News - 18.10.2022

Majdi Hassen: La consommation et la rareté des matières premières, comment s’en sortir

Majdi Hassen: La consommation et la rareté des matières premières, comment s’en sortir

Les épreuves s’enchaînent pour l’économie mondiale. Elle a été lourdement affectée par le ralentissement, voire l’arrêt pendant un certain temps de la consommation lors de la crise sanitaire, avec ses conséquences directes sur la perte d’une partie de la capacité de production et d’emploi. Le déclenchement par la suite du conflit russo-ukrainien sur fond de crise a exacerbé les pressions par rapport à une situation déjà fragile.

Ces deux crises n’ont fait qu’amplifier les conséquences d’une crise plus profonde dont les prémices  sont apparues avant l’avènement des deux autres plus récentes, même si on continue inopportunément à associer ces conséquences à la crise sanitaire ou au conflit russo-ukrainien  et non à la crise de la consommation.

Le développement économique mondial a toujours été toujours par l’augmentation de la consommation, et des nouveaux besoins apparaissent ; l’habitation et l’électroménager dans les années soixante puis les loisirs, y compris le tourisme, puis l’avènement des télécommunications et de l’internet, ensuite les besoins digitaux. Cette croissance de la consommation s’est accompagnée  d’une globalisation et une standardisation des modes et des produits de consommation, ce qui a permis de créer de la valeur par l’amélioration de la productivité et des économies d’échelle assez importantes.

Ce modèle est limité par la dépendance de la consommation mondiale à des matières premières plus spécifiques et notamment à la maturité de la consommation mondiale. Deux alternatives sont proposées, à savoir trouver de nouveaux consommateurs ou trouver, voire créer, de nouveaux besoins de consommation, une voie de solution déjà empruntée pendant plus d’un siècle, ou bien il faudrait revoir les choix économiques et les modes de consommation sous l’hypothèse de la stagnation, voire la diminution de la consommation mondiale.

Cette alternative est à étudier davantage car les deux crises consécutives ont provoqué des goulots d’étranglement dans les réseaux de transport maritime et ont perturbé les chaînes d’approvisionnement internationales. Et à l’échelle nationale, ces crises ont entraîné l’augmentation du coût des opérations commerciales et ont affaibli les efforts des détaillants pour gérer les stocks dans un contexte de fluctuation de la demande des consommateurs.

L’analyse de ce choc par l’observation de la volatilité à court terme des prix des deux principales matières premières, notamment le pétrole et le blé, est limitative. La volatilité est une traduction des anticipations des opérateurs concernant l’évolution des différents marchés, habituellement fortement corrélés au prix du pétrole. Sachant que les matières premières se distinguent les unes des autres par des caractéristiques intrinsèques en termes de production (la saisonnalité pour le blé). Notons que même si on retrouvait des prix d’avant-crise pour le blé et un baril moins de 100$, la volatilité et la perturbation sur les marchés persisteraient.

Mais, ce conflit a entraîné dans son sillage non seulement une forte hausse des prix de ces produits stratégiques, mais également une flambée des prix de  certains et la pénurie d’autres dont les sources de production sont moins diversifiées dans le monde.

Le grand défi pour l’industrie mondiale est de combler le manque des industries en matière premières nécessaires. La production industrielle dépendra désormais de la disponibilité des matières et non pas uniquement de la compétitivité, on est dans une logique de productivisme (produire devient l’objectif et non la compétitivité). Il en découlera une augmentation des prix joint à une sous-production de plusieurs produits de par leur dépendance de ces matières. Les pays et les entreprises capables de sécuriser leurs approvisionnements, soit à l’échelle nationale, soit internationale, pourront ainsi améliorer leurs parts de marché. Cette quête de sécuriser l’approvisionnement en matières premières contribuerait au façonnage d’un nouvel ordre mondial.

La persistance de la hausse des prix internationaux dans un contexte de faible croissance augure une surchauffe de la stagflation. L’augmentation du prix des matières premières et la stabilité de la demande (de la consommation) devraient être à l’origine d’une révision de modèles économiques pour favoriser la résilience dans les économies afin d’asseoir les souverainetés nationales et limiter les dépendances. C’est la solution pour contenir l’inflation, voire pour revenir à des niveaux modérés et  permettre aux économies et aux entreprises de renouer avec la croissance si des changements de modèles économiques s’effectuent à temps.

La quête de résilience économique et de souveraineté constitue un défi pour l’ensemble des pays et laisse la place à l’émergence du paradigme du productivisme qui privilégie la production et l’investissement à la finance, ainsi que le renforcement des capacités productives plus locales, pour une consommation à orienter aussi vers des produits et services locaux. Cette tendance du local peut déclencher des politiques protectionnistes, voire des tendances politiques plus locales et régionales qui peuvent menacer l’unité d’un pays.

Cette tendance du productivisme, de la consommation locale à l’adoption de nouvelles approches et aspects de la consommation pourrait aider à s’adapter à la pénurie continue de certains produits. Le changement des comportements de consommation et le retour à la consommation d’antan, plus locale et moins dépendante de l’importation, s’avèrent la voie à emprunter pour retrouver l’équilibre et contenir les effets inflationnistes avec toutes les conséquences et l’adoption qui en découlent. Si le Tunisien était amené à consommer plus de semoule que de farine dans sa nutrition, le consommateur européen consommerait plus de beurre que d’huile d’olive à son tour (à méditer).

Majdi Hassen
Directeur exécutif de l’IACE

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