Opinions - 01.07.2016

Marwan Barghouti, le Mandela palestinien

Marwan Barghouti, le Mandela palestinien

Ce mois de juin remet en mémoire la condamnation de Nelson Mandela à « la détention perpétuelle ». Condamné comme terroriste, le 12 juin  1964, à l’issue de l’infâme procès de Rivonia orchestré par les tenants de l’apartheid, ce régime qui a longtemps si assidument  collaboré avec Israël.
Après la sinistre prison-île  de Robben Island et d’autres geôles, totalisant vingt-sept de privation de liberté, Madiba sera élu président de l’Afrique du Sud le 24 avril 1994 et prononcera son célèbre discours « Free at last ! » (Enfin libre). 

Actions internationales en faveur de la paix

Comme du temps des racistes et de Pieter Botha en Afrique du Sud, l’Israël de Netanyahou, Lieberman et consorts emprisonne depuis bientôt 15 ans Marwan Barghouti, député palestinien kidnappé en 2002 jouissant pourtant  de l’immunité parlementaire et a fait prononcer à son encontre plusieurs peines d’emprisonnement à vie pour…terrorisme par des tribunaux dont Marwan ne reconnaît pas la légitimité.
Depuis l’âge de quinze ans, Barghouti aura totalisé 20 ans dans les geôles sionistes. Du reste, la campagne internationale pour sa libération  a été lancée de Robben Island par Ahmed Kathrada, le compagnon de cellule de Mandela au bagne de cette  île au large du Cap. 

A noter que, au cours des dix dernières années, près de la moitié du Conseil législatif palestinien a été arrêtée et que, depuis 1967, Israël a mis derrière les barreaux plus de 850 000 Palestiniens.  Ce qui ne laisse pas indifférents les hommes de bonne volonté et les partisans de la justice….en dépit des très gros efforts déployés par  tous ceux qui veulent mettre sous le boisseau la question palestinienne.  Ainsi, la semaine dernière, une délégation de dix élus français dont les maires et des représentants de Bergerac, Vitry-sur-Seine, Gennevilliers, Avion, Valentin, de  Limay, Bondy, Bezons, Allones et la Courneuve se sont rendus en Israël pour le rencontrer,  dans la prison de Gilboa ; Marwan Barghouti  et demander sa libération. Cette délégation – conduite par l’ancien maire de Gennevilliers Jacques Bourgon- a été,  sans surprise,  éconduite mais assure Daniel Guarrigue, maire (gaulliste de gauche) de Bergerac et ancien député UMP : « Il a su, par différents canaux,  qu’on était venu. C’est quand même important » (Sud-Ouest, 22 juin 2016).

Prix Nobel de la paix pour le Mandela palestinien

Aujourd’hui, alors que de sombres manœuvres sont ourdies pour  « la normalisation » avec l’Etat sioniste de la Turquie aux rives arabes de l’Atlantique et du Golfe, Mgr Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix en 1984,  vient de proposer au Comité Nobel norvégien «la nomination de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné pour le Prix Nobel de la Paix. » Il a été rejoint par le Prix Nobel de la Paix 1980, l’Argentin Pérez Esquivel, un artiste et un militant des droits de l’homme.  L’ARP avait déjà demandé cette libération et, en avril dernier, notre Quartet, nobélisé en décembre 2015,  avait honoré Fadwa Barghouti, son épouse, à Tunis et demandé le Nobel pour ce combattant. De leur côté, les parlementaires belges et britanniques interpellent Israël pour que cesse cet embastillement et écrivent au Comité Nobel: « En accordant le prix Nobel à une personne qui symbolise la lutte du peuple palestinien pour la liberté, mais aussi son aspiration à vivre en paix, le leader qui a la capacité d’unir les Palestiniens autour d’un projet politique qui s’appuie sur le droit international et le retour aux frontières de 1967, menacées par la colonisation galopante et l’absence d’horizon politique, le comité du Prix Nobel de la Paix contribuerait à faire revivre l’indispensable espoir de sortir de l’impasse politique actuelle ». L’ensemble des représentants de groupes politiques du Parlement belge écrivent notamment au Comité norvégien : « La paix exige la libération de Marwan Barghouti et celle de tous les prisonniers politiques, comme celle de l’ensemble du peuple palestinien, qui vit sous occupation depuis des décennies. »
33%des Palestiniens aimeraient que Barghouti succède à Mahmoud Abbas- critiqué parce qu’ « il n’est jamais arrivé dans l’histoire qu’on demande à un peuple sous occupation de fournir des services à l’occupant » écrit le prisonnier Barghouti au journal Le Monde (24 mai 2016, p. 13)

