News - 02.07.2019

Mohamed Adel Chehida: La carte de l’injustice sociale en Tunisie

Mohamed Adel Chehda: La carte de l’injustice sociale en Tunisie

L’été dernier un ami de Kasserine s’est ouvert à moi, la prochaine réussite de sa fille au bac l’inquiétait car il avait déjà un fils qui était à l’université et il n’était pas capable de subvenir aux frais des deux en même temps. Tout en félicitant nos jeunes lycéens qui ont travaillé dur et réussi leur bac, je ne peux pas m’empêcher de penser à ceux qui sont préoccupés par la réussite de leurs enfants.
A l’instar des autres années les résultats du baccalauréat 2019 nous interpellent. La cassure entre les régions est devenue chronique.

Les moyennes et les taux de réussites passent de 45% des zones côtières (Sfax) à 16% aux zones du sud ouest (Kasserine) avec une parenthèse concernant les lycées privés où le taux n’a pas dépassé les 7%.
Ceci démontre bien la marginalisation du sud-ouest de la Tunisie, cela dure depuis bien 60 ans. Rappelons-nous l’appel de détresse du jeune suicidaire Abderrazzak Zorgui (Allah Yarhmou) et les difficultés sociales et économiques dans ces régions.

On l’oublie souvent, le président de l’ATUPE (association des parents d’élèves) ne manque pas de nous le rappeler, les 132000 élèves inscrits au bac en 2019 représentent seulement 30% des jeunes qui devaient atteindre ce niveau, c’est à dire que par extrapolation aux alentours de 430 000 jeunes devraient arriver au bac, c’est dire l’importance de l’abandon scolaire.

Les raisons de cet abandon sont parfois exprimées par les jeunes : à quoi sert le bac et les diplômes si le chômage nous attend ?

L’avenir du pays ne fait plus rêver. La seule ambition est de quitter le pays clandestinement ou pas, car même les brillants fruits de cette ségrégation et sélection scolaire partiront à l’étranger.
Dans son dernier rapport l’OCDE sur la revue talents à l’étranger du 17 décembre 2018 (voir figure), 27% des jeunes tunisiens âgés entre 15 et 24 ans interrogés entre 2007 et 2013 ont l’intention de quitter le pays pour s’installer d’une façon permanente à l’étranger, c’est simplement le taux le plus élevé enregistré en d’Afrique. En revanche 60% des interrogés pensent reconsidérer leur projet d’émigrer en cas de disponibilité d’un emploi.

Cette carte de l’injustice sociale est reproductible dans tous les secteurs, santé, industrie, culture, transport… et mêmes pour les harragas.
Il est temps de mettre fin à cette cassure. Cela devrait être le point commun et la priorité absolue dans les programmes de tous les partis politiques, sans populisme. Des approches structurées et crédibles et non pas des slogans.

Tout le monde parle d’investissements et de promoteurs depuis des années, parfait ! Mais cette approche a montré ses limites. Le vrai investissement est de miser sur nos jeunes et leur capacité de s’inventer un futur. De croire en eux et d’accepter les échecs. Tous ceux qui ont réussi ont essuyé plusieurs échecs avant de réussir.  

Des propositions courageuses sont nécessaires et une alternative durable est bien une responsabilité morale de nos gouverneurs. Autrement c’est un terrain fertile à toutes les dérives.

Mohamed Adel Chehida
 

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