Opinions - 29.04.2014

Colère au Pakistan: les émirs affamés de ‘viagra sur pattes' persona non grata

 Un émir saoudien a causé une hécatombe au Baloutchistan: il a exterminé 2100 outardes en 21 jours. Ces petits oiseaux sont convoités par les princes-braconniers du Golfe, en quête de pouvoir érectile et d’une virilité décuplée. Ce gibier serait une denrée aphrodisiaque rêvée. Mais l’outarde est menacée d’extinction et les Pakistanais ne décolèrent plus après « le massacre ».

«Honte aux princes saoudiens!», «Il faut mettre fin à l'abattage rituel de l'outarde houbara», «Notre faune est décimée, en toute impunité», «Réveillez-vous Pakistanais! Secouons le joug arabe», «Manifestons devant l’ambassade saoudienne pour exprimer notre indignation!», vitupèrent des Pakistanais à qui l’émir saoudien a fait «monter l’outarde au nez».
http://fr.wikipedia.org/wiki/Outarde_houbara

Ils étaient plusieurs centaines à l’exprimer sur la version électronique du journal pakistanais de langue anglaise, «Dawn». Le journal, le plus vieux et le plus lu du pays, venait de faire le scoop, le 21 avril:
http://www.dawn.com/news/1101272/arab-royal-hunts-down-2100-houbara-bustards-in-three-week-safari

En vacances d’hiver au Baloutchistan (sud-ouest), le prince Fahd ben Sultan a massacré 2100 outardes houbara en trois semaines lors d’une partie de chasse au Baloutchistan, soit près de vingt fois plus que le quota (de cent oiseaux en dix jours) autorisé par la loi locale, une loi qui ne s’applique qu’aux Pakistanais.

Le 11 janvier, «Dawn» avait annoncé l’arrivée à Dalbandin, dans le district de Chagai, du  prince Fahd ben Sultan ben Abdelaziz, gouverneur de Tabouk (nord-ouest de l’Arabie saoudite). Il avait été accueilli par plusieurs responsables dont le ministre fédéral du Pétrole Shahid Khaqan Abbasi, et par l’ambassadeur saoudien Abdel Aziz Ibrahim Al-Ghadeer.

Le gouvernement du Baloutchistan avait alors déployé un dispositif de sécurité impressionnant pour la protection du prince et de son entourage dans cette province instable où sévissent violence et corruption et qui héberge (à Quetta) l'état-major et les combattants des talibans afghans en guerre contre l'OTAN et le gouvernement de Kaboul.

Il y a plusieurs années, l’émir avait fait le buzz sur YouTube: on le voit jouer à la belote et s’amuser à distribuer de gros billets de riyals et des coups avec une sorte de fouet-cravache à des courtisans venus partager son divertissement.

http://www.youtube.com/watch?v=_jGJEpw8N60

Dans un éditorial intitulé ‘la boucherie de l’outarde houbara’, le  journal écrivait: «Il est paradoxal de constater que des princes du Golfe font des efforts pour la protection de l'outarde houbara dans leurs propres pays, alors que notre gouvernement semble se soucier trop peu de ces princes qui déciment nos oiseaux», avant de poursuivre: «Quand une monarchie du Golfe vous offre 1,5 milliard de dollars, il devient extrêmement difficile de contrôler les agissements de leurs princes sur votre sol national. Le moins qu'on puisse attendre c’est des excuses officielles de l'Etat du Pakistan pour avoir délivré des permis spéciaux et causer des dommages irrémédiables à notre faune».

http://www.dawn.com/news/1101403/houbara-bustard-butchery

C’était assez pour déclencher une levée de boucliers contre les braconniers de luxe et les responsables locaux qui ont «bradé la souveraineté du Pakistan pour 1,5 milliard de dollars».

«Un jour, les générations futures nous maudiront pour avoir accepté que des princes de Golfe anéantissent nos outardes, une espèce pourtant protégée par les traités et les accords internationaux ratifiés par l'État pakistanais», «Les princes du Golfe jouissent de la protection des plus hautes autorités du pays, ils s’adonnent depuis plusieurs décennies au braconnage de l’outarde», «Notre État est sans morale, sans éthique. Que pouvons-nous attendre d'un Etat qui ne se soucie même pas du bien-être de ses citoyens ?», «Alors que la chasse de l’outarde a été interdite en Inde depuis des décennies, le Pakistan continue à donner des licences spéciales aux potentats du Golfe. Honte à nos dirigeants qui laissent ces princes gâtés détruire notre environnement»…  «Le drame, c’est que les Saoudiens nous achètent des armes pour les utiliser contre nos frères en Syrie. Il aurait été préférable de rester pauvres que d’être complices de la déstabilisation de la Syrie et d’avoir du sang syrien sur les mains», écrit «Aziz»...

Pragmatique, un autre lecteur propose: «Secouons le joug arabe. Être musulman ne veut pas dire accepter la servitude. Ces arabes ne ressemblent pas, de près ou de loin, aux compagnons du Prophète. Sauvons notre foi, notre faune, notre patrie».

Selon le journal, cette année seulement, le Pakistan a émis 33 permis autorisant les dignitaires arabes à tuer jusqu'à 100 oiseaux chacun. Parmi les titulaires de permis figurent les émirs du Koweït et du Qatar, le prince héritier d'Arabie saoudite et le président des Emirats arabes unis.

