Opinions - 14.07.2015

Au chevet du malade Tunisie – les soins oui… mais il faudra surtout le vaccin !!

Au chevet du malade Tunisie – les soins oui… mais il faudra surtout le vaccin !!

Une courte mais dense conversation téléphonique avec mon frère m’interpellait en début de la semaine passée. A ma question banale du type : «comment vas-tu», où l’on ne s’attend généralement pas plus que «ça va merci» ou «7amdoullah y3aychek» comme réponse, il rétorqua sans hésitation aucune: «on attend la prochaine frappe terroriste, tout le monde est crispé, on dit que c’est imminent, on attend juste de voir où et à quel prix, de quelle ampleur, et provoquant quels dégâts. L’économie du pays, à l’instar du tourisme,  était en berne, et elle vient là de se mettre à genoux».

A l’autre bout du fil, j’étais interdit face à sa voix abattue, trop hésitante, et véritablement déprimée ! Etant loin de tout ce qui se passe au pays, du moins physiquement, je mesurais ainsi la détresse et le désarroi dans lequel se retrouvent mes proches et mes compatriotes…
Durant les quelques petites minutes de cette conversation, je m’efforçais à inventer des mots justes et efficaces. En vain, je me sentais à la fois inutile et impuissant.
Et pour cause: tous les regards de la société sont traqués sur ce prochain attendu acte terroriste. La psychose gagne du terrain et le quotidien de la population est rythmé par les rumeurs d’un côté et par les déclarations officielles portant sur les avortements d’actes affreux, de l’autre.
Le temps de la réflexion fut indispensable peu après. Ainsi, ma cervelle commença à cogiter et à se poser une multitude de questions, que se posait d’ailleurs tout le monde bien avant moi:
Alors… Quoi faire?
….On attend? on prie le bon dieu? on démissionne? on panique? on relaie les rumeurs? on arrête de travailler car ceci ne servirait plus à rien? on s’en prend aux politiques? on se révolte.. type révolution 2.0?  on s’en fout car on ne peut rien y changer ou car on ne se sent pas concerné par le terrorisme? Quoi faire …Alors?
Un vrai challenge se profila alors : quelles réponses apporter à ces interrogations sans fin?

Le diagnostic du malade Tunisie

Avant d’apporter des réponses, il convient tout d’abord d’effectuer le bon diagnostic sur la situation, de la même manière qu’un docteur examine un malade avant de lui prescrire les médicaments, car, oui la Tunisie est gravement malade, et oui elle a besoin de médicaments en vue d’une guérison:

  • Le terrorisme a progressivement trouvé refuge dans le pays: d’abord par des actes montagneux contre nos soldats, puis vinrent les assassinats politiques ciblés pour enfin atteindre le cœur (le bardo, tout prêt du parlement) et les poumons (Sousse, grand symbole du tourisme en Tunisie) de la deuxième république,
  • l’Etat et ses responsables se mobilisent comme ils peuvent pour faire face à cette situation sécuritaire catastrophique,
  • Notre voisin de l’est sombre dans le chaos, où contrebande, trafic d’armes et extrémisme religieux forment naturellement un cocktail explosif !
  • Les « amis » de la Tunisie multiplient leurs promesses d’aide et d’assistance et leurs bonnes intentions. Vues de loin, ces promesses tardent de se traduire en actions concrètes.
  • Le contexte régional et international reste flou et miné de soupçons sur les intentions des uns et des autres,
  • Le peuple de Tunisie assiste à toute cette pièce comme si la Tunisie était un gigantesque théâtre à ciel ouvert, les citoyens tunisiens y seraient les spectateurs malheureux, alors que les acteurs principaux seraient des méchants, jeunes fantômes invisibles ou masqués, histoire d’animer le suspense et faire durer l’horreur! Bref, tout le monde est perdu.

