Notes & Docs - 26.12.2008

Banques: les enjeux de 2009

Dans une étude sur le secteur bancaire en Tunisie, conduite en 2008, et actualisée ce jour,  MAC S.A estime, sous la plume de Salma Zammit, Analyste Financier, que : "L’économie tunisienne a affiché un taux de croissance moyen de plus de 5% courant les années passées et cette croissance devrait se maintenir et se renforcer dans les années à venir. Quasiment tous les secteurs sont en train de bénéficier de cette hausse et le secteur bancaire sera un des principaux bénéficiaires de cette croissance économique.

Faible exposition au marché international et à la crise financière

Certes, le secteur bancaire en Tunisie est relativement isolé et est très faiblement exposé aux capitaux étrangers et la majorité des dépôts et des crédits sont locaux. Ceci s'est avéré être une bénédiction pour les banques en Tunisie puisque ça leur a permis de rester complètement à l’abri de la crise financière mondiale. En effet, les contrôles réglementaires strictes sur le change à savoir des limites sur les emprunts auprès des institutions financières et des entreprises, l'interdiction d'investir dans les marchés de capitaux étrangers, les restrictions sur les marchés de change et les produits dérivés, a entraîné une exposition limitée des banques locales aux marchés financiers internationaux. Les banques off-shore, qui sont soumises à une réglementation et une supervision plus souple de la part de la Banque Centrale de Tunisie, représentent une faible part du total des actifs bancaires (7% à fin avril 2008).

Les actifs des banques en devise représentaient 8% du total des avoirs bancaires à fin avril 2008, et ont été largement dominés par des dépôts auprès de banques, avec une exposition limitée au marché de la dette internationale (0,3% du total des actifs bancaires à fin-avril 2008). Les spécialistes éloignent l’hypothèse d’une éventuelle retombée négative sur les banques locales tunisiennes provenant de leur exposition à des entités bancaires en difficulté ou en faillite aux Etats-Unis qui ne sont pas des correspondants traditionnels des banques tunisiennes.

Du coté du passif, la liquidité est soutenue par l'augmentation des dépôts des clients, qui représentent la majeure partie des sources de financements des banques tunisiennes. La part des clients étrangers ou offshore, plus volatile, ne représente pas plus que 12% du total des dépôts des clients. Pour ce qui est du financement à moyen et long terme, il n’y a pas de dépendance vis-à-vis du marché de la dette internationale. Le financement des banques tunisiennes par les banques étrangères reste limité (moins de 10%) et est exclusivement lié aux ressources en devises allouées par des institutions financières supranationales ou multilatérales.

La participation des étrangers dans le capital des banques tunisiennes s’est élevé à 37,36% pour les banques cotées à la date du 12/12/2008 contre 38,04% avant le déclenchement de la crise financière internationale. Ces participations sont principalement stratégiques et devraient le rester encore plus vu le potentiel offert par le marché bancaire tunisien et qui s’inscrit dans la stratégie même de ces actionnaires étrangers dans le développement de la banque de détail. (Société Générale- UIB, BNP-Paribas- UBCI Santander-Attijariwafa Bank- Attijari Bank, Arab Bank PLC- ATB, CIC-BT, etc.)

Mais, le secteur pourrait être affecté indirectement suite à la récession économique mondiale qui pourrait affecter modérément la Tunisie. En effet, le taux de croissance pour 2008 et 2009 a été révisé à la baisse par les autorités tunisiennes et certains secteurs de l’économie tels que le tourisme, le textile et les industries des composants électriques et électroniques seront parmi les plus touchés. Ces derniers sont les plus étroitement liés aux relations commerciales avec l’union européenne, qui selon les dernières estimations, connaîtra une décélération économique importante. En termes de crédits octroyés en 2007 par l’ensemble du système bancaire à ces branches là, c’est l’hôtellerie et la restauration qui accapare la part la plus importante soit 13,8% de l’ensemble des crédits aux professionnels. Plus loin, on trouve les industries de textile habillement (2,9%) et les industries des équipements électriques, électroniques et mécanique (1,3%).