Le journal ajoute que le ministère des Forêts a demandé à mettre fin à toute dérogation pour la chasse d’outardes.«Si c'est illégal pour les Pakistanais de tuer ces oiseaux pourquoi devrait-on autoriser les cheikhs arabes à le faire?».

Le chef des services de la faune dans le district baloutche de Chagai, Jaffar Baloch, a affirmé avoir demandé aux autorités d'agir dans cette affaire diplomatiquement sensible. Islamabad craint de mettre en péril ses relations avec les monarchies du Golfe, où travaillent près de deux millions de Pakistanais, en particulier en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, deux bailleurs importants du Pakistan et de son économie fragile.

Les révélations de «Dawn» se sont répandues comme une traînée de poudre dans la presse occidentale, en particulier britannique et française, et sur des sites arabes d’information, mais sont passées sous silence dans la presse du Golfe.

Mais les dignitaires du Golfe sévissent aussi en Asie centrale et en Afrique du Nord. Depuis 1975, des milliers d’outardes sont abattues chaque année de la Mongolie à la Mali, en passant par le Soudan, la Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie... Un immense massacre dénoncé par des militants écologistes, des défenseurs de la faune, des ornithologues.

À bord de voitures tout-terrain luxueuses, suréquipées et assistés d’avions de reconnaissance, armés d’équipements de télédétection perfectionnés, de jumelles et de longues-vues sophistiquées, les princes-braconniers, ces bédouins des temps modernes qui ont troqué les dromadaires contre des 4x4 rutilantes et les tentes contre des caravanes climatisées, hantent ces pays depuis des décennies.

Mouflon, gazelle, antilope, oryx, guépard, lynx, hyène… bref, toutes les espèces rares de la faune du désert sont pourchassées et décimées en toute impunité. Comble de mépris, les prises, notamment les têtes des gazelles, sont souvent accrochées à leurs véhicules tout-terrain ou exposées sur les capots des 4x4, en guise de trophées.

Mais ce sont ces échassiers à chair savoureuse qui font rêver les braconniers du Golfe, ou plutôt le cœur et le foie de l’oiseau qui sont spécialement prisés parce qu’aphrodisiaques, dit-on, comme le précise ce militant écologiste algérien, Laïd, dans ce «cri dans le Désert».

http://www.youtube.com/watch?v=OGVsqKImyno

«Y a-t-il une raison plus ridicule de tuer un animal que de croire que sa viande a des propriétés aphrodisiaques?», s’est interrogé Naeem Sadiq, un militant de Karachi qui a demandé à la Haute Cour de Lahore d’interdire cette pratique.

Comme partout dans le monde arabe, l’impuissance est considérée comme une humiliation et une hantise. Mais les nantis du Golfe, particulièrement des membres des familles princières, ont un engouement spécial pour les «stimulants sexuels», recourent souvent à des décoctions fantaisistes de plantes ou de denrées aphrodisiaques et éprouvent le besoin de «se ressourcer», l’outarde, un «Viagra naturel», aidant.

D’ailleurs, ce n’est pas par hasard que le vrai «Viagra», la pilule bleue produite par le laboratoire pharmaceutique Pfizer, avait fait un carton en 1998 dans la presse du Golfe, en particulier en Arabie saoudite, la vertueuse, où elle avait inondé les pharmacies et où elle se vendait sous le manteau, au marché noir, avant même d’être autorisée à la vente.

Les oulémas avaient alors décrété que «Snafi» était licite pour les hommes mariés mais que les célibataires ne pouvaient pas utiliser ce médicament qui, selon eux, «incite au vice».

http://www.youtube.com/watch?v=kzPrd8p_Trs

On avait même vu un poète populaire saoudien dédier un poème épique au «Snafi, qui prouve que la virilité arabe est encore brûlante».

Même les femmes ont été touchées par la manne «aphrodisiaque» qu’elles croient trouver sous forme de «gouttes, qu’elles ingurgitent avec des jus de fruits (100 SR la fiole), d’un chewing-gum de 25 SR, ou d’une crème stimulante, dont elles s’enduisent» la partie la plus intime du corps, écrivait alors la presse.

Fait insolite, le quotidien Al-Watan avait rapporté qu’un grand éleveur d’ovins de la région de Taëf (ouest) a eu l’idée d’ajouter quelques pilules de Viagra dans le fourrage de l’un de ses béliers, en perte de virilité. Au bout d’une heure, le mammifère a retrouvé son ardeur génésique et a fait le tour des femelles du troupeau.

Habib Trabelsi

Tags : alg   arabe   Emirats arabes unis   golfe   Inde   Maroc   Mauritanie   Ta   Tunisie  
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1 Commentaire
Les Commentaires
james-tk - 03-05-2014 10:54

Les mêmes criminels qui viennent chez-nous chaque année à l'automne pour pour le même spectacle ? Après la "Révolution" rien n'a changé, ces tueurs continuent de sévir, avec une complicité manifeste des deux gouvrenements de la maudite troïka, et ce, malgré les protestations des associations tunisiennes pour la protection de la nature et de l'environnement ?

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