Opinions - 15.06.2015

Exposition à Zurich : l’armée israelienne mise à nu

Exposition a Zurich : l’armee israelienne mise a nu
  Ecrit par
Mohamed Larbi Bouguerra
Tunisie -

 Correspondance spéciale de Zurich pour LEADERS - Lovée dans une boucle de la Limmat à Zurich, la Maison de la Culture KulturhausHelferei de l’Eglise Réformée a accueilli,  dans sa chapelle, du  4 au 14 juin 2015,une exposition de l’association d’anciens soldats de l’armée israélienne Shovreishtika (Briseurs de silence).

Sous le haut plafond de la chapelle aux lignes épurées, le visiteur peut voir quelques dizaines de photographies prises par des soldats de l’armée israélienne et accompagnées d’un commentaire, deux postes de télévision (l’un pour les sous-titres en allemand, le second pour ceux en anglais) pour montrer au public une terrible vidéo faite à des fins de propagande (hasbara en hébreu) par l’armée israélienne en 2014 au checkpoint de Hawara près de Naplouse,jamais diffusée, mais qui a fuité;  sur une table, trois publications(*). Deux jeunes ex-soldats font office de guides dans un  anglais compréhensible mais scolaire.
Ce modeste dispositif a suffi à provoquer l’ire du gouvernement israélien.

Comme le ministère des Affaires Etrangères fait encore l’objet de marchandages de maquignons entre diverses factions sionistes et n’a pas encore de titulaire, c’est la vice-ministre des Affaires Etrangères TzipiHotovely(**)qui est montée au créneau pour demander à ses services et aux autorités suisses «d’étudier immédiatement les moyens de s’opposer à l’ouverture de l’exposition «Briser le silence» » en déclarant: «Nous ne pouvons accepter les agissements d’une organisation dont le but est de salir les soldats de l’armée israélienne sur la scène internationale et de porter gravement atteinte à l’image d’Israël».  Cette association est une des bêtes noires du gouvernement et de l’armée. Elle dénonce en effet «la cruauté» du contrôle de la population civile palestinienne par l’armée- «cruauté» cachée «aux yeux de la société et qui conduit à une érosion graduelle de l’éthique de la population dans son ensemble». (Lire «Breaking the Silence, Témoignages de femmes-soldats» (en anglais : «WomenSoldiers’Testimonies»), Jérusalem, 2009, p. 3). « Briser le silence » s’est encore attirée les foudres gouvernementales en mai 2015 en publiant un document accusant l’armée d’avoir causé un nombre sans précédent de victimes civiles en recourant à un emploi excessif de la force pendant la guerre de Gaza en 2014.

Suite à la déclaration de Hotovely, l’ambassadeur d’Israël à Berne, Yigal Caspi, s’est mis en branle pour faire connaître aux Suisses «l’indignation» de son gouvernement à la perspective de cette exposition. «Cette indignation» a d’autant fulminé que la Suisse a octroyé 15 000 francs (31287 DT) et la municipalité de Zurich 10 000 francs (20858 DT) à «Briser le silence» à l’occasion de cette manifestation. Mais tous les efforts de la diplomatie israélienne ont piteusement fini au fond  du  lac de Zurich et l’exposition a été  normalement ouverte au public jeudi 4 juin,  sans la moindre anicroche. Les organisateurs ont proposé à l’ambassade d’Israël de participer aux débats mais elle a courageusement refusé.

En bref, l’exposition se veut le reflet de la terrible réalité quotidienne des Palestiniens de  Cisjordanie sous occupation israélienne.

Les membres de «Briser le silence» ont expliqué aux médias helvètes, par la voix de ShayDavidovich, qui a servi trois ans dans l’armée israélienne, qu’ils visent d’abord à combler le fossé qui existe entre ce que les Israéliens et la communauté internationale savent de ce qui se passe et ce qui se passe vraiment [dans les territoires occupés]. De son côté, YuliNovak, ancienne officier de l’armée de l’air israélienne, actuellement directrice exécutive de «Briser le  Silence», a affirmé que l’ONG veut donner la parole aux soldats pour ouvrir le dialogue sur «quelque chose de déplaisant dont personne ne veut parler. En tant qu’Israéliens et en tant que patriotes, nous devons le faire».A noter que Novak a fait paraître début mai les témoignages de dizaines de soldats de Tsahal ayant participé à l'opération «Bordure protectrice», à Gaza, durant l'été 2014. «Nous sommes devenus insensibles à la souffrance de l’autre et indifférents aux pertes de vies humaines du côté palestinien. Cette insensibilité permet à Tsahal de mettre au point des méthodes de combat qui entraînent la mort de centaines de civils innocents, parmi lesquels des enfants et des nourrissons. Avant la prochaine escalade de violence, nous avons le devoir de prendre position contre les politiques inhumaines qui sont menées en notre nom» déclarait-elle à Médiapart (19 mai 2015).

