News - 20.07.2018

Officiel: l’apartheid est légal en Israël. Judaïsme et démocratie, entente impossible ?

Officiel: l’apartheid est légal en Israël.  Judaïsme et démocratie, entente impossible ?

Mercredi 18 juillet 2018 était la Journée Internationale du centenaire de Nelson Mandela et l’ancien président Barack Obama a tenu à se rendre en Afrique du Sud pour marquer cette journée dédiée au grand homme, tombeur de l’apartheid et du racisme afrikaner.

C’est le jour choisi par Netanyahou et son parlement pour discuter d’un projet de loi fascisant et frappé au coin d’un racisme prononcé que même le président de l’Etat sioniste considère comme dangereux pour la sécurité du pays et son prestige à l’étranger. Pour bien des observateurs, cette loi prive Israël  de sa  « nature démocratique » car, comme chacun sait, « Israël est le seul Etat démocratique du Moyen-Orient » comme le prouve son traitement quotidien des Palestiniens, n’est-ce pas !

Une loi raciste dirigée contre les palestiniens

Par 62 voix contre 55 et 2 abstentions, les parlementaires israéliens ont approuvé aux premières heures du jeudi 19 juillet 2018 une loi - dont la rédaction a nécessité sept ans - définissant Israël comme « foyer national du peuple juif »  à l’occasion du soixante-dixième anniversaire d’Israël. En 2006 déjà le député Azmi Bichara avait présenté un contre-projet à cette loi avant d’être contraint à l’exil. La nouvelle loi dit qu’ « Israël est l’Etat-nation du peuple juif dans lequel il réalise son droit naturel, culturel, historique et religieux à l’autodétermination. » Pas un traître mot quant aux autres communautés du pays - dont la communauté arabe soit 21% de la population. Si les juifs seuls ont droit à l’autodétermination d’après cette loi, les Palestiniens, eux, n’y ont pas droit ! Ainsi est  ouvertement violée la Déclaration d’indépendance du 14 mai 1948 - lue solennellement par Ben Gourion - qui prenait l’engagement d’assurer « une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ».»

L’Etat sioniste n’a pas de constitution** mais ce nouveau texte déclaratif fait office de  Loi fondamentale. Il traite des attributs de souveraineté tels l’hymne, le calendrier juif, le chandelier à sept branches, les fêtes juives, le drapeau et la langue officielle. De plus, il désigne Jérusalem comme la capitale « complète et unifiée » d’Israël en complète contradiction avec le consensus international qui exige des négociations de paix avec les Palestiniens sur cette question. L’hébreu est la seule et unique langue de l’Etat, l’arabe perd son statut de langue officielle, et est réduit à un vague « statut spécial » par cette loi scélérate.  Israël accorde une « valeur nationale » au développement de communautés juives qu’il se propose d’encourager ; communautés d’où les juifs sépharades, les non-juifs… pourraient être  exclus même si l’article afférent a été adouci après les critiques du président d’Israël  Reuven Rivlin.  S’adressant à Netanyahou, le député palestinien d’Israël Ahmed Tibi dit : « Votre loi est une loi d’apartheid, une loi raciste » ajoutant : « Pourquoi avez-vous peur de la langue arabe ?» Pour Tibi, cette loi signifie « la mort de la démocratie. » A noter que le contre-projet de loi fondamentale proposé par les députés arabes a été violemment repoussé.

Pour YaÏr Sheleg, de l’Institut pour la démocratie en Israël, cette loi « ne parle que de la préservation de la judéité. Il n’est dit nulle part qu’Israël est un Etat démocratique. » (Le Temps (Suisse), 19 juillet 2018).

A l’annonce du vote de la loi portée par son parti, le Likoud, Netanyahou a déclaré en se rengorgeant : « 122 ans après la vision de Herzl, avec cette loi, nous posons le principe fondamental de notre existence. Israël est l’Etat-Nation du peuple juif et il respecte les droits de tous ses citoyens. Les fondements de notre existence sont aujourd’hui garantis.»

