News - 31.01.2015

Moncef Bey, protecteur des juifs

Le comportement de Moncef Bey avec la communauté israélite a eu peu d’échos dans le passé, nous semble-t-il. Aussi, pour avoir nous-mêmes connu Moncef Bey et avoir été les témoins particulièrement attentifs de toutes les péripéties survenues au cours de son règne (19 juin 1942-13 mai 1943), nous avons jugé opportun de lui rendre justice.
« Un souverain courageux, loyal et chevaleresque. » C’est ainsi que notre père Sadok Zmerli décrivait Moncef Bey, dont il a été tout à la fois un des amis intimes, un des conseillers les plus fidèles, la plume et le directeur du protocole. Cette conviction, il l’a exprimée dans son livre Espoirs et déceptions en Tunisie, 1942-1943 (Maison tunisienne de l’édition, 1971).
Juste après son intronisation au cours d’une cérémonie officielle, bien avant l’occupation de la Tunisie par les troupes de l’Axe, Moncef Bey appelle Me Albert Bessis pour le faire asseoir à ses côtés, attitude que l’on est en droit de considérer comme ouvertement réprobatrice des lois raciales en vigueur. Quelques jours plus tard, il déclare solennellement aux délégations des communautés juives venues lui rendre obédience qu’il ne fera aucune distinction entre ses enfants musulmans et israélites. Cette déclaration suscite l’espérance chez les israélites et jette la consternation dans les milieux racistes et le doute dans l’administration coloniale.
 
En intervenant personnellement auprès du résident général de France, l’amiral Esteva, et auprès des services concernés, par l’intermédiaire de son frère, le prince Hassine, et de son directeur du protocole, Moncef Bey manifeste clairement son opposition à l’application des lois iniques de Vichy contre les Juifs.

En agissant ainsi et en le faisant savoir, il souhaitait certes redorer le blason de la famille husseinite sali par son prédécesseur qui avait avalisé l’instauration des lois raciales de Vichy en Tunisie, il voulait également faire entendre raison à des sujets susceptibles d’être induits en erreur par une propagande lancinante et fallacieuse. Et, surtout, il était guidé par l’impérieux devoir d’aider, de secourir et de protéger une communauté tunisienne exposée à tous les périls.

En octobre, il reçoit Hooker Doolittle, consul général des États-Unis ; le ministère des Affaires étrangères en France est aussitôt avisé, par un télégramme chiffré parti de la Résidence, de la rencontre, des intentions politiques et démocratiques de Moncef Bey et de la présence de nombreux et influents médecins juifs à la cour beylicale.
 
Pendant l’occupation allemande et à partir de la constitution du gouvernement Chenik, la décision de Moncef Bey de protéger la communauté israélite a été à la fois collégiale et étatique.

L’ensemble du gouvernement sans exception, des membres de la famille beylicale et de hauts fonctionnaires y ont solidairement contribué.

L’amiral Esteva ayant outrepassé ses prérogatives en prenant unilatéralement des décisions à l’encontre de la communauté israélite, le gouvernement Chenik utilisera tous les moyens dont il dispose pour les entraver.

À l’annonce de la défaite des troupes de l’Axe, un vent de panique a soufflé sur la communauté juive tunisienne, qui craignait le pire et anticipait déjà des actes inconsidérés de la part des troupes allemandes au cours de leur retraite vers le cap Bon. Il se développa alors un mouvement de solidarité exceptionnel dont la ¬Tunisie peut s’enorgueillir. Un grand nombre de familles musulmanes n’ont pas hésité à ouvrir leurs portes et à accueillir chez elles pour les protéger leurs concitoyens et concitoyennes de confession israélite. Meyer Zakine, notre soutien scolaire pendant nos études primaires, a trouvé refuge chez nous, à Hammam-Lif. Ces faits n’ont pas été souvent rapportés, probablement par pudeur.

Déposé, sans égard et illégalement par l’autorité française du protectorat chargée d’assurer sa protection et celle de la famille husseinite, Moncef Bey fut conduit, sans ménagement par le général Juin, alors résident général par intérim, à l’aérodrome d’El-Aouina pour un exil en Algérie puis à Pau en France. C’est dans cette ville que des représentants de la communauté juive d’Alger, conduite par leur grand rabbin, sont venus rendre visite à Moncef Bey pour le remercier de la bienveillance et de la protection qu’il a accordées aux juifs tunisiens pendant l’occupation allemande. Un témoignage de gratitude qui confirme, s’il en était besoin, le digne comportement d’un souverain loyal vis-à-vis de tous ses sujets, sans exception.

