Opinions - 01.06.2011

Emigrés Tunisiens: L'inhospitalité incompréhensible des Européens

Cela ne s’était jamais vu depuis que la Tunisie est Tunisie et la Libye la Libye. La Tunisie ne s’était pas encore relevée de son Tsunami politique et social, que la Libye voisine est entrée dans une rébellion armée que personne ne prévoyait. Et comme il y a des millions (on parle de trois millions) d’étrangers qui travaillent dans tous les domaines en Libye, on a assisté à un exode massif vers la Tunisie et l’Égypte.

Entre 250.000 et 300.000 personnes ont passé la frontière tuniso-libyenne. Elles étaient de toutes les nationalités : Égyptiens, Tunisiens, Africains subsahariens, Bengali, Pakistanais, Érythréens, Somaliens, Chinois, Indiens. Les pays les moins pauvres ont pu effectuer le rapatriement de leurs concitoyens, d’autres attendent depuis trois mois, surtout les Nigérians, les Somaliens et les Érythréens.

Nous avons assisté à des scènes formidables de solidarité et d’accueil. Au début, l’accueil était spontané. Les habitants des villages près de la frontière portaient de quoi manger et boire. Ensuite, les ONG ont rejoint le mouvement, dont la Caritas Tunisie, France, Canada, Liban. La Croix rouge et le Croissant rouge tunisien, qatari et émirati se sont joints et on a fini par avoir des tentes pour tout le monde et la frontière tuniso-libyenne est devenue un lieu de passage pour ceux qui rentrent dans leurs pays et un lieu de résidence pour ceux qui attendent que la tempête passe pour revenir travailler en Libye, comme avant.

L’Église de Tunisie a envoyé dès les premiers jours un prêtre et trois religieuses pour aider les réfugiés. Il arrivait que les sœurs préparaient, avec d’autres volontaires, des repas pour 10.000 personnes chaque jour. Nous avons un prêtre nigérian dans le diocèse, et il visite régulièrement les camps ; il a même célébré la messe de Pâques dans une grande tente que les Érythréens avaient transformée en chapelle. Plus de 150 personnes ont assisté à la messe. Caritas Tunisie a présenté un projet d’urgence à la Caritas Italie et à la CEI. Des subsides sont arrivés et cela nous permet d’assurer les dépenses nécessaires au prêtre et aux religieuses.

Reste la grande question : combien de temps cela va durer ? La situation militaire en Libye s’enlise, la confrontation militaire entre les rebelles et les phalanges de Kadhafi continuent, les bombardements de l’OTAN n’arrivent pas à trancher. On vit dans l’incertitude la plus absolue.

La situation actuelle à la frontière, d’après les religieuses présentes sur place, se présente comme suit : entre 4000-5000 réfugiés africains ou asiatiques attendent des jours meilleurs pour retourner, soit dans leurs pays respectifs soit en Libye.

Mais il y a aussi des milliers de libyens qui ont fui la guerre. Ces libyens sont de trois catégories : des gens aisés qui ont passé la frontière et ont rejoint l’Europe via l’aéroport de Djerba ; la deuxième catégorie constituée de libyens ayant des parents dans le sud tunisien qui les ont accueillis dans leurs maisons, et la troisième catégorie (on parle déjà de 50.000) sont logés dans les camps, ou hébergés dans des maisons que les habitants de la ville de Tataouine leur ont offertes gratuitement, ou dans des tentes. Le ministère de l’éducation nationale a donné des consignes aux écoles du sud tunisien pour intégrer les enfants libyens dans les écoles des divers gouvernorats.

 Tout ceci s’est passé alors que des milliers de tunisiens sont arrivés à Lampedusa, avec toutes les problématiques que cela a causées. Je ne parle pas de la dimension juridique ou politique de ce phénomène, ce n’est pas de ma compétence. Mais je parle de la dimension humaine. Ce sont des jeunes au chômage (19% de chômage avant la révolution). Le tourisme occupait 450.000 jeunes qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans travail, le contrôle des frontières s’était affaibli à cause de la situation politique et sécuritaire dans les grandes villes.

