News - 16.06.2022

Wassila et Bourguiba en toute romance

Wassila et Bourguiba en toute romance

De l’histoire, elle est proposée à la légende. Wassila Ben Ammar, la seconde épouse de Bourguiba, mais aussi le grand amour de sa vie, ne cesse d’inspirer les historiens et désormais les romanciers. Vingt-trois ans après son décès le 22 juin 1999, elle est au cœur d’un « récit historique romancé » que lui consacre Maher Kamoun sou le titre de La Méjda et Le Zaïm, Amour du pouvoir et pouvoir de l’amour. Un troisième livre qui s’ajoute en quelques années à divers portraits approfondis et de genres différents retraçant la saga de celle qui a marqué de son empreinte, souvent discrète, les premières décennies de l’indépendance.

En historien rigoureux, Noureddine Dougui revient sur son parcours sous le titre de "Wassila Bourguiba: la main invisible", publié en 2020 chez Sud Editions (voir). Dans le même élan, son collègue, Nizar Ben Saad, publie chez KA’ édition Un destin, la Mejda : une femme de charme dans les coulisses de l’histoire : Wassila Ben Ammar, seconde épouse de Bourguiba (1912-1999). Sans lui dédier tout un ouvrage, Chedli Klibi avait brossé son portrait soigneusement ciselé dans son livre Habib Bourguiba, Radioscopie d’un règne,  paru aux Editions Déméter, en janvier 2012. Son amie de longue date, Jacqueline Gaspar, avait tiré de leurs entretiens, entre 1972 et 1973, un livre intitulé Wassila Bourguiba, paru chez Déméter en novembre 2012. Mais, le sujet reste loin d’être épuisé, tant le personnage est exceptionnel.

Maher Kamoun ne pouvait s’empêcher de s’engouffrer dans la brèche, lui aussi, à sa manière. Ni historien, ni romancier, ce juriste, énarque, longtemps grand commis de l’Etat et auteur de précis juridiques, s’est découvert un don de portraitiste, croisant l’histoire et le roman. Le talent s’affirmera au fil des ouvrages publiés : Bourguiba, ombres et lumières, La régence de Tunis sous le règne des Beys, Lella El Baya Qmar, Abou El Mahasen El Wazir Youssef Saheb Ettabaâ, La dérive des Husseinites et Le sang coule au Bardo. La boucle est bouclée avec Wassila.

Comme dans un montage cinématographique, Maher Kamoun fait télescoper l’histoire récente de la Tunisie, à partir du début du XXe siècle, avec celle de Wassila (née en 1912), du mouvement national, de Bourguiba, et de la République naissante. Cette restitution, dans le contexte de l’époque, est intéressante pour mieux comprendre le déroulement des évènements, l’implication de Wassila dans l’action politique et son affirmation auprès de Bourguiba. De l’admiratrice, elle passe à la militante, puis à l’égérie et l’inspiratrice. Certains n’hésitent pas à la qualifier de conspiratrice… Sa relation avec Bourguiba est très complexe. Entre passion, bien qu’elle déclare souvent ne l’avoir jamais aimé, et compassion, lorsque Bourguiba connaîtra ses successives dégradations de santé, puis la rupture, consacrée par leur divorce «inique», en 1986, quatre décennies d’une intense relation aura fortement marqué ce couple.

Idylle, complicité et tourmente

Lentement, Maher Kamoun remonte aux origines, peint, à travers les Ben Ammar, des aspects de la société tunisoise au cours de la première moitié du siècle dernier, introduit le lecteur au cœur du mouvement nationaliste et installe Wassila en plein décor. Il illustre l’évocation de l’histoire avec de petites histoires, glanées ici et là, et surtout des dialogues imaginés. Si les faits sont établis, ces dialogues sont complètement imaginés, comme le souligne l’auteur, mais font le charme de cet ouvrage. Ils lui apportent émotion, suspense et vivacité. La langue est celle des maisons de la médina et de la banlieue nord, puis du palais de Carthage. Entre Wassila, sa mère, des membres de sa famille, Bourguiba, ses compagnons et ses ministres, les échanges sont écrits comme dans un roman, ou, mieux, pour un film. La finesse de Wassila, son génie politique et son habileté y sont consacrés en art de charme, de séduction et de pouvoir.

Même ceux qui connaissent bien la saga du couple Wassila-Bourguiba découvriront dans ce récit romancé d’autres facettes, très peu évoquées auparavant. La mission de Wassila Bourguiba auprès de la Société des Nations (ancêtre de l’ONU), à Paris, ou auprès de Salah Ben Youssef à Genève, les multiples tentatives de Wassila d’apaiser Bourguiba de son ire contre certains de ses compagnons ou de ses ministres, son influence sur la vie politique, son aura auprès de chefs d’Etat étrangers et les derniers mois avant le divorce, ne manquent pas d’intérêt.

Roman d’une vie, d’une passion, d’un désamour, d’un apogée et d’une déchéance, l’ouvrage de Maher Kamoun vient cultiver une mémoire, plus légendaire qu’historique, de plusieurs générations. Ceux qui n’ont pas vécu cette époque y découvriront une ambiance toute particulière et des acteurs qui ont été significatifs au cours de cette période. Sur près de 680 pages, sous une plume raffinée, on replonge avec délectation dans un vrai roman nourri d’histoire et d’histoires.

La Méjda et le Le Zaïm
Amour du pouvoir et pouvoir de l’amour
Par Maher Kamoun
2022, 680 pages, 70 DT

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