News - 12.01.2024

Mohamed Jemaà: Polyglotte? Pourquoi faire? Commentaire d’un scientifique et voyageur

Mohamed Jemaà: Polyglotte? Pourquoi faire? Commentaire d’un scientifique et voyageur

Parler plusieurs langues et sans doute un outil extraordinaire, que ce soit pour le marché du travail, comme c’est le contexte de la conférence tenue à l’Institut Supérieur des Langues de Tunis et à la quelle j’étais invité pour un témoignage (Thème de la conférence: Enseignement des langues et employabilité), ou pour notre vie de tous les jours, ici et ailleurs. Mais que veux dire parler plusieurs langues, polyglotte, c’est les maitriser comme langue maternelle? Ecrire avec? Ou simplement pouvoir regarder la télévision en VO (Version Originale) pour dire simple.

Pour mon travail, j’ai passé 15 ans à vivre entre autre en France, en Italie, en Allemagne et en Suède, et plusieurs autres pays de passage pour des conférences et autres séjours scientifiques. Pour pouvoir présenter et discuter mes travaux de recherche, en parlé comme en écrit, il a fallut maitriser l’anglais, condition sine qua none pour pouvoir faire de la recherche scientifique à l’international et de facto condition essentielle pour pouvoir travailler dans différents pays. Etre polyglotte c’est donc une opportunité et une expertise de plus pour le marché de l’emploi.

Ceci dit, parler et communiquer avec plusieurs langues et donc avec des interlocuteurs d’horizons différents n’est pas uniquement bénéfique pour le travail, ce n’est à la limite qu’une simple résultante d’un outil bien maitrisé. Etre polyglotte est bien plus important que ça.

D’abord, déformation professionnelle oblige, l’apprentissage des langues augmente les connexions entre les neurones et rend notre cerveau plus performant, ça booste la mémoire, renforce les capacités d'analyse et stimule la créativité, ça nous rend de facto plus intelligents. Comprendre une langue est aussi une porte d’entrée pour de nouvelles cultures et pour de nouvelles nuances. Ça nous permet de voir les choses sous des angles différentes et de les apprécier à leurs vraies valeurs. Pour rester dans le monde du travail, ça nous permet de résoudre les problèmes plus facilement puisque on les voie différemment. Pour visualiser cette affirmation je dirais que pour nous autres les tunisiens, dans notre langue, la neige, c’est la neige...alors que dans les pays nordiques, en Suède par exemple il en existe une dizaine d’expressions différentes pour dire neige, en fonction de la saison, de la texture, etc...Et similairement, l’huile d’olive en Suède ça sera huile d’olive (Olivolja), point ! Alors que pour nous, tu en trouveras maints synonymes dépendamment de sa qualité et d’où est ce qu’elle est faite cette huile. Résumons, une langue, que dire, un dialecte, c’est une culture!   

Nous somme là loin de la sphère académique et professionnelle, nous en somme à parler de cuisine! Et la cuisine c’est l’art des bons mélanges, tout comme la communication verbale finalement, en tous cas comme je l’imagine. Il est curieux de savoir que la glotte (pour polyglotte) est très souvent associé, à tort, à la luette, le petite appendice conique situé au fond de la cavité buccale, on le reconnaît quand c’est rouge inflammatoire lors de la saison des grands rhumes, et ça pend, ça pend comme une pendule, enfin bref, je m’égare, je m’égare. La glotte, en réalité, ce n’est qu’un espace vide entre tissus, et ce n’est point un organe, ou quelque chose, c’est du vent, de la modulation d’ondes. Et c’est là ou je veux en venir, pour communiquer avec les personnes que je rencontre, il me faut moduler des langues que je maitrise pour en sortir une espèce d’Esperanto, et surtout quand dans un groupe, on est issus de différents pays. Cet Esperanto c’est mon passeport linguistique pour passer un message et se faire comprendre par tous, rapidement, dans un contexte de différence ethnique.  Ce fut le cas partout ou j’ai été et je dois avouer que ça m’a beaucoup aidé dans mon environnement de travail et surtout ça m’a permis d’intégrer des communautés très différentes pour autant de plaisir de découvrir leurs traditions et de leur parler de ma culture aussi. Une promesse d’une tour de Babel, ou tous, pouvons communiquer sans entraves.

Je finirais par cette anecdote. Il y’a de cela des années, quand je vivais à Paris on avait pris le bus pour allez je ne sais plus où avec des amis espagnols et italiens, et on était entrain de parler quand une jeune femme à coté nous interpelle et s’adresse à nous pour dire bonjour. Elle était italienne elle même et nous nous somme échangé quelques phrases enthousiastes pour dire comment c’était «extra» de rencontré des compatriotes dans cette mégalopole parisienne...et puis à un certain moment, elle se retourne vers moi et me dit: ‘‘Mi scusi, ma lei è sardo? Perché ci sono parole che non conosco, è sicuramente il dialetto’’ (Excusez-moi, mais êtes-vous sarde? Parce qu'il y a des mots que je ne connais pas, c'est certainement le dialecte). J’avais répondu en rigolant: ‘‘Sono tunisino, signora, l'ombelico del mondo!’’ (Je suis tunisien madame, le nombril du monde!). C’était finalement ça mon esperanto, une langue de dialogue et de communion qui s’adapte aux interlocuteurs du jour, sans pour autant la parler comme un enfant du pays, mais très efficace pour entretenir une discussion pleine et riche. Alors, pour une meilleure intégration sociale et professionnelle, que vivent les langues!

Mohamed Jemaà
Chercheur en cancérologie
Laboratoire de génétique humaine
Faculté de médecine de Tunis
Université Tunis el Manar





 

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