Des potentialités de croissance assurées par le développement économique

Le pays dispose de grands projets d’investissements que ça soit de la part d’investisseurs privés étrangers avec des projets immobiliers colossaux ou de la part du gouvernement avec des projets d’infrastructure. Ces projets sont en cours pour certains et en état avancé d’étude pour d’autres. Les perspectives économiques à court terme sont encourageantes en dépit d’une conjoncture internationale difficile. En 2008, la croissance du PIB réel devrait se ralentir légèrement à 5,1% selon les projections. Les perspectives à moyen terme demeurent aussi favorables, la croissance soutenue par le dynamisme des IDE, étant projetée à plus de 6%. Durant les dernières années, les résultats des banques se sont améliorés de façon appréciable, notamment leur activité et leur rentabilité ainsi que leurs indicateurs prudentiels. Nous pensons que dans les années à venir, la consolidation du secteur bancaire et de la qualité des portefeuilles de crédits se poursuivra.

Ceci étant, le développement des crédits doit être fait avec prudence. Les gros projets d’investissement que connaîtra la Tunisie et qui seront financés par les IDE auront des retombées positives sur la croissance et l’emploi. C’est dans ce cadre que les banques deviennent exposées à un risque de crédit additionnel éventuels.

Par ailleurs, les améliorations dans plusieurs secteurs notamment l’immobilier, le tourisme, les énergies, les télécommunications et les services aux entreprises seront traduites en investissements supplémentaires dans le pays, puisque des projets dans ces domaines verront encore plus le jour et les besoins de financement s’accroîtront et de meilleures opportunités d’octroyer des emprunts seront offertes au secteur bancaire.

Ces développements attireront les étrangers pour investir dans le pays, ce qui résulterait en une amélioration des IDE. Les derniers chiffres publiés confortent bien notre opinion, puisque les IDE ont augmenté de 48% (hors privatisation de Tunisie Télécom) entre 2005 et 2006, puis ont progressé de 45% entre 2006 et 2007 pour s’élever à 2071 MDTN.

Mais plusieurs défis restent à relever

Comme mentionné auparavant, le taux de bancarisation en Tunisie reste assez faible, ce qui représente une opportunité de croissance considérable pour les banques. Dans ce cadre, quasiment toutes les banques tunisiennes disposent d’un programme d’ouverture de nouvelles agences à travers le pays afin d’améliorer leur performances. La différenciation de l’offre de services et de produits va aussi de pair avec cet accroissement ce qui élargira la base de clientèle et améliorera par conséquent la rentabilité des banques.

Ceci étant, le secteur bancaire tunisien reste assez fragmenté et le rapprochement entre les banques tunisiennes reste une solution à plusieurs autres maux : En premier c’est de faire face à la concurrence des banques étrangères qui pourraient pénétrer le marché national avec la libéralisation des services et deuxièmement avoir des tailles considérables pour pouvoir s’exporter et s’implanter hors des frontières.

Pour le premier défi qu’est l’arrivée de la concurrence étrangère, les spécialistes pensent que l’Etat favorisera et maintiendra la segmentation égalitaire actuelle du marché entre les banques privées, les banques étatiques et les banques à participations étrangères. Ceci étant, nous pensons que les marchés émergents et arabes en particulier restent convoités par la plupart des grandes banques qui voient sur ces marchés en devenir, une opportunité de croissance. Ces changements, à l’instar l’ensemble de l’industrie bancaire mondiale, sont nécessaires. Ils incluent par exemple la désintermédiation bancaire, la spécialisation, la mondialisation des services financiers etc… En préparation à l’adoption des normes internationales de Bale II, plusieurs banques sont en train de refaire et de moderniser leurs systèmes d’information, une tâche nécessaire afin de pouvoir disposer d’un dispositif de contrôle interne performant et par conséquence une gestion des risques appropriée. En outre, les évolutions technologiques ont été rapides, nombreuses et coûteuses ces dernières années: banque en ligne, gestion du risque (crédit, marchés, opérationnels), contrôle de gestion et approche de la rentabilité client, réglementaire, etc…

Ces évolutions prévisibles entraînent nécessairement des investissements significatifs financiers, technologiques, organisationnels et humains, et l’impact de ces changements diminue la rentabilité des banques. Pour les financer, il faut envisager des fusions entre banques nationales ou des alliances ou des partenariats avec des banques étrangères pour:

  • Réaliser des économies d’échelles.
  • Accroître la productivité.
  • Élargir les offres de produits et services bancaires.
  • Attirer et motiver du personnel qualifié.

Ce qui permettra de dégager une meilleure rentabilité, source de création de valeur.

