News - 29.11.2014

Mehdi Jomaa à Dakar : Mais, qu'avons-nous gagné de la Francophonie ?

Mehdi Jomaa ne doit pas être fort à l’aise en conduisant depuis ce samedi la délégation tunisienne au XIVème Sommet de la Francophonie qui se tient jusqu’à dimanche à Dakar. Pour une fois, il sait qu’il ne rapportera pas grand-chose de ce déplacement à l’étranger. Juste des contacts utiles, notamment son entretien avec le président français François Hollande. La Tunisie vit mal sa francophonie, la Tunisie n’a pas bien préparé ce sommet, la Tunisie n’a pas su en tirer bénéfice : tel est le constat amère que font les Tunisiens. La responsabilité n’en incombe pas au gouvernement actuel qui s’est efforcé de renouer les liens rompus de par le monde, mais à une approche essoufflée depuis déjà près de cinq ans. Alors que l’Afrique dont une bonne partie est francophone, offre le potentiel de croissance économique et d’opportunités d’affaires le plus attractif, nous perdons pays dans les mécanismes de la francophonie, après avoir vu la BAD quitter Tunis sans profiter de sa délocalisation pendant 11 ans sur nos rivages. 

Vivre mal la francophonie

C’est ne pas l’assumer en héritage d’enrichissement et d’ouverture, ne pas en faire l’un des leviers du savoir et de la culture. La pratique de la langue française, actuellement parlée par plus de 220 millions de personnes sur les cinq continents et qui seront 700 000 millions en 2050, notamment en Afrique, régresse en Tunisie. La presse tunisienne de langue française voit son lectorat se réduire en peau de chagrin, le livre aussi, la presse française et les livres francophones aussi, sans parler d’autres indicateurs. La francophonie risque de se cantonner dans un communautarisme rétréci, presque mal vu, sinon décrié... Alors que la croissance sera 

Un sommet mal préparé en Tunisie

Aucun débat préalable, aucun objectif précis fixé. Tout se passe quasi inaperçu, dans la plus grande indifférence. Pourtant, la Tunisie était avec le Sénégal et le Niger, à l’origine de la création en 1970 de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), l’ancêtre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et y a joué pendant des décennies un rôle de premier plan. Bourguiba, Senghor et Diori en sont les pères fondateurs. Puis, y a perdu pied. Pour ne prendre que l’exemple de la France, en termes de débat et de préparation technique, Hollande avait confirmé Jacques Attali, le 17 avril dernier, dans une mission d’étude et de réflexion à la tête d’un groupe de travail « pour proposer des actions concrètes au service d'une stratégie francophone économique ». Il s’agit, plus précisément, de « mesurer le poids économique de la Francophonie dans l'économie mondiale, à identifier les secteurs porteurs où la Francophonie est créatrice de valeur et à préciser les leviers sur lesquels agir ».
 
Dans son rapport remis en août dernier à Hollande, Attali a présenté 53 propositions regroupées autour de 7 axes. Il s’agit d’augmenter l'offre d'enseignement du et en français, en France et partout dans le monde; renforcer et étendre l'aire culturelle francophone; cibler 7 secteurs clés liés à la francophonie, pour maximiser la croissance de la France et des autres pays francophones (tourisme, technologies numériques, santé, recherche et développement, secteur financier, infrastructures, secteur minier); jouer sur la capacité d'attraction de l'identité française pour mieux exporter les produits français et conquérir de nouveaux francophiles ; favoriser la mobilité et structurer les réseaux des influenceurs francophones et francophiles ; créer une union juridique et normative francophone à travers la mise en place d'un guichet douanier pour les francophones dans les aéroports des pays francophones volontaires ; se donner comme projet de créer à terme une Union économique francophone aussi intégrée que l'Union européenne. Voici pour la France, qu’en est-il du côté tunisien : le désert en termes de préparation stratégique.