Une stratégie globale s’impose

Devant ce bilan alarmant et cette situation nullement rassurante, une stratégie intégrale s’impose qui ne devra laisser aucune place au hasard, à l’absurdité, à l’arbitraire et encore moins à l’incurie.
Ce projet global ne pourra se pencher uniquement sur les soins palliatifs du malade Tunisie. Il en faut un traitement de fond !
Autrement dit, il est grand temps d’entamer une action de l’Etat à deux volets majeurs qui doivent être exécutés simultanément et au même degré d’importance et de volonté :  

  • L’une traitant le court terme : Soigner le malade Tunisie afin de lui permettre de continuer à vivre, à respirer, à exister en tant qu’Etat souverain!
  • La seconde portant sur le long terme : Vacciner le patient Tunisie afin de l’immuniser durablement contre une éventuelle rechute!

Négliger le long terme en faveur des actions immédiates entrainerait le pays dans un cycle interminable de gestion de crises qui se répètent et se ressemblent sans pouvoir éradiquer la source du malheur. Traiter uniquement l’urgence du court terme empêcherait la Tunisie de (I) regarder au-delà de son nombril, (II) se mettre au-dessus de la mêlé, (III) arrêter de gérer le jour au jour et une crise après une autre, et enfin (IV) établir une stratégie assurant un avenir bien meilleur à ses enfants! 
Réciproquement, focaliser entièrement sur le long terme pour aller déraciner les sources du mal exposerait le pays à un chaos aussi imminent que dévastateur et hélas provoquant des séquelles durables et irréversibles.
Tout l’art de la sagesse politique et de bonne gouvernance (Leadership et Management) résiderait, à mon humble avis, dans le bon dosage et l’harmonie entre l’urgence sur le court terme et la vision sur le long terme. Les deux étant fondamentaux pour, (I) d’une part, la survie et, (II) de l’autre, la prospérité de notre pays.

Soigner le malade Tunisie sur le court terme

Pour bien soigner la Tunisie et combattre efficacement ces jeunes malheureux terroristes stationnés un peu partout dans le pays, il me semble primordial que chaque citoyen tunisien :

  • évite de se transformer en spécialiste dans la lutte anti-terroriste. Ce domaine est largement plus complexe et épineux que le foot ou encore le quotidien de la vie politique. La lutte anti-terroriste est une affaire strictement réservée aux spécialistes et aux fins-connaisseurs.
  • apporte son concours en affichant son soutien ferme et non-ambigu aux forces de l’ordre, toute discipline confondue. Ce soutien doit inclure la coopération totale et la dénonciation immédiate et systématique de tout mouvement ou comportement suspects. Un peuple soudé, uni et déterminé derrière ses soldats et ses forces de sécurité intérieure est le meilleur garant de battre un tel cancer qu’est le terrorisme.
  • évite de tomber dans les excès : non au pessimisme, non à la déprime collective, non à la fatalité, non à la panique et non plus aux raccourcis. Le gouvernement se doit rassurant tout en étant honnête avec sa propre population. Non pour enjoliver la réalité, mais il doit apporter sa contribution afin d’empêcher cette dérive collective vers la crispation et la peur. Les terroristes jubileraient alors de nous voir tombés dans ce piège!

Le soutien inconditionnel de la population aux forces de l’ordre et le plan de lutte anti-terroriste doit impérativement s’étendre à la société civile et aux différentes organisations non-gouvernementales, y compris ET SURTOUT les syndicats ouvriers et patronaux.
La situation exceptionnelle du pays impose en nous tous de mettre de côté, sans tarder, nos différends et nos revendications. Ces dernières se sont vues reléguées au second plan par la force des circonstances. Les grèves, les protestations populaires, les demandes d’augmentation de salaire, les états d’âmes de telle ou telle administration doivent être fermement bannis pendant la période à venir, non déplaise aux pseudo-défenseurs des droits de l’homme ou encore aux «exceptionnels» d’entre eux qui se soucient des conditions de  l’ELEVAGE des CHAMEAUX au niveau de nos frontières avec la Libye.