J’essaie de me mettre dans la peau d’un tunisien : 20.000 tunisiens sont arrivés dans une Europe, en crise peut être, mais riche tout de même, et ils sont mal reçus, alors que plus de 200.000 (dix fois plus) d’étrangers sont arrivés dans une Tunisie, pas aussi riche que l’Europe, mais surtout qui sort d’une grave crise politique, et les Tunisiens les ont reçus les bras ouverts,  leur ont ouvert leurs maisons, leurs écoles, et  partagé avec eux leur pain quotidien.

Vu de la rive sud de la Méditerranée, où l’hospitalité est à la fois une valeur et un devoir, c’est incompréhensible… tout simplement.

Maroun Lahham

In: Oasis
 

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15 Commentaires
Les Commentaires
samiha - 01-06-2011 17:37

bravo,je vous dis merci monseigneur pour votre article j ai dis la meme chose a propos de toute la fievre qui a touche les francais surtout a propos des emmigres de lempedouza; vive l analyse de l homme de coeur, et en tant que musulmane elevee dans les principes de misericorde; j ai eu chaud au coeur en lisant le role joue aussi par les religieux chretiens; puisse dieu nous rendre notre tunisie plus belle , plus ouverte, plus unie que jamais ; raghma addai wal aadai

mnif - 01-06-2011 18:29

votre article est tout simplement formidable , bravo et merci

mokaddem - 01-06-2011 18:36

Monsieur ,vous parlez sans savoir je suis tunisien habitant en FRANCE depuis plus de 30 ans ces jeunes sont un réel problème pour la FRANCE il n 'y a pas assez de travail pour tout le monde ici il y a 4 millions de chômeurs , les étrangers ou enfants issus de l immigration forment le plus gros contingent de délinquants , bien sur il y a des problèmes qui sont la cause de ces dérives mais je crois que laisser des jeunes tunisiens venir en France dont certains ne trouveront pas de travail et seront tentes par la délinquance et notamment la vente de drogue de toute nature est une grosse erreur et surtout donnera des arguments au FRONT NATIONAL et a ceux qui seraient tentes de voter pour ce parti raciste aussi je pense que l' on ne devrait pas donner des arguments a ces gens la en laissant grossir le nombre des demandeurs d'emploi en France , je préfère encore participer financièrement a une solution en TUNISIE pour ces jeunes

hamadi khammar - 02-06-2011 08:17

Ce que vous oubliez de mentionner, c'est que les libyens ayant fui leur pays, ainsi que les travailleurs étrangers, en Libye, s'étant repliés sur la Tunisie, y sont reçus, non à bras ouverts, tel que vous l'écrivez pour mieux, pllus, critiquer, l'Occident, mais confinés dans un "camp" (que d'aucuns qualifieraient de ..."cencentration"). Un proverbe tunisien me revient en mémoire et où il est dit :" ne comptes pas les jours du mois dont tu ne tires aucun bénéfice!" (éch'har élli ma aandèk fih nfi'3a, mé t3édlou éyèm). D'autre part, Qu'auraient fui les tunisiens ? la révolutions ? c'est honteux ! Qu'ont fui les libyens ? une guerre civile, tout simplement, aggravée par une intempestive inetrvention armée de l'Otan, à l'instigation de Nicolas Sarkozy. On est donc loin, très loin des critiques inhérentes au devoir d' hospitalité, à moins que..... hamadi khammar

Abdelhamid ABIDI - 02-06-2011 09:53

Merci Monsieur l'archevêque pour avoir attirer l'attention sur ce dilemme qui révèle la logique de fonctionnement de l'Europe exportatrice de "DEMOCRATIE" depuis deux siècles au moins. Cette Europe occidentale qui continue à afficher, au niveau des discours, l'image de garante des droits de l'Homme d'un côté, et, un ensemble de pratiques bafouant totalement ces droits. La manière dont les tunisiens arrivant, sur la rive nord de la méditerranée, après la révolution du 14 janvier, sont accueillie, s'ajoute à plusieurs d'autres exemples allant dans le même sens. Les immigrés maghrébins en France, dont le nombre avoisine les 5 millions, vivent au quotidien des discriminations de tout genre, des traitements de deux poids deux mesures par rapport aux Français soit disant de souche. Ces immigrés vivent en situation régulière mais gardant leur nationalité d'origine, n'ont pas le droit de voter alors qu'ils apportent à l'économie française pas loin de 14 milliards d'euros par an. Ces immigrés font l'objet de campagnes médiatiques et politiques portant atteinte à leur croyance religieuse et les pratiques qui en découlent. Alors que les européens se rendent massivement et régulièrement comme touristes en Tunisie et au Maroc pour profiter de l'hospitalité inégalée, nombres d'immigrés ici en Europe occidentale sont rejetés socialement et culturellement.