Répression de la population palestinienne : des témoignages accablants:

La visite de cette exposition vendredi 12 juin permet de noter le grand nombre de groupes de jeunes intéressés et parfois émus jusqu’aux larmes. La vidéo au checkpoint de Hawarane montre les humiliations et les brutalités gratuites vis-à-vis des Palestiniens. On entend les cris des enfants qui pleurent dans d’interminables files d’attente. Cette vidéo montre des soldats refusant le passage à Naplouse toute proche à des malades «sans permis» - «car la maladie ne prévient pas et qu’il n’y a pas d’hôpital à Hawara» répond un Palestinien âgé- ou giflant copieusement de jeunes Palestiniens, les rudoyant sans raison, «parce qu’ils me tapent sur les nerfs» et «pour leur prouver qui commande ici et leur apprendre à se mettre en rang car il doit exister une distance de sécurité et un espace stérile entre eux et le poste».Un militaire, très jeune, explique sa brutalité en avouant qu’il suspecte tous les Palestiniens et que ces derniers :«doivent nous craindre» car s’ils ne nous craignaient pas « ils attaqueraient ». Un sergent relève que le système accorde «un incroyable pouvoir» à de très jeunes recrues.Interrogé sur les raisons pour lesquelles il vient de menotter un jeune Palestinien, un soldat répond : «C’est peut-être un terroriste » ajoutant que «quelque chose dans sa figure ne me plaît pas». Le checkpoint est doté d’une sorte de guérite qui, aux dires d’un soldat,«sert à faire ce que l’on veut à un Palestinien à l’abri de tout regard».On apprend encore que les soldats organisent des concours aux checkpoints pour savoir qui a fait le plus de contrôle de cartes d’identité. Sur les murs de la chapelle, une photographie des soldats d’une section au repos, le sourire forcé, certains avec de lourdes mitrailleuses de couleur bleu. On lit cette légende : «Servir dans les Territoires n’est pas une sinécure. Vous «planez» «high» mais c’est un high négatif.  Vous êtes tout le temps fatigué. Vous avez toujours faim. Vous n’arrêtez pas d’aller aux toilettes. Vous avez toujours peur de mourir. Vous avez toujours envie d’attraper ce terroriste. C’est une vie sans repos. Même quand vous vous mettez au lit, vous ne dormez pas bien».Le guide affirme : « Je suis un soldat. J’arrive dans les Territoires. Point de soldats ennemis. Rien que des civils qui vaquent à leurs affaires ; ils travaillent, ils vont à l’école…C’est très perturbant. Qu’est-ce que je fais ici ? S’ensuit l’ennui et tout paraît comme un jeu vidéo, irréel ».Parmi les quelques dizaines de photographies prises par les soldats, nous en avons sélectionné quatre pour être brefs:

  1. A Gaza, lors de l’Intifada, des soldats se font photographier à côté du cadavre d’un combattant palestinien dont on voit le sous-vêtement «pour avoir des souvenirs personnelsd’une victoire personnelle».
  2. A un poste militaire protégeant une colonie, un soldat pose avec un juif orthodoxe nommé Baruch jouant de la guitare « pour éviter que les militaires ne dorment la nuit ». Sur l’instrument de musique, deux collants sur lesquels on lit : «C’est eux ou nous» «Transférez l’ennemi arabe».
  3. Photographie d’un soldat hilare devant un téléviseur. La légende de ce document écrite par le soldat dit : « Au cours du championnat mondial de foot, nous passions au peigne fin  un village et nous devions rentrer dans les maisons. Notre commandant était cool et c’était un fan de l’Argentine (comme moi). Il nous a dit : «cette maison ou cette autre sont identiques mais celle-ci a une télé, frères». Nous sommes donc entrés dans cette dernière sans autre raison que parce qu’elle avait un poste de télé. C’est pourquoi nous avons mis la famille dehors rien que pour voir le match Argentine-Nigéria ».
  4. Plusieurs photographies montrent des Palestiniens menottés, bandeau sur les yeux et agenouillés en plein soleil, dans une rue, une place… L’ex-soldat qui fait office de guide explique : «Lors de l’Intifada, Hébron a été soumise pendant de très longues périodes, parfois six mois, à un couvre-feu rigoureux. Les habitants avaient une heure ou deux pour faire leurs courses, acheter de la nourriture ou prendre des nouvelles de leurs parents et voisins. Certains sortaient en dehors de cette période, bravant le couvre-feu. Quand on les attrapait, on les «désintoxiquait» ainsi pour qu’ils ne recommencent pas. Ils pouvaient rester dans cette position un quart d’heure, deux voire quatre ou cinq heures suivant l’humeur du soldat».

Toute cette exposition  ne prouve qu’une chose : la férocité de l’occupation et de la répression de la population palestinienne. Elle corrobore ce qu’écrivait l’écrivain israélien AssafInbari dans le quotidien Haaretz le 3 février 2012: «Construit sans fondement, l’Etat israélien s’abîme dans une politique d’opportunisme brutal, hypocrite et sans retenue, de plus en plus raciste».
On ne peut éviter de penser que l’ONG « Briser le silence » formée par d’anciens militaires est le signe avant-coureur des débâcles et des divisions qui attendent l’armée israélienne, débâcles et divisions qu’a subiesl’armée française lors de la guerre de libération algérienne. Divisions qui minent déjà gravement la société israélienne  et qu’a déplorées  publiquement  le président d’Israël ReuvenRivlin lors de la

Conférence Herzliya la semaine dernière. (Haaretz, 9 juin 2015).
Telle la lèpre, l’occupation des territoires d’autrui finira toujours par pourrir l’occupant rongeant d’abord un petit doigt pour infecter ensuite le corps entier.

Mohamed Larbi Bouguerra

*En français, était en vente « Le livre noir de l’occupation israélienne. Les soldats racontent », Editions Autrement, 2013, Paris. En anglais, deux ouvrages : 1- « Breaking the silence. Children and youth.Soldiers’testimonies 2005-2011 » sans date2- “Breaking the silence.Women soldiers’testimonies”publié à Jérusalem, 2009.
**Après l’inénarrable et odieux raciste AvigdorLibermancomme ministre des Affaires Etrangères, voici maintenant une vice-ministre qui avance que la Torah est argument à utiliser par les diplomates israéliens, car comme 65% de la population israélienne,  Son Excellence pense que la Torah et ses préceptes ont  été reçus  de Dieu (Lire Books, janvier 2013, p. 23)

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