Opinions - 10.07.2015

Taïeb Houidi: Pleins pouvoirs au président

Taïeb Houidi: Pleins pouvoirs au président

Les élections ont eu lieu. Elles ont consacré une situation de légitimité inédite dans le pays. Passées les polémiques et controverses pré-électorales, l’ARP est aujourd’hui menée par de vrais représentants du peuple et, en vertu même de la Constitution, le président de la République est celui de tous les Tunisiens. Le problème, c’est que la situation est singulièrement ardue; la Tunisie est en multi-crises. Cela rend la gouvernance difficile, même pour les plus madrés et les plus rompus aux affaires de l’Etat.
Cette légitimité électorale tient au fait que le peuple a chargé le Président BCE d’une responsabilité, celle d’être le symbole de l’unité du pays, le chef de son armée et de sa diplomatie. Cette implication marque aussi la confiance et l’honneur que les Tunisiens lui ont accordés. Il est mandaté pour une législature de 5 ans, non pas parce que le destin l’a voulu, mais parce qu’il s’est vouéà la conduite de ce pays et qu’il a été choisi par les citoyens, préoccupés par leur mieux-être et aspirant à plus de justice, d’égalité, de dignité, de liberté.
Dans ce cadre, les articles 77 et 80 de la Constitution tunisienne de 2014 (*) donnent au Président le pouvoir de « prendre les mesures nécessaires aux circonstances exceptionnelles… en cas de péril imminent menaçant la Nation ».Ces articles s'inspirent historiquement (articles 1er du Pacte fondamental de 1857 et 32 de la Constitution de 1959) et politiquement (état de troubles et de désorganisation depuis 2011) de la théorie de circonstances exceptionnelles.
Aussi, au lieu de faire appel avec tiédeur et mièvrerie à l’union nationale, à la solidarité entre les groupes sociaux, à l’esprit civique des tunisiens, il est nécessaire de prendre des décisions. La première d’entre elles est d’octroyer les pleins pouvoirs au Président de la République, pour une durée de 6 mois,éventuellement renouvelables, et ce, pour plusieurs raisons :

  • Il est vital d’assurer la survie de la légalité républicaine après les évènements des 6 derniers mois;
  • Toutes les parties (société civile, associations, syndicats, classe politique) conviennent, après les évènements du Bardo et de Sousse, que le pays est en guerre contre le terrorisme, et qu’il faut donc prendre des mesures exceptionnelles;
  • Il est essentiel de donner tout son sens au concept de « concorde nationale », au plan éthique, patriotique et politique;
  • Il s’agit d’une décision démocratique, qui aura été prise par tous ceux qui souhaitent vraiment réaliser l’unité nationale, pour qu’elle ne soit plusun simple slogan, mais une réalité tangible;
  • Seul le Président détient la légitimité pour jouer ce rôle; il n’en abusera pas au degréde sagesse et d’expérience qu’il a acquis et compte tenu des libertés que garantit la Constitution.

Quelle différence entre «état d’urgence»et «pleins pouvoirs»?

L’état d’urgence, dont la durée est d’un mois reconductible, restreint la circulation des personnes, interdit les grèves et renforce les pouvoirs de la police et de l’armée. Il est donc de nature sécuritaire. Les pleins pouvoirs sont destinés à compléter ces attributions par celles relevant de la relance économique et de l’amélioration de la situation sociale. On ne peut imaginer combien cela facilitera la gouvernance au profit du citoyen à travers la rapidité et la fluidité des prises de décision. L'activité législative sera alors prodigieuse.En 5 ou 6 mois, le Président fera adopter les réformes et lois nécessaires à la bonne conduite de l’Etat.Cette forme de gouvernance, restreinte dans le temps, est destinée à assumer pleinement sa double fonction de « commandant en chef » et de «réformateur en chef», à rendre confiance au peuple, à obtenir les moyens de défense, à rassurer les investisseurs et à instaurer une trêve sociale, car il en aura été l’initiateur non par la force, mais par le consentement de tous.
Mais pour rassurer les incrédules, point ici de pouvoir illimité dans le temps, ni de pouvoir entier sur tous. Il s’agit ici d’une attribution précise, légale mais à caractère exceptionnel. Le passé, en Tunisie et ailleurs, a montré qu’en cas de péril majeur, toutes les forces vives de la nation se rangeaient derrière leur premier dirigeant : croyants et séculiers, riches et pauvres, intellectuels, travailleurs, paysans… enfin, le peuple.
Trêve de tergiversations de la part des politiques et des juristes qui y verront tour à tour allégeances ou dépassements au droit. La patrie est réellement en danger et une telle initiative n’a pas d’autre signification que politique, dans son sens le plus noble. Elle est présentée quel qu’aurait été le nom du Président, du moment qu’il est élu par le peuple.
L’Histoire est écrite par les peuples qui espèrent et revendiquent, mais elle est aussi écrite par les dirigeants politiques, quand ils s’élèvent à la hauteur de leur responsabilité et forment un rempart pour protéger la société.C’est ce qui est demandé à la fois aux partis au pouvoir et à l’opposition.
Ceux qui sont à l’initiative des lois auront-ils le courage de soumettre une telle proposition à l’ARP ?

(*) La Constitution dispose : Article 77 - Le Président de la République… a pour attributions  : ….Prendre les mesures nécessaires aux circonstances exceptionnelles et les rendre publiques conformément à l’article 80
Article 80 - En cas de péril imminent menaçant la Nation ou la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre les mesures requises par ces circonstances exceptionnelles après consultation… Ces mesures garantissent, dans les plus brefs délais, un retour à un fonctionnement régulier des pouvoirs publics… le Président de la République ne peut dissoudre l’ARP et il ne peut être présenté de motion de censure à l’encontre du Gouvernement… Ces mesures cessent d’avoir effet dès lors que les circonstances qui les ont engendrées prennent fin.
Pacte Fondamental de 1857  Art 1er : Une complète sécurité est garantie formellement à tous nos sujets, à tous les habitants de nos États, quelles que soient leur religion, leur nationalité et leur race. Cette sécurité s’étendra à leur personne respectée, à leurs biens sacrés et à leur réputation honorée. Cette sécurité ne subira d’exceptions que dans les cas légaux dont la connaissance sera dévolue aux tribunaux; la cause nous sera ensuite soumise, et il nous appartiendra soit d’ordonner l’exécution de la sentence, soit de commuer la peine, soit de prescrire une nouvelle instruction.

Taïeb Houidi

 

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