Pas de bénéfice direct escompté 

Aucun secrétaire général tunisien n’a pu, jusque-là, diriger cette organisation. Aucun candidat n’a pu cette année présenté pour succéder au sortant, l’ancien président du Sénégal Abdou Diouf. Aucun grand autre poste élevé n’est attribué à la Tunisie. Comme si on manque de candidat de valeur, comme si aucun Tunisien ne peut y postuler. Nous avons raté tant de hauts postes dans les organisations régionales et internationales et nous risquons de continuer à en perdre.
 
Rien ne sert aujourd’hui de complaindre. Il appartient aux nouveaux dirigeants de la Tunisie, à notre diplomatie au premier rang, de réviser toute l’approche d’implication dans les organisations régionales et internationales. Plus d’intensité et d’efficience, sur la base d’une véritable stratégie. De retour du Sommet de la Francophonie à Dakar, Mehdi Jomaa doit laisser à ses successeurs une feuille de route précise et nous prendre tous à témoin de sa mise en œuvre.
 
Taoufik Habaieb
Tags : Francophonie  
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3 Commentaires
Les Commentaires
hamza - 29-11-2014 20:20

Je ne comprends pas cet acharnement à ne pas voir la vérité en face. Le monde parle anglais. L'anglais est la langue des affaires, la langue de la science (90% des articles scientifiques sont en anglais)et la langue des tourristes mais il faudrait que la Tunisie perde son temps à apprendre le français alors que l'on parle si mal anglais. Mais qui sont ces 200 millions de personnes qui parle français ?? Des ivoiriens, des sénégalais ou des gabonais ? Ce sont ces pays l'avenir de la Tunisie ? Ce ne sont pas plutôt l'Inde, la Chine, l’Indonésie, la Corée de Sud ? Toutes ces personnes apprennent l'anglais pas le français !! Même en France, la plupart de bons M2 sont en anglais, pour entrer dans leurs grandes écoles, il faut bien maitriser l'anglais. Çà suffit !! Tous ces discours néocolonialistes me font gerber. La Corée du Sud a connu un développement économique et scientifique incroyable sans abandonner sa langue et en enseignant comme première langue étrangère la langue internationale. Je vous laisse deviner de quelle langue il s'agit.

Kamel Mellouli - 30-11-2014 21:40

Bravo Mr Habaieb. Excellent article et tout autant pour la pertinence de l'analyse. Tout ce sur quoi Ben Ali n'a pas su capitaliser cette troika a achevé de le faire tomber dans un abîme de médiocrité. Malheureusement. Et quand bien même l'anglais serait la langue la plus répondue, et la plus utilisée, pourquoi donc se priverait on d'une richesse comme la maitrise d'une seconde langue qui en plus du patrimoine que nous laisse celle-ci dans notre histoire commune, elle nous permettrait en plus de communiquer et d'échanger avec nombre de pays africains (notre continent) et tous les pays ayant le français en partage. On se refuserait ce plus? et pourquoi,?? parce que nous sommes des arabes, donc notre complexe est stigmatisé à ce point?? et bien ce n'est pas le cas de tous ceux qui ont été colonisé par des anglais (toute l'Inde) sans parler des autres arabes des pays du golfe, en passant par l'égypte, le liban et même la libye. Ils parlent anglais avec fierté sans se sentir compleés ni traités de colonisés, en utilisant la langue anglaise à la place de leur langue arabe. Nous tunisiens on ne sait même pas profiter de ce qui est plutôt une richesse,

dr.zaiane - 01-12-2014 01:46

Ce n'est pas étonnant puisque l'ensignement du francais en Tunisie a beaucoup regressé.La faute enincombe à une mauvaise politique de l'enseignement.Sous Bourguiba,un homme intelligent et visionnaire moderne,nous avions eu la chance de jouir d'un enseignement bilingue,ce qui nous a donné un grand avantage pour poursuivre des études à l'étranger et en profiter à tout point de vue:professionnel,économique,culturel,etc...Ironie du sort,certains responsables politiques aujourd'hui,en Tunisie tels que M.Marzouki et ses semblables ont pu profiter de leur" séjour" en France en tant que réfugiés politiques p.c.q.justement ils manient ou possèdent? le francais,mais ils réagissent maintenant avec ingratitude en voulant supprimer ou encore réduire l'enseignement du francais.

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