News - 16.02.2021

Khemaies Jhinaoui et Andreas Reinicke - Tunisie: Une jeune démocratie qui a encore besoin d'une aide extérieure

Tunisie: Une jeune démocratie qui a encore besoin d'une aide extérieure

Par Khemaies Jhinaoui et Andreas Reinicke - La société tunisienne est aujourd’hui ouverte et moderne, mais les conditions de vie sont encore difficiles. L'Europe peut aider ce pays  avec l'allègement de la dette et le développement des infrastructures. En Tunisie, le Printemps Arabe a éclaté et c'est le seul pays où des conditions démocratiques prévalent aujourd'hui. Cependant, le pays se trouve entre-temps dans une crise économique et politique. De nombreuses personnes sont insatisfaites et, récemment, il y a eu des manifestations dont certaines étaient violentes. Nos auteur, l'ex-Ministre tunisien des Affaires étrangères Khemaies Jhinaoui et Andreas Reinicke, Ambassadeur d'Allemagne à Tunis jusqu'en 2020, montrent où se situent les problèmes du pays et quelle responsabilité l'Europe porte aujourd'hui. Lire l'article en allemand sur ZEIT ONLINE

Dix ans déjà, depuis que la Tunisie  a déclenché ce qu'on appelait «le printemps arabe».  Ce qui a commencé comme un soulèvement spontané dans la ville tunisienne de Sidi Bouzid a rapidement changé la donne dans les plus grandes parties  du monde arabe.  Aujourd'hui, le pays continue de jouir d'un  élan de démocratie qui a dégénéré dans de nombreux autres pays arabes en un cycle sans précédent de violence.
 Depuis, beaucoup de choses ont changé en Tunisie, mais malheureusement pas toujours pour le mieux. Les germes de ce que l'on espérait apporter la démocratie moderne n'ont pas répondu aux attentes ambitieuses des jeunes qui sont descendus dans la rue en quête d'un emploi, de la dignité et simplement d'une vie décente.

Aujourd'hui, la Tunisie est considérée comme le pays le plus libre de la région MENA car ses citoyens ont atteint un degré inégalé de droits politiques et de libertés civiles. Un grand nombre de journaux, de médias dont les chaînes de télévision et les réseaux sociaux se disputent dans la vie quotidienne des reportages devant un large public avide et insatiable de liberté de pensée et d'expression.  La société civile est en plein essor avec un écosystème de start-up remarquable.  La vie culturelle est devenue vivante et diversifiée.

Depuis lors, beaucoup de choses se sont passées en Tunisie, même si ce n’était pas toujours pour le mieux. Le processus dont de nombreux jeunes Tunisiennes et Tunisiens espéraient une démocratie moderne et réussie, n'a pas pu répondre à leurs attentes ambitieuses. Il y a dix ans, de nombreux jeunes sont descendus dans la rue pour manifester en faveur du travail, de la dignité et d'une vie honorable.

Nombreux sont les Tunisiennes et Tunisiens qui sont déçus

Malgré les performances politiques indiscutables couronnées par quatre élections nationales et locales démocratiques et transparentes, trois tours consécutifs de transfert pacifique du pouvoir, la transition démocratique semble bloquée  sur un certain nombre de questions importantes.  Plus de 200 partis politiques sont officiellement reconnus, dont une dizaine de partis opérationnels et participants activement à la vie politique avec une présence au Parlement.  Le retard injustifié de la mise en place de la Cour constitutionnelle, institution pivot pour contrôler le bon fonctionnement des différents instruments des pouvoirs politiques, conduit à une perte de respect de la Loi fondamentale.  En outre, la réforme si nécessaire de la loi électorale, condition préalable pour corriger la fragmentation actuelle au sein du Parlement, conduit à une instabilité de l'organe exécutif.

Un profond sentiment de déception est partagé aujourd'hui entre de larges segments de Tunisiens.  L'élite et les politiciens sont accusés de l'échec des gouvernements successifs à améliorer les conditions de vie et à initier des politiques appropriées capables de générer des réformes et d'éradiquer une lourde  bureaucratie , aggravée par une  corruption métastasée.

Mais soyons réalistes: jusqu'à présent, aucun pays n'a réussi à lui seul dans sa transition vers la démocratie.  Un nombre important d’expériences contemporaines montrent l’importance du soutien étranger dans la construction d’institutions fortes et durables et dans le soutien à la reprise économique.  S'il est impératif que le principal facteur de changement et d'amélioration soit d'origine locale, il est également vrai qu'un effort supplémentaire de la part des partenaires de longue date serait un coup de pouce bienvenu.

Les pays d’Europe orientale et centrale ne se sont-ils pas appuyés sur leur identité européenne pour convoiter une adhésion à part entière à l’UE et sur leurs relations tumultueuses avec la Russie voisine pour enfin se placer sous le parapluie protecteur de l’OTAN? 

Une situation comparable s'est produite dans les pays d'Asie du Sud-Est qui ont obtenu un soutien économique du Japon pour consolider leur démocratie, associé à une protection sécuritaire des États-Unis. La Corée du Sud en est un exemple. La reconstruction économique et démocratique de la République fédérale d'Allemagne après 1945 n'aurait pas non plus été possible sans l'aide de Washington.

L'Allemagne et l'UE ont généreusement soutenu la Tunisie depuis 2011. D’un point de vue réaliste, un soutien financier et politique supplémentaire est encore nécessaire. Comme le montre l'expérience dans d'autres régions du monde, le processus de transition démocratique en Tunisie prendra encore un certain temps. Et tout comme c’était le cas en Europe centrale et orientale, une part substantielle du soutien économique devrait consister en des subventions, et pas seulement en des crédits. L'instabilité financière de la Tunisie ne peut être combattue que par la réduction de la dette et lareconversion des prêts. Un soutien est particulièrement nécessaire pour la modernisation des infrastructures telles que les chemins de fer, les ports, les centrales électriques, les écoles et les hôpitaux.

Cependant, cette aide financière doit être liée à une volonté sans équivoque des décideurs politiques d'introduire et de mettre en œuvre des réformes en Tunisie. Ils doivent garder à l'esprit que le soutien allemand et européen dépend de la capacité de la Tunisie d’introduire plus de transparence dans son système financier et économique. La plupart des gouvernements tunisiens ont promis d'introduire ces réformes, mais se sont enlisés dans la confusion des crises politiques internes. Cela devrait rapidement changer dans l’intérêt propre de la  population tunisienne. Les tunisiens espèrent un environnement dans lequel tous les acteurs économiques pourront être de la partie.

Toutefois, les entreprises allemandes et européennes doivent aussi pouvoir participer activement à cette énorme et pressante reconstruction économique de la Tunisie. Ce serait une situation gagnant-gagnant pour tous les partenaires. Investir en Tunisie est d'une importance géopolitique, sociale et économique et présente un intérêt aussi bien pour la Tunisie elle-même que pour l'Allemagne et l'UE.

 

Khemaies Jhinaoui
A été Ministre des Affaires étrangères de la Tunisie de 2016 à 2019.Il est le fondateur et président du « Conseil Tunisien des Relations Internationales ».

Andreas Reinicke
A été Ambassadeur d'Allemagne en Tunisie de 2014 à 2020 et est aujourd'hui Conseiller pour l'Afrique du Nord auprès du Ministère fédéral allemand de la Coopération économique.

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1 Commentaire
Les Commentaires
kouini - 17-02-2021 15:07

oui aider la tunisie mais ne faite pas la faute de donner de l'argent ils vont tous d'etourné tous ce mettre dans la poche

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