News - 12.03.2015

La Faculté des lettres de la Manouba rend un grand hommage à son doyen Habib Kazdaghli

La Faculté des lettres de la Manouba rend un grand hommage à son doyen

Dans un article intitulé «  Nul n’est prophète en son pays » publié sur le site de Leaders, j'annonçais l’attribution par l’université de Nanterre, le 11 décembre 2014, du doctorat Honoris causa au doyen Habib Kazdaghli et rappelais les prix internationaux qu’il avait reçus pour son implication  exceptionnelle, durant toute sa carrière, dans la défense du savoir, de l’université et des libertés académiques. J'avais saisi cette occasion pour déplorer l’indifférence de l’université tunisienne à ces consécrations internationales qui honoraient non seulement leur récipiendaire mais aussi toute la Tunisie et pour stigmatiser une ingratitude qu’on camouflait en un rejet de l’éloge et de la glorification.

Un rendu pour tant de prêtés

Trois mois, jour pour jour, après cette attribution, le département d’histoire de la Faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba a honoré l’historien à l’occasion d’une sympathique et chaleureuse cérémonie rehaussée par la présence d’anciens recteurs et doyens connus pour leur défense de l’indépendance de l’université et des libertés académiques, et de nombreux militants de la société civile. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. C’est un rendu pour tant de prêtés. Il n’est pas interdit, à la suite de ce geste de reconnaissance, d’espérer  que les autorités universitaires suivent l’exemple de la faculté du doyen.

Une assemblée très nombreuse composée des  collègues et amis du doyen, de fonctionnaires, d’ouvriers de l’institution et de quelques  étudiants a répondu, en dépit d’une modeste publicité, à l’invitation de la directrice du département Samira Séhili. Des universitaires venus d’autres institutions ont tenu à participer à cette fête pour féliciter le récipiendaire de la prestigieuse distinction et réitérer leur admiration pour son combat, admiration qui s’est reflétée dans les allocutions prononcées par les universitaires choisis pour être les « parrains » du doyen. Ces derniers ont également exprimé leur fierté pour la victoire obtenue contre l’obscurantisme. Echaudés par la dure épreuve de la résistance contre le salafisme, ils ont  appelé à la vigilance, estimant que le combat devait être poursuivi.

La cérémonie a été également marquée par la sympathique présence du journaliste photographe, Mohamed Hammi.  Celui qui s’est autoproclamé «  photographe du doyen »  - bénies soient les autoproclamations de ce genre – et semble avoir  juré de couvrir les événements où ce dernier est impliqué, a été présent, il ya une année, à l’hommage rendu par la section d’Al Massar de la Manouba au doyen de la FLAHM et a fait un reportage photographique  de l’audience inaugurale de son procès, le 5 juillet 2012.

Les allocutions émouvantes des parrains

Samira Sehili, la dynamique directrice du département d’histoire a rendu, dans son allocution de bienvenue un vibrant hommage au doyen pour son parcours académique et syndical, son combat pour la défense de l’université durant les vingt sept années passées à la Faculté de la Manouba et particulièrement  pendant la période de son décanat et ses quinze années de présence au conseil scientifique de l’institution, en tant que représentant des enseignants.

Elle m’a fait l’honneur de m’associer à cet hommage rendu au Doyen et  de me présenter comme la « mémoire de la faculté » dans une allusion  aux responsabilités académiques et syndicales que j’y ai assumées pendant plus de vingt ans. Elle a, par là même, rappelé que j’avais été le compagnon de route du doyen pendant ces années de braise, un acteur et un témoin privilégié des terribles  violations des libertés universitaires et de la saga judiciaire qui en a résulté, et insisté sur le fait que j’avais immortalisé sa résistance héroïque’ et celle de notre  faculté dans les Chroniques du Manoubistan.

Abdelhamid Larguèche, au nom du laboratoire du Patrimoine et en tant que condisciple et collègue du doyen, et de ce fait, témoin privilégié de son itinéraire académique, syndical et politique, a montré que ces facettes de l’historien étaient intimement liées et qu’il y avait une symbiose totale entre ses activités de chercheur et  sa pratique syndicale et politique. Militant du Parti communiste tunisien et de l’UGTT, le doyen s’est intéressé à l’histoire de ce parti et à celle du mouvement ouvrier. Féministe jusqu’à la moelle des os, il a fait de la condition féminine un sujet de recherche. Sensible au statut des minorités et à l’injustice qui leur est faite et convaincu que la richesse de la Tunisie résidait dans sa pluralité, il ne pouvait que leur consacrer une partie de son temps de chercheur. C’est, qu’à ses yeux, la défense  libertés académiques n’est pas uniquement du ressort du syndicaliste, de l’homme politique ou du responsable d’une institution universitaire. C’est également aussi une responsabilité du chercheur qui, bravant les tabous, mange son pain noir et fait son chemin de croix pour défendre son droit à la liberté de recherche, dût-il lui en coûter. Habib Kazdaghli, qui a été voué aux gémonies pour avoir brisé ces tabous et qui n’a pas hésité à risquer sa vie pour la défense acharnée de cette liberté et des normes académiques, en sait quelque chose.

J’ai ensuite pris la parole pour montrer pourquoi la bataille mené à la Manouba, sous la direction du doyen Habib Kazdaghli, de novembre 2011 au mois de mai 2013, date de son acquittement en première instance, a été perçue comme la mère des batailles. C’est qu’elle a, d’abord, empêché  la faculté de la Manouba de se transformer en Manoubistan.  Elle a, ensuite, donné le la au mouvement de résistance menée par la société civile et les démocrates du pays pour que la Tunisie ne devienne pas un Tunistan. Menée par la grande famille de la faculté, dans une parfaite symbiose avec toutes les forces modernistes du pays, elle a constitué une préfiguration et une répétition, à l’échelle d’une institution universitaire phare, du sit-in du départ initié, à l’échelle du pays, par ces mêmes forces, en juillet 2013, à la suite de l’assassinat du martyr Mohamed Brahmi. L’université de Nanterre, qui a également attribué au doyen le doctorat honorifique  pour ses qualités d’enseignant et de chercheur, l’a admirablement compris.
J’ai aussi mis en exergue l’idée que cette bataille s’inscrivait dans la lignée des luttes antérieures, menées  avec succès par notre faculté pour la défense de l’autonomie institutionnelle, et particulièrement, celle menée durant l’année universitaire 1986 – 1987 au cours de laquelle le pouvoir a changé la loi relative à la vie universitaire pour renoncer à l’élection des doyens et lui substituer des nominatives partisanes.

Haïkel Ben Mustapha, au nom du syndicat de base de la FLAHM, a rappelé la contribution du syndicat de l’enseignement supérieur à cette bataille et le rôle capital joué par les syndicalistes de la FLAHM  dans la victoire contre l’hydre salafiste.

Abdesselem Aïssaoui, au nom du conseil scientifique de la faculté, a fait l’éloge du doyen présenté comme un homme orchestre, un enseignant et un chercheur de grande qualité.

A la fin de la cérémonie, le Doyen a remercié les présents, insistant sur le fait que la prestigieuse distinction dont il a été le récipiendaire était une reconnaissance internationale pour les luttes menées par l’ensemble des composantes de l’institution, leur rendant un vibrant hommage où il a inclus les policiers affectés à sa garde rapprochée. Il a mis en garde contre l’optimisme excessif et appelé à la vigilance.

Les invités ont été ensuite conviés à une réception organisée dans la salle polyvalente de l’institution.

Habib Mellakh

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