En résumé – apportons tout notre soutien à nos forces de l’ordre et à tous les efforts de l’Etat contre le terrorisme, ayons confiance en eux, encourageons-les, aidons-les, informons-les utilement, et surtout continuons à mener notre vie normalement sans crispation, travaillons davantage, travaillons encore plus (tous les jours ne sont pas dimanche s’il vous plait!),  ne cédons pas à la panique! Les spécialistes s’occuperont du reste : SOIGNER LE MALADE TUNISIE !

Vacciner le patient Tunisie sur le long terme

L’histoire humaine nous a bien appris que, pour combattre le mal, l’usage de la force atteint souvent et rapidement ses limites. Une planification sur le long terme doit venir compléter le dispositif des actions immédiates. Ce projet long terme est celui que j’appelle de mes vœux afin de vacciner notre cher pays pour des décennies à venir.
Si j’avais à dessiner les grands axes de ce projet vaccin, je songerais plutôt aux suivants :

  • Etablir une Vision de l’Etat Tunisie: Montrer le «NORTH STAR». Vers où allons-nous, quel est notre objectif ultime? Quelle image de marque voulons-nous pour la Tunisie? quelle est notre vision pour l’école, pour l’économie, comment réduire le chômage? comment et par quels moyens allons-nous développer des régions défavorisées et éviter par conséquent la fracture du pays en deux parties qui se confronteraient? En toute modestie, en ce moment précis, je suis capable d’articuler la vision du Maroc : «devenir l’usine et le prestataire de services de l’Europe envers les marchés Africain et moyen-oriental». Tant mieux pour nos amis Marocains. Malheureusement, je ne saurai en dire un mot sur une hypothétique vision de la Tunisie qui tiendrait en une phrase claire, forte et motivante!!! Cette vision claire, il nous la faut et tout de suite ! Les idées n’en manquent pas. Le réservoir d’idées en est bien rempli. Ce dont on a besoin: la volonté politique et le courage de prendre des décisions pas toujours populaires ! Il me parait un MUST de prioriser ce chantier oh combien structurant et structurel pour l’avenir de notre pays!
  • Des symboles forts en vue de perspectives meilleures –Les symboles sont et resteront puissants, surtout quand ceux-ci émanent du plus haut étage de l’Etat. Ces symboles, bien ciblés et honnêtes, seraient à même d’infléchir la trajectoire même de l’histoire et transformer le destin d’un peuple. Ceci donnerait des signes de perspectives. Oui pour véhiculer un rêve fort réalisable et honnête et non pas propager des illusions et des promesses sans lendemain. Ce rêve maitrisé donnera l’espoir aux jeunes et sera un rempart contre le désespoir et contre les préd(ic)ateurs et les fous qui n’ont de dieu que leur haine et leur maladie mentale. Les symboles ne pourront exister ni être crédibles sans tout le travail sur la vision et la stratégie du pays…
  • Réformer l’Education Nationale et l’Enseignement Supérieur – Personnellement, je considère cet axe comme le nerf de la guerre contre le terrorisme et contre toute forme d’absurdité. Réformer l’école, le collège, le lycée et puis l’université en vue de former des citoyens en harmonie avec leur culture, leur environnement et leur époque est, à mes yeux, des plus nobles objectifs qu’un être humain puisse viser. Endoctriner à nos gamins, dès leur très jeune âge, les valeurs du vivre ensemble, du respect de la vie humaine, du travail, de l’effort, de la réussite, de la création, de la discussion, d’accepter les autres et leurs opinions, etc… est bien le sens même du terme vaccin auquel je fais référence dans ce modeste essai ! Oui le vaccin qui immuniserait nos enfants contre la peste, la variole, le choléra des manipulateurs, fous et ennemis de la vie et de dieu… Réformer tout notre système d’éducation et d’enseignement de bout en bout nécessite bien du courage, du souffle, et un sens exceptionnel du devoir envers sa patrie et envers les générations à venir. Si on aime ce pays et vraiment, il faut, sans tarder, prôner la refonte de notre éducation sur les valeurs et les technologies de l’ère nouvelle et cesser les comportements et pratiques illusoires d’autrefois.
  • Prôner et œuvrer en faveur de l’inclusion des zones défavorisées – C’est un axe indispensable pour la paix sociale et pour ajuster la distribution des richesses du pays, jusqu’alors concentrées au niveau des côtes et du nord du pays. Un pays économiquement déséquilibré ne peut qu’être défaillant à l’échelle sociale. Cet équilibrage passerait par la mise en place de gros projets d’infrastructure à même de créer des emplois tout en créant l’infrastructure nécessaire à même d’attirer les projets privés et ainsi établir les bases d’un développement régional à long terme. La question des moyens financiers reste bien entendu l’énigme à résoudre. Personnellement, je préférerais de loin emprunter pour ce type de projets et d’ambition que d’emprunter pour payer les salaires de fonctionnaires dont le nombre n’a cessé d’exploser durant les quatre dernières années. Là encore, il en faut beaucoup de courage, de sens de l’intérêt national et de vision claire et très bien avisée !

