News - 14.08.2015

Kélibia et le cinéma amateur, une histoire d’amour qui dure depuis plus de cinquante ans

Kélibia et le cinéma amateur, une histoire d’amour  qui dure depuis plus de cinquante ans

Quand on août 1964, s’est tenue à Kélibia la première session du festival du cinéma amateur, personne n’aurait  parier un kopeck sur l'avenir d'une manifestation qui en est aujourd'hui à sa 51ème année. Le ministère des affaires culturelles venait tout juste d’être créé sous la direction d’un jeune sorbonnard agrégé d’arabe qui par hasard portait le nom de la ville, Chédli Klibi. Celui-ci voulait inaugurer son mandat par la démocratisation des différents arts. Trouvant en Amor Chéchia, gouverneur de Nabeul un maître d’œuvre dynamique, il décida d’allouer à chacun des villes et villages du Cap Bon un art à célébrer par un festival estival. Kélibia, un gros bourg d’une dizaine de milliers d’habitants tournés vers l’agriculture et la pêche a été choisi pour abriter le festival du cinéma amateur. Evidemment la ville n’avait ni tradition ni connaissance du cinéma, et encore moins une salle de cinéma.

 

 Pour la petite histoire, signalons tout de même que Bourguiba était réticent à la création d’un ministère de la culture qui évoquait pour lui le système soviétique qu'il abhorrait et «le réalisme socialiste», un doux euphémisme pour désigner l'embrigadement des intellectuels. C’est lorsque le Général de Gaulle décida de créer un ministère de la culture en France qu’il a confié à André Malraux que le premier président de la république tunisienne franchit le pas. Mais ce sera  un ministère des affaires culturelles. Nuance. Pour ce faire, il a confié à plusieurs personnalités de mettre noir sur blanc leurs idées sur le sujet. C’est ainsi que la copie de M. Klibi à l’époque directeur de la Radiodiffusion tunisienne lui parut la meilleure. En tout cas, celle qui traduisait de la meilleure façon sa conception à lui de la place des affaires de la culture dans un pays naissant.


Le succès du festival du cinéma amateur de Kélibia fut immédiat. Dés la première session, ouverte par Chédli Klibi en personne, toute la population de la ville était subjuguée. C’était la foule des grands jours pendant toute la durée de la manifestation. Tous les soirs,  des projections en plein air sont programmées dans les grandes places du village de films célèbres du répertoire mondial, ou des films à l’eau de rose du répertoire égyptien. Hommes, femmes, vieillards et enfants étaient agglutinés devant le grand drap qui servait d’écran pour voir ces histoires de gens qui se meuvent et parlent.


Depuis, le festival est devenu une fête annuelle que tout le monde attendait avec impatience. Certes, il y avait dès le départ une compétition entre des films amateurs présents  et une distribution de prix à la clôture, mais cela importait peu tant l’engouement populaire était grand et la fête plutôt dans la rue. C’est d’ailleurs grâce à  ce festival que Kélibia s’est dotée d’une bonne infrastructure culturelle avec une maison de la culture imposante et un grand théâtre de plein air.


Petit à petit,  le festival a pris des ailes. De strictement national,  il s’est mué en festival international. C’est le « berceau» de la majorité des cinéastes et techniciens tunisiens de cet art. Il a été un lieu de découverte de grands talents tunisiens et étrangers. Les réalisateurs tunisiens Férid Boughedir  et Ridha El Bahi ont fait leurs premiers pas à Kélibia. A l’échelle internationale il y a eu Nanni Moretti (Italie) – Diego Risquez (Venezuela) – Sheila Graber (Grande Bretagne) - Ahmed Ben Kamla (Algérie). Des invités de marque sont venus à Kélibia pour son Festival, parmi lesquels l’égyptien Youssef Chahine,  le palestinien Michel Khelifi ou le burkinabé Gaston Kabore ainsi que l’historien français Marc Ferro spécialiste de l’histoire du cinéma, le réalisateur et critique du cinéma français, Alain Bergala, le journaliste et homme de cinéma belge, Robert Malengreau, le réalisateur et écrivain bolivien Alfonso Gumicio Dagran  et le réalisateur agentin Pablo Cesar.


Le festival est, affirment ses organisateurs,  un lieu incontournable de découverte de talents et de créativité artistique ainsi que  la plus importante rencontre de jeunes cinéastes, cinéphiles et étudiants des écoles de cinéma en Tunisie. Il réunit chaque session plus de 2000 personnes entre participants au festival, membres de la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs, organisatrice de la manifestation,  étudiants des écoles de cinéma, professionnels et invités du domaine, en plus du public des estivants de la ville.


Mais comme il s’agit d’un art contestataire, les pouvoirs publics se sont au fil des ans moins intéressés à ce festival dont la périodicité est devenue biennale. Il se tenait mais c’était en vase clos ne réunissant que quelques centaines d’adeptes férus de cet art. La ville et ses habitants  n’étaient pas informés de l’événement si ce n’est à travers la visite annuelle que rendait à Kélibia le ministre de la culture pour ouvrir ou clore le festival. Il a fallu la révolution pour que le festival devenu le FIFAK (festival international du film amateur de Kélibia) reprenne sa place parmi les événements culturels  majeurs du pays. Après avoir célébré son cinquantenaire l’année dernière, le festival a entamé la seconde partie du siècle par sa 30ème session qui se tient du 9 au 15 août 2015. Il revient ainsi à son rythme annuel et s’insère mieux dans l’activité de la ville prise d’assaut par des dizaines de milliers d’estivants venus de tous les coins de Tunisie mais aussi des deux pays voisins l’Algérie et la Libye. Plusieurs centaines de cinéphiles ont fait concorder leurs vacances avec les dates du festival pour pouvoir en profiter.


Le Festival comprend une  compétition Internationale dont le jury présidé par le réalisateur palestinien Rachid Mesharawi comprend la metteure en scène et actrice tunisienne Zahira Ben Ammar.  Quant à la compétition nationale, elle est ouverte aux films tunisiens amateurs, films indépendants et films d’écoles. Le jury national est présidé par Hachmi Joulak ingénieur tunisien du son.
Malgré les efforts d’un comité d’organisation dynamique, le nombreux public de ses débuts fait encore défaut.Il est peut être temps qu’une association des amis du FIFAK soit créée pour concevoir un programme de festivités accompagnant le festival de sorte qu’il redevienne un fête totale et globale pour Kélibia et les Kélibiens.

 

Raouf Ben Rejeb
 

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