Pour le second défi, à savoir le développement hors des frontières, il s’avère nécessaire avec l’ouverture du compte de capital qui poussera plusieurs de nos entreprises tunisiennes à se développer ailleurs. Etant un maillon incontournable dans le financement de l’économie, les banques tunisiennes devraient accompagner les entreprises nationales dans leur développement extérieur afin d’accroître leur rentabilité en retour.

Pour conclure, nous pouvons dire que le système bancaire tunisien est dominé par les banques de dépôts, sa mise à niveau a été imposée par la BCT et non par le marché. Aussi, les banques tunisiennes feront face à plusieurs impératifs courant les prochaines années à savoir la diversification des produits, la modernisation des systèmes d'information, la gestion des compétences et la réduction des coûts, en plus, des mouvements de concentration et de rapprochement entre banques pour atteindre des seuils de compétitivité."

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Samir Souibes - 20-03-2009 08:34

Malheureusement, je suis loin de partager votre optimisme Même si la Tunisie possède de bon fondamentaux économiques, comment l’extraire de ce qui se joue actuellement à l’échelle planétaire, et qui ressemble fort à une CRISE SYSTEMIQUE GLOBALE ? Une crise systémique globale se développe selon un processus complexe qu’on peut découper en quatre phases pouvant se chevaucher : - «déclenchement » soudain tout une série de facteurs, jusqu’alors disjoints, converger et se mettre à interagir, et qui reste essentiellement perceptible pour les observateurs attentifs et les acteurs principaux ; - «accélération » qui est caractérisée par la prise de conscience brutale par la grande majorité des acteurs et observateurs que la crise est bien là car elle commence à affecter un nombre rapidement croissant de composantes du système ; - «impact » qui est constituée par la transformation radicale du système lui-même (implosion et/ou explosion) sous l’effet des facteurs cumulés, et qui affecte simultanément l’intégralité du système ; - « décantation » qui voit se dégager les caractéristiques du nouveau système issu de la crise.,. La séquence qui commence en ce début d'année 2009, c'est bien celle de l'insolvabilité GLOBALE. Le monde est en train de prendre conscience qu'il est beaucoup plus pauvre que la dernière décennie le lui avait laissé croire. Et 2009 est l'année qui va obliger tous les acteurs économiques à tenter d'évaluer concrètement l'état de leur solvabilité, sachant que nombre d'actifs continuent encore à perdre de la valeur. La difficulté est qu'un nombre croissant d'opérateurs ne font plus confiance aux indicateurs et instruments de mesure traditionnels. Les agences de notation ont perdu toute crédibilité. Le Dollar US n'est plus qu'une fiction d'unité de mesure monétaire mondiale dont nombre d'Etats tentent de se dégager au plus vite. Donc toute la sphère financière est à juste titre suspectée de n'être plus qu'un immense trou noir. Pour les entreprises, plus personne ne sait si les carnets de commande sont fiables puisque, tous secteurs confondus, les clients annulent massivement les commandes ou n'achètent plus, même quand les prix sont cassés, comme le confirme la forte baisse des ventes de détail de ces dernières semaines . Et pour les Etats (et autres collectivités publiques), c'est dorénavant l'effondrement des recettes fiscales qui fait craindre une envolée des déficits pouvant entraîner là aussi des faillites. D'ailleurs, des milliardaires russes aux pétromonarchies du Golfe arabique en passant par l'Eldorado commercial chinois , ce sont toutes les « poules aux œufs d'or » des entreprises et des établissements financiers de la planète (et notamment européennes, japonaises et nord-américaines ) qui s'avèrent désormais insolvables ou tout juste solvables. La question de la solvabilité de l'état fédéral et des états fédérés américains (comme de celle de la Russie ou du Royaume-Uni) commence d'ailleurs également à être posée dans les grands médias internationaux ; tout comme d'ailleurs celle des grands fonds de pension par capitalisation, grands acteurs de l'économie globalisée de ces vingt dernières années. Barack Obama comme Nicolas Sarkozy ou Gordon Brown passent leur temps à invoquer la dimension historique de la crise pour mieux cacher leur incompréhension de sa nature et tenter de se dédouaner à l'avance de l'échec de leurs politiques. Quant aux autres, ils préfèrent se persuader que tout cela se règlera comme un problème technique un peu plus grave que d'habitude. Et tout ce petit monde continue à jouer selon les règles qu'ils connaissent depuis des décennies, sans se rendre compte que le jeu est en train de disparaître sous leurs yeux. source : LEAP/E2020

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