Je le ressens, je le sais…. La Tunisie retrouvera bientôt sa pleine forme

Sur le court terme, je n’ai aucun doute sur la solidité et la détermination de nos experts et des organes de l’Etat pour soigner le malade Tunisie. Encourageons-les, aidons-les, et surtout remercions-les pour leurs innombrables sacrifices ! La Tunisie et l’histoire leur en seront bien reconnaissantes.
Le challenge demeure tout entier sur le volet de la vision et de la stratégie long terme. En effet, une vision et une stratégie sur le plus long terme sont indispensables pour bien éradiquer les origines du terrorisme, à minima pour en réduire la propagation et le contenir par la suite. Une telle vision renforcerait sans doute l’autorité de l’Etat et ses symboles. L’absence d’une vision bien articulée, en revanche, verrait ces symboles se flétrir aux yeux des populations, des investisseurs étrangers et de tous les partenaires potentiels de la Tunisie. Les yeux de l’exécutif doivent être AUSSI rivés sur l’avenir de nos plus jeunes dans toutes les régions du pays et les responsabiliser à œuvrer pour une prospérité tant espérée.
Sans doute subissons-nous une secousse violente qui nous désoriente et nous bouleverse, mais ce peuple exceptionnel de Tunisie a su, à travers toute son histoire riche et lointaine, se ressaisir et se remettre debout car il ne peut imaginer ou accepter la déconfiture de son Etat ni de ses valeurs de tolérance, d’ouverture, d’hospitalité, de joie, de fête, d’espoir et de prospérité…

Dr  Jamel GAFSI
Directeur Général Microsoft Engineering Europe
Docteur en Sciences Informatiques et Réseaux de Communication

 


 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Touhami Bennour - 14-07-2015 14:44

Monsieur le travail que vous proposez risque de devenir permanent, car comment voulez vous arrêter une pluie torrentielle qui ne s´arrête pas en vidant seulemenmt les rues de l´eau qui coule, il faut d´une facon ou d´une autre avoir l´idée d´eliminer l´eau en attendant que la pluie s´arrête; et cela n´est possible que lorsque les dirigeants disent clairement aux dirigeant surtout Europeens d´arrêter cette campagne d´Islamophobie qui regne en Europe(car elle est politique). Dans ce cas les efforts des Tunisiens donneraient un resultat positif, sinon comment faire si l´Europe continue de fournir de la force d´abord á "DAECH" et ensuite au recrutement. Lá réside l´essentiel de la stratégie, et le reste est facile á faire arrêter. Je crois vous le dites vous meme que ce qui attire les jeunes c´est l´argent. Or nous sommes en transition democratique, et celle-ci demande un autre mode de developpement qui contiendrait une certaine égalité des chances et des revenus. La transition d´un système á un autre equivaut á une reconstruction du pays après une longue guerre( comme en Europe) car tous les secteurs sont touchés et ont besoin de reformes. Ca c´est necessaire, et nous ne pouvons pas chaque fois demander "un arrêt des revendications et greves etc..sans d´abord de revoir la situation du pays en general, alors comment on a fait une revolution?

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