a.tekaia - 02-06-2011 11:15

L'accueil réservé aux libyens par les tunisiens n'est pas nouveau ni "mzia" .L'histoire a fait que ce petit peuple valeureux a le mauvais oeil qui le poursuit depuis le xx sièle pour ne pas aller plus loin: la colonisation fasciste et sa compresse titanesque d'abord et l'exode massif vers la tunisie,ensuite la 2° mondiale où alliés et axe se sont affronté et les mines anti-personne jonchent le sous sol libyen pour enfin se laisser piétiner par 42 ans de dictature d'un forcené analphabète.Je dirais si ce valeureux peuple ne s'est pas soulevé et n'a pas plié l'échine pendant sa révolution ,la tunisie en tout cas ne goutera pas la paix,donc on a aucun mérite pour les soutenir et il faut faire plus en ce moment car la chaleur arrive et la vie dans le désert n'est pas la joie surtout sous une tente pour des milliers d'enfants,femmes,vieux....Quant à l'histoire de l'hospitalité du peuple tunisien n'est plus à démontré: depuis le 17°siècle au moins pour ne pas remonter plus loin,les noms de famille en tunisie d'origine morisques,algériens et libyens prouve le sens aigue de l'hospitalité qu'a le tunisien et qui a été forgé par l'histoire de ce pays qui a supporté sans se casser durant 3000 ans d'histoire les méfaits des guerres et dieu sait qu'il y en a eu sur le sol de ce petit pays à tel point que les mots solidarité,accuser les coups...sont inscrits dans nos gènes.

le journal de personne - 02-06-2011 12:28

L'indignée Nous ne craignons plus la tourmente les tourmenteurs menteurs... bonimenteurs qui se nourrissaient de nos malheurs Non... nous ne sommes plus tourmentés mais remontés comme jamais sans la moindre intervention d'un horloger L'heure, c'est nous qui la fixerons tic... tac ... tic...tac ... Boum ! http://www.lejournaldepersonne.com/2011/06/lindignee/

Charles MENORET - 03-06-2011 05:46

Je comprends la réaction de Mgr Maroun Lahham . La rive nord de la Méditerranée accueille dix fois moins de réfugiés que la Tunisie c'est la conséquence de la montée de l'extrémisme xénophobe. En France le FN se nourrit des peurs notamment de l'islamisme politique et du chômage. Le choix qui est fait c'est d'aider au développement économique de la rive sud comme l'Algérie , la Tunisie...Nous devons lutter contre le FN et les socialistes qui déstabilisent la société ce qui nourrit l'extrémisme et favorise le PS. N'oubliez pas que Ben Ali et beaucoup de dirigeants du même genre étaient membre de l'Internationale Socialiste et n'ont fait que profiter de leur position pour leur intérêt personnel. La politique de la France est le renversement du dictateur libyen et le partenariat économique entre les deux rives pour développer le Maghreb et fixer ses populations. La grande majorité des immigrés du maghreb en Europe respectent les lois européennes et une minorité luttent contre les pouvoirs en place par le biais de courants islamistes. Cela fait un tort important. C'est aussi pour cette raison que la France a mis en place des formations supérieures pour les cadres de l'islam. Nous ne voulons pas abandonner nos voisins de la rive sud. Concrètement en Libye, nous avons envoyé des hélicoptères de combat de l'armée de terre pour soutenir l'opposition à Kadhafi. Ces hélicoptères sont à proximité des rives libyennes sur un bâtiment naval. Nous voulons que cette opération s'achève pour l'été. Plusieurs ministres libyens viennent de faire défection au régime du dictateur. Les russes le poussent à quitter le pouvoir. Nous sommes proches de vous par la pensée, par la volonté et par l'action et nous vous avons expliqué les risques de déséquilibre en Europe ainsi que les contradictions de l'Internationale socialiste. Le mot contradiction est faible.

