieure de la Tunisie est une composante relativement importante de l’endettement public total. Elle a représenté environ 30 % de cet endettement à fin 2010. En effet, sur un endettement total de 72, 8 milliards de dinars soit 114, 8 % du produit intérieur brut (PIB), la dette extérieure s’élevait à l’équivalent de 21,9 milliards de dinars fin 2010, soit 34,5 % du PIB.
 
De cet endettement extérieur, la part de l’Etat représentait l’équivalent de 15,6 milliards dinars soit 24,5 % du PIB. Le reste est constitué de dettes contractées par d’autres agents économiques non financiers. Alors que l’endettement extérieur de l’Etat a progressé de 14 % entre 2008 et 2010, celui des autres agents a augmenté seulement de 7 % durant cette période. Pourtant, les tirages des entreprises sur crédits à moyen et long termes ont été prépondérants, s’accroissant de l’équivalent de 912 millions de DT en 2008 à 1.499 millions de DT en 2010, alors que les tirages de l’Etat étaient de 833 millions de DT en 2008 et 1.142 millions de DT en 2010. 
 
Trois remarques générales peuvent être faites à propos de l’endettement extérieur de la Tunisie. D’abord, la dégringolade du dinar a aggravé cet endettement, exprimé en dinars tunisiens, donc  son poids budgétaire. Cela, d’autant plus que l’encours par devise montre la part prépondérante de l’euro (plus de 61 % en 2010) et du yen japonais (plus de 16%). Ensuite, la part de la dette à court terme (engagements financiers et commerciaux) est en augmentation, passant de 21 % du total à 23,3 % du total entre 2008 et 2010. Enfin, l’endettement s’est encore creusé. Suite au déficit de la balance des paiements en 2011, la conséquence aura été la diminution constante des réserves de change qui sont passées, d’après les communiqués de la Banque centrale, de l’équivalent de 13 milliards de dinars, représentant 147 jours d’importations fin 2010 à 10,3 milliards de dinars, représentant 106 jours d’importations en mars 2012.  L’alerte est généralement au niveau de 90 jours d’importations que nous allons atteindre bientôt, si rien n’est changé, notamment dans les recettes touristiques, les transferts des travailleurs à l’étranger, les investissements directs étrangers et les exportations minières. 
 
Une lueur d’espoir commence à se dessiner avec la décision de certains de nos partenaires techniques et financiers. La République d’Allemagne a été le premier partenaire important à se déclarer prête à convertir le service de la dette en investissement (accord de désendettement/ développement). Avec un encours de l’équivalent de 400 millions de dinars fin 2010 soit 6 % de l’encours de la coopération bilatérale, ce geste n’est pas tellement important par sa dimension mais très important par son effet psychologique et son effet d’entraînement potentiel sur d’autres partenaires. 
 
Les Etats-Unis, par la voix de Hillary Clinton, a annoncé récemment un don de 100 millions de dollars US à la Tunisie pour lui permettre de régler les échéances de service de la dette vis-à- vis de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Ce geste ne manque pas de contribuer à créer une atmosphère favorable à la Tunisie post révolutionnaire. Mais ce sont la France et le Japon qui détiennent le gros de la dette extérieure bilatérale. La France, à elle seule, représente le plus grand créancier, avec, en 2010, l’équivalent de plus de 3 milliards de dinars  soit 46 % du total de l’endettement au titre de la coopération bilatérale.  Elle est suivie du Japon, avec l’équivalent de 1.454 millions de dinars soit 22 % du total de l’endettement bilatéral. Les deux tiers de la dette bilatérale seraient ainsi convertis en investissements si ces deux principaux partenaires suivaient l’exemple de l’Allemagne.
 
Il est important que notre pays mette la pression nécessaire au niveau de l’Union européenne, du G8 (souvenez-vous des promesses de Deauville de l’année dernière) du G20, des assemblées du FMI et de la Banque mondiale, des contacts diplomatiques directs avec la France et le Japon. On peut comprendre que la France est en pleine campagne électorale, mais cela n’exclut pas des contacts diplomatiques avec le Président Sarkozy et son rival, François Hollande, pour avoir des gages à ce sujet. N’oublions pas que Sarkozy, trompé par les rapports fallacieux de son ambassadeur et de sa ministre des affaires étrangères de l’époque, n’a pas vu venir le printemps arabe. Il a dépensé ensuite des sommes importantes dans la bataille de Libye. Il dépense des sommes énormes dans l’intervention inutile en Afghanistan. Il vient d’accorder, à juste titre, un accord désendettement/ développement à la Côte d’Ivoire. La Tunisie, à l’origine du printemps arabe qui a ouvert des perspectives immenses au développement démocratique des pays du monde arabe, mérite autant que la Côte d’Ivoire, de voir sa dette convertie en investissements dans les infrastructures, l’éducation et la santé, qui pourraient, d’ailleurs bénéficier indirectement aux entreprises françaises.
 
Dr Moncef Guen       
Ancien Secrétaire Général du Conseil économique et social
et Consultant international
 
 
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