Hommage à ... - 20.08.2014

Si Said, merci pour tout

C’est un homme du présent qui nous a quitté hier, un médecin, un auteur vigilant et lucide qui n’a cessé tout au long de sa vie d’accompagner les évènements, de les analyser, de leur accorder en temps utile leur juste poids, sans jamais céder aux faiblesses sentimentales de la nostalgie et des retours en arrière.

Je n’évoquerais pas la brillante carrière du chirurgien ce que tant d'autres feront mieux que moi. Ce que je souhaite exprimer à l’occasion de son départ, c’est l’admiration que l’on doit à un esprit aiguisé, à une volonté jamais abattue ni par les épreuves ni par l’âge, à une force d’âme qui peuvent non seulement édifier mais constituer un viatique d’espérance, de foi dans la nature humaine.

Si Said nous donnait le courage de vivre debout  par son seul exemple, il nous enseignait ce qu’il était, sans jamais prendre la pose intelligente du donneur de leçons. Pourtant son esprit aiguisé décelait les failles, les manques. Infiniment courtois, infiniment détaché, il enregistrait une entorse à la culture, un ton trop assuré, une réflexion oiseuse et par un éclair de malice dans le regard, un geste discret d’impatience, pouvait abréger un entretien car l’interlocuteur alors, captant des réserves informulées, s’embarrassait... On devine que si Said s’en amusait.

Mais ce sceptique avait des admirations, des fidélités, des amitiés qu’il entretenait avec soin et tout les lundi, dans son salon ou sur sa terrasse, selon la saison, un cercle choisi se réunissait pour débattre d’un sujet fixé d’avance, ou pour échanger sur l’actualité politique, filtrer les rumeurs. Le ton montait parfois, la contestation fleurissait…

Il faut aussi rendre hommage à l’incapacité de cet homme d’action à accéder à la retraite.

A peine avait-il atteint ce statut tant espéré par d’autres, qu’il s’installait devant un ordinateur pour entamer sa nouvelle carrière, celle d’un historien au style fluide, aux synthèses précieuses que des recherches approfondies enrichissaient et plus remarquable encore, comme le dit André Nouschi dans la préface du livre consacré à Moncef Mestiri, une contribution à l’histoire qui était « bien autre chose qu’un acte de piété familiale »

La réflexion vaut tout autant pour les deux ouvrages consacré aux « ministères chenik ». L’historien ne cède ni aux indulgences ni aux louanges concernant son beau-père, mais fournit une analyse « au scalpel » des évènements.

Ce second volet du talent de si Said apporte beaucoup à l’histoire de la Tunisie et également à l’histoire de la médecine , grâce au beau livre sur Abulcassis ou,  plus intimes et vraiment passionnants, « le médecin dans la cité » ou « le métier et la passion » qui révèlent, au fil de la lecture, malgré la réserve, la pudeur de l’auteur, un véritable écrivain.

Médecin, professeur, académicien, historien, peu d’hommes ont accompli avec tant de persévérance et de succès les tâches qu’ils s’étaient fixées et employé leur temps de vie à construire et parfaire un destin réussi.


Ecrit dans l’émotion ce texte est trop bref pour exprimer les multiples facettes d’une personnalité hors du commun. Une dernière image que je n'oublierai  pas : ses commentaires passionnées, son enthousiasme, lorsque  debout dans son salon, avec cette silhouette de jeune homme qu’il avait si bien conservée, il analysait  les premices de ce qui fut les prémices de ce qui fut  le premier printemps arabe... il n’y a pas si longtemps, il venait de terminer son dernier livre et quelques mois plus tard, l’ouvrage sortait en librairie avec cette dédicace : « Aux Martyrs de la révolution du 14 janvier»

Si Said, merci pour tout

Manuele PEYROL 
 

Tags : Sa  
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1 Commentaire
Les Commentaires
Mohamed Obey - 20-08-2014 21:11

Mme Manuelle Peyrol, mes salutations! De la grande multitude de faces, de statures, et de présences qui étaient devant nous, autour de nous, une infime minorité obtient résidence ininterrompue dans notre mémoire. Je sais ce que cela veut bien dire que quelqu'un se retire de notre script quotidien. Quand ce quelqu'un tire sa révérence, nous que l'ampleur du vide laissé et qu'il nous est nécessaire de remplir par la reconstruction de l'homme/la femme absent(e). Mes condoléances à ceux pour qui cette personne signifie.

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