Fadhlaoui sonia - 03-06-2011 12:50

c'est tout simplement de l'humanisme monsieur l'archevêque....et merci pour tout ce que vous avez écrit sur les tunisiens d’après la révolution...

Franzaoui - 04-06-2011 10:17

@ Abdelhamid ABIDI Tu lis trop les journaux de la propagande anti-française. Les Tunisiens 'corrects' sont traités correctement en France. Lis le commentaire laissé par M. Mokadden, il a entièrement raison.

DE SOUZA - 04-06-2011 12:09

je dirais honte à la france et à toute l'europe, la tunisie que je ne connais pas encore a donné des leçons au monde entier

witness - 04-06-2011 13:42

Nous sommes tous d'accord sur le fait que le peuple tunisien est un grand peuple et a fait montre d'un élan de solidarité formidable. Pourtant Mgr Maroun ne nous dit pas ce qui s'est vraiment passé dans le camp de Shousha ou des populations locales et des routiers Libyens ont saccagé le camp faisant 2 morts officiels. Mgr Maroun ne nous dit pas combien parmi les plus de 10 000 prisonniers évadés des prisons tunisiennes, ont fui vers l'Europe pour échapper à leur peine. Mgr Maroun ne sait peut être pas que l'Europe est en crise et que l'Espagne compte près de 40% de chômeurs et que l'immigration clandestine ne fait que renforcer la position du Front National. La Tunisie est devenue une terre de Liberté, pourquoi la fuir et abandonner sa famille? pour aller grossir la masse des travailleurs clandestins ou chômeurs exploités en Europe?

Abbes christiane - 04-06-2011 18:14

C'est tout à fait choquant en effet, je suis franco-tunisienne, vivant en France, où l'on tape sur le plus petit et on offre des boucliers fiscaux aux plus riches, on augmente les impôts de ceux qui travaillent qui galèrent devrai-je dire, mes côtisations salariales Assedics, ANPE, APL ont augmentées de 600euros en 2007 à 900euros en 2011, la France est un pays riche quoi qu'on en dise, ils critiquent les tyrans maghrébins ou africains, mais ceux qui sont au pouvoir prennent des sommes colossales et ne donnent rien, que peut-on attendre comme aide ou hospitalité d'un tel peuple qui mange ses propres enfants? On donne plus à ceux qui sont au chômage qu'à ceux qui travaillent honnêtement, quelles leçons ce peuple a-t-il à donner, ils doivent en prendre de chez nous plutôt, notre hospitalité est légendaire et le restera toujours, j'ai été élevée dans la tunisie profonde et mon caractère n'a pas changé, malgré ma situation précaire, je prends des gens qui sont dans la rue, des enfants jetés par l'europe et qui subissent les pires sévices, la France en fait-ellle autant pour ses propres enfants? Non, à moins qu'elle n'ait quelque chose à gagner! La France était l'ami de Ben Ali, pas celui de son peuple, mais Dieu est grand, Il a toujours sût prendre soin de nous, pas de panique mes frères et soeurs on est grands tous ensembles par la foi et la volonté!

mouna (Tunisie) - 04-06-2011 23:56

INCOMPREHENSIBLE ? voyons ! mettez donc vos lunettes et lisez bien car c'est tout a fait comprehensible et l'explication est pourtant bien claire. Cherchez le mot suivant dans le dictionnaire: RACISME

Ben selma Fredj - 06-06-2011 15:21

Ne vous étonnez pas Mr Maroun. C'est notre éducation, lorsqu'il s'agit d'humanisme, nous sommes toujours les premiers et on ne regarde plus ni politique ni économie, c'est que nous sommes courageux et sobres, c'est notre nature et rien ne peut jamais nous changer. D'ailleurs le monde est sur le point de changer, comme vous venez de le constater et celui qui est d'une bonne moralité c'est celui qui va l'emporter. Plus de place à la comédie politicoéconomique.

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