News - 10.09.2025

Habib Touhami - IDR : mieux répartir l’investissement public

Habib Touhami - IDR : mieux répartir l’investissement public

La publication par l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq) de son rapport sur l’évolution de l’indice du développement régional entre 2021 et 2024 (IDR 2024) vient affiner opportunément le profil du bilan socioéconomique de l’après-révolution. Ce rapport est d’autant plus pertinent et actuel que les disparités régionales persistent et que l’exigence d’un développement régional plus équilibré figurait en tête des demandes expresses des manifestants lors des événements bien connus de 2010-2011.

Lors de la période 2012-2024, l’IDR a connu deux phases distinctes. L’une englobe les années 2012-2015 au cours desquelles il a connu une relative embellie, passant de 0,451 (moyenne nationale) à 0,502 ; l’autre englobe les années 2015-2024 au cours desquelles l’IDR n’a cessé de baisser, passant de 0,502 à 0,484 en 2018, ensuite à 0,462 en 2021 pour atteindre 0,461 en 2024. Selon l’Itceq, les raisons de cette baisse résident dans les mauvaises performances enregistrées dans cinq facteurs constitutifs de l’indice: la dimension sociale, l’accès aux services de santé, la capacité d’absorption et l’étendue du marché de l’emploi, la tension du marché du travail et l’accès aux services de loisir.

Evolution de l’IDR 2012-2024
Source : Itceq

La dimension sociale dont il est question ici regroupe les indicateurs tels que le nombre de familles nécessiteuses pour 1 000 habitants; le taux de pauvreté qui est passé de 15,2% en 2015 à 16,6% en 2021; le taux d’analphabétisme et le taux de dépendance démographique (nombre de personnes âgées de moins de 15 ans et de plus de 60 ans rapporté à la population totale en %) qui est passé de 18% en 2014 à 28% en 2024. Il s’agit d’indicateurs durement touchés par la conjoncture socioéconomique : inflation, détérioration du pouvoir d’achat, chômage, etc.

Sur le fond, le rapport de l’IDR 2024 n’apporte pas d’éléments nouveaux sur les déséquilibres ancestraux humains et socioéconomiques du territoire. Les régions côtières restent en 2024 les plus favorisées (les gouvernorats du district de Tunis, Sousse, Monastir) avec un IDR se situant entre 0,488 et 0,565 pendant que le Nord-Ouest et le Centre-Ouest (gouvernorats de Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid, Siliana, Béja, Jendouba) continuent à être les régions les moins développées avec un IDR se situant entre 0,365 et 0,439. Entre les deux, il y a un premier groupe composé des gouvernorats de Nabeul, Sfax, Bizerte Tozeur, Kébili et Médenine dont l’IDR se situe entre 0,461 et 0,488 et un second moins développé que le précédent composé des gouvernorats de Tataouine, Gabès, Gafsa, Mahdia, Zaghouan et Le Kef dont l’IDR se situe entre 0,439 et 0,461.

Evolution IDR 2021-2024 par gouvernorat


A part un inattendu chassé-croisé entre les gouvernorats de Kébili et Gabès, l’un passant de l’orange au vert clair et l’autre du vert clair à l’orange et le déclassement du gouvernorat de Nabeul, passant entre 2021 et 2024 du vert foncé au vert clair, on ne peut pas dire que les tendances passées ont été sérieusement bouleversées. Reste le cas des gouvernorats du Kef et de Mahdia. Dans le Nord-Ouest, l’îlot que constitue Le Kef par rapport aux gouvernorats limitrophes laisse à penser que le vieillissement prématuré de sa population et le volume et la structure de ses migrations intérieures et extérieures ne pèsent pas encore suffisamment au point de déclasser le gouvernorat au niveau de l’IDR. Quant à Mahdia, on sait depuis longtemps que ses délégations de l’intérieur se rapprochent davantage de certaines délégations de Kairouan que de ses propres délégations du littoral comme Mahdia ou Rejich. Il s’agit en l’occurrence des délégations d’Ouled Chamekh, Chorbane et Souassi.

Mais le plus important est ailleurs.

1- Le territoire national a été subdivisé en cinq nouveaux districts respectant la continuité géographique. Au vu de la situation décrite par le rapport IDR 2024  et de l’évolution récente et ancienne de cet indice, la question est de savoir si cette nouvelle subdivision a un sens autre qu’administratif et électoral. Autrement dit, la question est de savoir si par exemple le rattachement de Kairouan et de Siliana au district N°3 comprenant les gouvernorats de Sousse, Monastir, Mahdia, Kasserine et Siliana allait bénéficier effectivement du niveau de développement atteint par Sousse et Monastir ?

2 - Certes, on n’attend pas de cette subdivision qu’elle renverse la donne en un temps aussi court et de surcroît dans une conjoncture socioéconomique aussi peu favorable, mais il est à craindre que les mesures administratives ne suffisent pas à créer de réels espaces de développement régional. Les mécanismes de l’entraînement réciproque en la matière  n’obéissent forcément pas à la seule volonté politique, surtout quand la vue d’ensemble est trop «centralisée». En fait, notre vision du développement régional reste fondamentalement administrative, centralisée et attentiste.

3 - Les cinq premiers gouvernorats au niveau de l’IDR sont restés les mêmes entre 2021 et 2024: Tunis, Ben Arous, Monastir, Sousse et l’Ariana. Grosso modo, les cinq derniers aussi. Il s’agit des gouvernorats de Béja, Jendouba, Sidi Bouzid, Kasserine, Kairouan (Béja y figure en 2024 en remplacement de Siliana). Ce cas montre que mieux répartir l’investissement public pour améliorer l’IDR est utile, mais d’une portée limitée. Aussi faut-il ne pas considérer ce type d’amélioration comme une réponse crédible au déséquilibre régional.

Habib Touhami

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