En fait, par cette loi, Netanyahou révèle l’influence des orthodoxes et des ultra-orthodoxes sans lesquels il n’a pas de majorité pour rester au pouvoir. Elle révèle aussi l’influence énorme de la religion et des ultranationalistes tant au gouvernement que chez les supporters  du Premier Ministre israélien. Cette loi va aggraver les fractures béantes à l’intérieur de la société israélienne minée par la pauvreté des classes populaires de la population, la cherté de la vie, le racisme anti-sépharade, les outrances des ultraorthodoxes, le rejet par les russophones des prescriptions religieuses (respect du sabbat, mariages religieux, arrêt des transports publics et des voyages en avion le samedi…)

Netanyahou et son parti font d’Israël un ghetto juif

Face à l’interprétation grossièrement mensongère de Netanyahou de la nouvelle loi, les députés arabes ont déchiré le texte de la loi en agitant un drapeau noir. Ils  ont été exclus manu militari de la plénière de la  Knesset (parlement). Le député Ayman Odeh, le président de la Liste Unifiée (partis arabes) a publié une protestation dans laquelle il affirme qu’Israël « a déclaré qu’il ne veut plus de nous ici » et c’est pourquoi il a fait « voter une loi de suprématie juive et nous dit que nous serons toujours des citoyens de deuxième classe. »

Les juifs progressistes sont contre cette loi « qui met en danger l’avenir d’Israël ».

Pour le rabbin Alissa Wise (Jewish Voice for Peace, Berkeley, Etats Unis), ce texte constitue une mesure « odieuse, raciste et discriminatoire. Il vise à punir les Palestiniens et à leur dénier les libertés et les droits les plus fondamentaux. »

L’historien Dominique Vidal, analysant le projet de cette loi en avril dernier,  relevait que, dans ce texte, « Israël est « l’ État-nation » de tous les Juifs, où qu’ils se trouvent. Or le gouvernement de droite et d’extrême droite d’Israël s’est évidemment bien gardé de consulter les Juifs concernés afin de savoir s’ils étaient d’accord avec ce détournement. Dont on mesure sans mal les risques majeurs : associés de fait à Israël, même à leur corps défendant, ne seront-ils pas considérés comme co-responsables de sa politique ? On imagine le prétexte ainsi fourni à l’antisémitisme, y compris violent. Il est vrai que ces gens voient dans les attaques anti-Juifs un instrument efficace pour stimuler l’immigration en Israël... » (Médiapart, blog de l’AFPS-France-Palestine Solidarité, 4 avril 2018). Mais des millions de juifs des Etats Unis, de France, d’Argentine… boudent Israël, « Etat-Nation du peuple juif » à en croire Netanyahou.

Des gages aux nationalistes et aux ultra-orthodoxes

En réalité, cette loi vise à réaliser le rêve du « Grand Israël » de Jabotinski - dont le père de Netanyahou était le secrétaire - et prépare l’annexion de la Cisjordanie, mettant le dernier clou au cercueil des  accords d’Oslo et privant les Palestiniens de droits politiques. Donc, apartheid assumé… alors que l’Occident se tait face à ces graves violations des lois internationalement admises.

Imaginez le scandale en Occident, les gros titres, les pétitions des intellectuels, les cris d’orfraie de Zemmour, Bernard-Henry Lévy… et les manifestations si une  loi semblable était prise- qu’à Dieu ne plaise- contre les juifs en Iran ou en Turquie !

Le New York Times note que Netanyahou et son gouvernement - le plus à droite et le plus religieux en 70 ans d’existence d’Israël, soutenu comme jamais par le président Trump - avance à marches forcées face à une opposition faible. Il réduit de plus en plus la liberté des médias, il grignote les pouvoirs de la Cour Suprême, limite les activités des associations de gauche, prend des mesures qui confinent à l’annexion de la Cisjordanie et mine l’autorité de la police qui a recommandé, à deux reprises, son inculpation pour corruption et escroquerie.  Et le journal de conclure : « Mais aucune de ces expressions du pouvoir politique n’a plus de poids symbolique que cette nouvelle loi fondamentale. » (David M. Halbfinger et Isabel Kershner, 19 juillet 2018).

Pour Omar Barghouti, du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) : « Israël a des douzaines de lois racistes qui répondent à la définition de l’apartheid énoncée par l’ONU. Par cette loi constitutionnelle, Israël se déclare effectivement comme Etat d’apartheid et il jette son masque démocratique usé. A partir de maintenant, il sera non seulement légal de discriminer racialement contre les citoyens indigènes palestiniens mais il  sera constitutionnellement requis et ordonné. C’est ce qui doit pousser les gens, les institutions et les gouvernements à prendre des mesures effectives pour qu’Israël rende des comptes. »

Mohamed Larbi Bouguerra

** Israël n’a pas de constitution car David Ben Gourion,  en 1948,  ne voulait pas s’aliéner les juifs orthodoxes pour lesquels un Etat juif ne peut avoir comme constitution que  la loi juive,  la Halaka.
A noter que le drapeau israélien comporte deux bandes bleues : l’Euphrate et le Nil, frontières d’Israël ? Israël n’a jamais défini ses frontières !

 

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