News - 09.02.2022

Abdelmajid Charfi : L’Islam politique n’a pas d’avenir, sauf en tant que force conservatrice marginale

Abdelmajid Charfi : L’Islam politique n’a pas d’avenir, sauf en tant que force conservatrice marginale

L’islam politique pourrait-il évoluer en parti démocratique ? Quelle place occupera-t-il à l’avenir, notamment en Tunisie après le 25 juillet ? Et comment concilier Islam et modernité ? Autant de questions que nous avons posées au professeur Abdelmajid Charfi, dans le cadre d’une grande interview accordée à Leaders.

Quel est l’avenir de l’Islam politique?

Il va perdurer en tant que force conservatrice marginale. Il a été progressivement délaissé par les États-Unis d’Amérique, suivis par d’autres puissances occidentales, et c’est une donnée importante. En outre, son exercice au pouvoir n’a pas été concluant. Son avenir sera réduit à sa véritable dimension, ni plus ni moins.

Il ne faut pas oublier que l’Islam politique est un phénomène non pas uniquement social et culturel, mais aussi et surtout un phénomène médiatique. Il a exercé son influence sur les médias traditionnels et nouveaux, ainsi que les réseaux sociaux. Cette sphère médiatique peut prêter à illusion. Les médias ne reflètent pas toujours la réalité sur le terrain.

Le discours médiatique de l’Islam politique a perdu de sa crédibilité et sa position politique s’est réduite lorsqu’il a été délaissé par les grandes puissances. Même si on relève que les dirigeants de l’internationale frériste continuent à bénéficier en Grande-Bretagne de certaines facilités qui leur permettent de s’organiser et de propager leurs discours depuis Londres.

L’Islam politique n’a pas d’avenir, sauf en tant que force conservatrice marginale dans la société. Beaucoup tablent sur son évolution en vertu de laquelle il passe du statut de secte religieuse et d’organisation idéologique au statut de parti politique strictosensu, à l’image des partis démocrates-chrétiens européens. Je ne le pense pas, car il ne peut pas évoluer dans ce sens sans se renier. C’est pour cela que je ne peux pas compter sur son évolution effective.

Si on admet que l’organisation sociale est la responsabilité exclusive des hommes, et donc la sécularisation du droit et le principe de son évolution en fonction des contextes historiques, on ne peut plus faire intervenir les catégories traditionnelles, figées du Fiqh, la jurisprudence islamique, et ses qualifications légales des actes humains. Or, les partis islamistes sont loin de l’admettre.

Comment concilier Islam et modernité?

Repenser la pensée islamique est un projet de longue haleine et très difficile, en partie parce qu’il concerne un milliard et demi de musulmans, avec leurs conditions très diverses. A notre modeste niveau national, c’est à l’université de l’entreprendre. Il lui appartient de s’atteler à cette recherche en vue d’envisager les bases d’une religiosité qui s’adapte aux conditions nouvelles. Nous avons des décalages entre la réalité et les pratiques, ce qui entraîne beaucoup d’hypocrisie et même une certaine schizophrénie.  On n’aura plus besoin de cette pudibonderie à laquelle on assiste actuellement. Beaucoup ressentent le besoin d’apparaître comme de bons musulmans. Ce qu’ils ne sont pas du tout, si on considère les valeurs auxquelles ils adhèrent. Cette nécessité de liberté d’expression, donc de moindre poids de la censure sociale et de la censure exercée par les religieux, est indispensable.

La liberté est à revendiquer non seulement auprès des dirigeants, mais également auprès de l’opinion publique, souvent influencée par certains discours qui puisent leur matière dans un passé mythifié.

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