Adnan et Saadeddine Zmerli
(héritiers de Sadok Zmerli)

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5 Commentaires
Les Commentaires
Mahouachi Mohamed - 31-01-2015 23:59

Les Tunisiens de confession israélite et leurs Descendants,vivants en Tunisie ou installés sous d'autres cieux n'ont rien entrepris pour honorer sa mémoire et lui rendre justice, pour sa défense humaine et courageuse de notre Communauté juive, contre la politique de la Collaboration du Régime de Vichy et contre les Nazis qui ont occupé la Tunisie avec les Forces italiennes, pendant la IIème Guerre mondiale.Il avait officiellement répondu au Gouvernement de Pétain qu'il refuse de faire porter l'Etoile jaune (de David) aux Juifs de Tunisie; et que " si on l'obligeait à le faire, il ferait porter cette même Etoile jaune à tous ses Sujets Musulmans". Ce qui est regrettable et à la fois navrant et incompréhensible, c'est que les Tunisiens Israélites vivants en Tunisie ou sous d'autres cieux, n'ont RIEN fait pour faire inscrire le nom de Sidi Moncef Bey, sur la listes des Justes du Mémorial de Yad Vashem. Les Marocains de confession israélite ont été plus dignes, puisque le nom du Sultan Mohamed Ben Youssef- le Roi Mohamed V, y figure depuis longtemps ( les Années 60 ) ...

MOKADDEM - 01-02-2015 10:43

Merci de rendre tout l'honneur qui revient à Sadok Bey dans la position et la gestion de la protection de nos compatriotes de religion juive.Vous avez bien fait de rappeler que beaucoup de tunisiens musulmans ont fait leur devoir de porter secours à leurs compatriotes israélites.J'apporte aussi le témoignage que mes mes parents Messaoud Mokaddem ont aussi caché la famille ATTAL chez eux à Hammam lif à un km vol d'oiseau du QG des allemands.Honneur à tous ceux qui l'ont fait. Attal était je pense le tailleur de costume de la famille établi de longue date à Hammam lif.

Mahmoud Mokaddem - 01-02-2015 10:54

J'ai oublié d'ajouter que Moncef Bey était le cousin germain de mon arrière grand père maternel, mon père et mon frère ainé était à l'époque militants destourien.Ils avaient suivi leur coeur mais aussi les instructions de Moncef Bey et de Bourguiba. Pour l'anécdote et l'histoire, devant notre maison où je suis né à Hammam lif il y avait un grand terrain vague oùles enfants jouaient souvent au foot avec des ballons de fortune.Un jour d'été de chaleur accablante, Moncef Bey faisait son tour habituel à pied dans la ville et passant tout près de ce terrain vague en plein milieu d'un match de jeunes garçons qui par mégarde ont laissé filé le ballon dans les pieds du BEY qui la leur rendit avec les pieds et un sourire protecteur.Ce jour là il nous rendit visite et se désaltéra à la maison au grand bonheur de ma mère Mamia sa petite arrière cousine.

jamila Largueche - 01-02-2015 17:21

j ai toujours espere que le dictateur Ben Ali choisirait la solution a la Franco,et retablir le royaume avec les heritiers de Sidi Moncef en une Monarchie parlementaire ,le roi serait le dernier recours en pere protecteur de tous les citoyens.Les evenements de l Histoire ont change ce scenario,mais l essentiel a ete atteint,la chute de la dictature.Je suis et je reste Royaliste dans le sens d une Monarchie Parlementaire,le regime semi presidentiel a la tunisienne actuel comporte trop de risques et de blocquages perpetuels,ce que ne peut supporter la petite Tunisie demunie de ressources.

fitoussi - 02-02-2015 14:45

tres bon article sur une peride où Juifs et Musulmans etaient tres proche Vers 1920 la Charia ne s'appliquait plus Les juifs etaient attirés par une Juridiction non religieuse car ils avaient chacun leur religion s'imposant dans les divorces et mariage Ils etaient tous vers un respect Il faut donner aussi au Bey qui precedait Moncef Ney ,Ahmad Pacha BEY une meme valeur car le Racisme antijuif avait commenc à son epoque et il s"etait opposé

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