Marwan Barghouti, citoyen d’honneur en France

La campagne pour la libération de Marwan Barghouti prend de plus en plus d’importance. Ce qui rend nerveux les sionistes et les amis d’Israël en France, notamment.  Encouragés probablement par l’hymne d’amour de Hollande à l’entité sioniste et par l’attachement intangible de Manuel Valls qui déclare à propos du boycott BDS lors de sa récente visite en Israël: « Au fond, derrière ce boycott, nous savons bien ce qu’il y a : non seulement la contestation, mais aussi la détestation de l’Etat d’Israël, la détestation d’un foyer juif, et donc les juifs dans leur ensemble » (Le Monde, 24 mai 2016, p. 9). Encouragés aussi par la criminalisation pour « antisémitisme » de tous ceux qui s’opposent à la politique raciste et belliqueuse de Tel Aviv, de tous ceux qui la dénoncent et la critiquent en France. C’est ainsi qu’à Stains, dans la banlieue de Paris, le maire Azzedine Taïbi (PCF) a été traîné en justice par le Bureau  national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA)- « une officine qui ne vise qu’à défendre la politique israélienne » écrit Pierre Barbancey (L’Humanité, 13 juin 2016, p. 5) et fait l’apologie de la politique coloniale et exterminatrice d’Israël. Pour cette officine, le fait d’avoir apposé sur le fronton de la mairie de Stains une banderole qui demande la libération de Marwan Barghouti – citoyen d’honneur de la ville depuis 2009- est un soutien au terrorisme. De son côté, la préfecture a exigé de la mairie de Stains le retrait de la banderole de soutien à Marwan Barghouti. Azzedine Taïbi a dû se présenter au tribunal administratif de Montreuil, mardi 14 juin, pour y répondre d’ « apologie publique d’un acte terroriste ». Dans une réunion publique pour tenir informés ses administrés,  le maire a déclaré : « Nous ne céderons pas aux amalgames qui visent à faire peur, à faire taire nos convictions….Cela nous donne plus de convictions dans notre combat pour la paix, pour un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël. » Didier Paillard, le maire de Saint Denis s’est adressé aux juges du tribunal administratif de Montreuil pour témoigner et dire que son conseil municipal a décidé,  en 2008,  de faire cet acte de solidarité en faveur de Barghouti et pour la paix « ce qui n’a jamais fait l’objet de la moindre contestation, ni provoqué de troubles à l’ordre public. De son côté, le Mouvement  contre le racisme et l’antisémitisme (MRAP) devait dire au tribunal : « Dans une démocratie, la critique de la politique gouvernementale d’un Etat est un droit et ne saurait être assimilée à une forme de racisme ou de xénophobie quelle qu’elle soit ».

La paix marque un point au tribunal

Au final, ces témoignages et la brillante plaidoirie de Me Roland Weyl ont conduit, mardi 28 juin 2016,   à la victoire de la mairie de Stains tant contre la préfecture que contre les manœuvres sionistes du BNCVA dont la plainte a été classée sans suite par le tribunal. Azzedine Taïbi devait déclarer à propos de ce rejet : « C’est une première victoire éclatante…De même que dénoncer l’apartheid n’était pas du racisme anti-afrikaner, la critique d’un gouvernement d’extrême droite israélien qui mène une politique coloniale barbare n’est pas de l’antisémitisme ». 
Quant à la plainte de la préfecture, Me Weyl a fait remarquer que le recours était hors délai car la banderole était déployée depuis 2009 et n’avait jamais donné lieu à troubles. Le tribunal en a conclu à l’irrecevabilité et rejeté l’argument préfectoral que la banderole était « contraire au principe de neutralité » et n’était pas « susceptible de porter atteinte à l’ordre public ». Une victoire donc de la mairie et une victoire des valeurs universelles de paix et de fraternité humaine.
De plus, le 24 juin 2016, l’ancien député Jean-Claude Lefort,  président de l’association France-Palestine Solidarité (APFS) depuis mai 2009 a été relaxé du délit de « provocation à la discrimination », lui qui se dit « fils de Manouche » -pour avoir appelé au boycott des produits supposés en provenance d’Israël.

Une proposition de loi bien venue

Par ailleurs, le député socialiste des Hauts-de-Seine , Alexis Bacheley,  a déposé le 22 juin 2016,  un amendement (avec neuf autres députés comme Mme Fraysse et MM. Chassaigne et Mamère) pour que le « boycott » ne soit plus un délit en France. Son projet sera débattu à l’Assemblée Nationale le 30 juin ou le 1er juillet 2016. Semble ainsi visée la circulaire du 12 février 2010 de Mme Alliot-Marie – l’amie de Ben Ali, alors ministre de la Justice - qui demande aux procureurs d’engager des poursuites contre les personnes appelant, ou participant à des actions de boycott des produits déclarés israéliens et issus des colonies israéliennes en Palestine. Cette  circulaire a conduit des dizaines de militants devant les tribunaux. La justice française a longtemps divergé et hésité entre annulations des poursuites, relaxes au nom de la  « liberté d’expression » et condamnation pour « discrimination » et « provocation ». Mais deux arrêts du 20 octobre 2015 de la Cour de Cassation viennent de condamner lourdement l’appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen. Ce qui signifie que « critiquer la politique d’un Etat tiers est interdit ». Alexis Bacheley relève que «la France est un des rares pays au monde dans lequel cette pratique est interdite ». Il remarque que  le tribunal de Grande Instance de Pontoise,  dans une décision du 14 octobre 2010,  a considéré que  l’appel au boycott relevait d’une « critique pacifique de la politique d’un Etat et du libre jeu du débat politique qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique ».

Bien loin de la France, aux Etats Unis,  l’Eglise Presbytérienne (Presbyterian Church USA) lors de sa récente assemblée à Colombus et l’Unitarian Universalist Congregation lors de son congrès à Portland ont appelé à ne pas investir dans les colonies israéliennes et à boycotter leurs produits. Ces Eglises demandent « d’urgence » au Ministère des Finances (IRS) d’enquêter sur ces organisations caritatives qui financent les colonies illégales en Palestine avec l’argent du contribuable américain.

Ainsi avance, dans la douleur,  la question palestinienne….en dépit de ceux qui veulent l’étouffer et grâce aux sacrifices de ces fils et de ses filles et grâce aussi au  courage des hommes épris de justice et de liberté. Marwan Barghouti est l’égal d’un Mandela ou d’un de Gaulle… lorsque la France ployait sous le joug allemand et que Hitler paradait aux Champs Elysées.

Mohamed Larbi Bouguerra

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