News - 22.06.2016

A méditer: les italiens ont «dégagé» la caste politique de leur pays

A méditer: les italiens  ont «dégage» la caste politique de leur  pays

Ce qui vient de se passer en Italie, dimanche 19 juin 2016, lors des élections municipales n’a rien de banal. Un vrai signal d’alarme pour tous les démocrates.
Un parti - le Mouvement Cinq Etoiles (M5S), créé en 2009 par un comique génois, Beppe Grillo- qui s’est fait connaître en attaquant « la caste » des hommes politiques et en maniant le thème « tous pourris » cher à l’extrême droite- dans un pays où des affaires de mafia, de corruption et d’abus perpétrés par les élus font quotidiennement les délices des médias, vient de remporter une éclatante victoire.

Renouvellement

Dans 19 des 20 villes où le M5S s’était qualifié au second tour, il est sorti vainqueur, remportant notamment les mairies de Rome et de Turin - excusez du peu ! Sa candidate Virginia Raggi, une avocate de 37 ans, va être la première femme à gouverner la Ville Eternelle. Elle a défait le candidat soutenu par le président du Conseil - même si son programme a été à peine évoqué au cours de la campagne électorale. Il est vrai qu’à Rome, on a surtout voté contre la corruption qui gangrène la capitale italienne et le laisser-aller général d’une ville couverte de graffitis et aux bus branlants… et parfois inflammables ! Les Italiens ont voté d’abord pour de nouveaux visages et de nouvelles idées. « Renouvellement » : tel était le maître mot lors de la campagne électorale.  L’éditorialiste de la Stampa (Turin) écrit en première page : « Pour la première fois dans l’histoire, la rage des Romains et des Turinois s’est exprimée dans le rejet de quiconque a une expérience affirmée en politique ou en gestion ». L’inexpérience politique même de Mme Raggi a été un atout en sa faveur tant les Romains avaient envie de balayer les vieux chevaux de retour agrippés aux basques de la ville comme Romulus et Remus tétant la louve, symbole de la cité.  Mme Raggi déclare au New York Times (20 juin 2016): « Je travaillerai pour apporter la légalité et la transparence. » Il y a peu, cette femme était une parfaite inconnue que Beppe Grillo a découverte dans des cercles de discussion citoyens. Elle aura fort à faire dans une ville dont le quart de la voirie est à refaire et où les ordures s’amassent dans les rues. Elle aura fort à faire pour mettre au travail les 23 000 fonctionnaires municipaux dont le quart ne se présente pas à son poste quotidiennement.

Que de points communs avec des situations que connaissent bien les Tunisiens!

En un mot comme en cent, on assiste à une ascension fulgurante  d’un parti qui vient de faire mordre la poussière au fringant et jeune chef du gouvernement Matteo Renzi, leader du PD (Parti démocrate), appelé « le matador » par Mme Merkel, la chancelière allemande. Renzi fait une politique libérale donnant aux patrons plus de liberté pour embaucher et pour licencier. Son avenir politique paraît bien compromis maintenant (The Guardian (20juin 2016) et Beppe Grillo, vantard,  annonce : « ce n’est qu’un début » ! M. Renzi a beau dire que ces élections municipales - 1300 scrutins quand même - n’ont pas de caractère national, il n’en demeure pas moins qu’on a là un bien mauvais présage pour le référendum prévu en octobre prochain. Lors de cette consultation, M. Renzi voudrait amener les Italiens à accepter une révision de la Constitution qui sclérose la vie politique du pays car elle accorde autant de pouvoir au Sénat qu’à la Chambre des députés. Preuve de la débâcle des politiciens traditionnels, une partie de la droite (Berlusconi), de la gauche de la gauche et de la Ligue du Nord (droite) ont appelé à voter M5S.

Sus aux professionnels de la politique

Les électeurs de la Péninsule ont choisi d’abord la nouveauté - jetant aux orties  les politiciens professionnels - et ont tourné le dos à une classe politique « jugée incapable ou vieillissante » (Le Monde, 21 juin 2016, p. 2). Le M5S  est un parti populiste, adossé à un virtuose de l’Internet, qui a triomphé à Rome car les gens ont voté avant tout contre la corruption, contre les professionnels de la politique et leurs sales combinazzioni. Ils ont voté pour l’ « onesta » (l’honnêteté). Au plan national, il a remporté le quart des suffrages. Grillo a refusé de discuter avec les partis établis car, de son point de vue, « tous pourris » ;  conduisant ainsi la politique italienne dans l’impasse. C’est un parti anti-euro et anti-européen dont les représentants au Parlement Européen siègent sur les bancs ultra-conservateurs aux côtés des xénophobes britanniques (l’Humanité 21 juin 2016, p. 11).

Comme l’ont  fait les Espagnols en décembre dernier, les Italiens viennent de démontrer qu’un nouveau mouvement politique en marge des canaux politiques traditionnels peut remporter d’importants succès.

Garder sa dignité a la politique

Bien sûr, comparaison n’est pas raison mais à l’heure où, chez nous,  le monde politique s’agite frénétiquement pour des miettes de pouvoir, s’invective copieusement à l’ARP et fait preuve d’une catastrophique myopie vis-à-vis des difficultés et du mal-vivre de nos compatriotes,  prendre de la graine de ces élections municipales italiennes serait bien  indiqué. Il faut éviter aux Tunisiens ce qu’on observe en Italie. Le Monde rapporte cette confession d’un électeur romain désabusé… et un rien hypocrite : « Je vote Raggi, mais elle ne fera pas le poids. Dans deux ans, elle démissionne et il y aura de nouvelles élections avec cette fois, des candidats valables. »

Il faut redonner confiance aux Tunisiens - et notamment aux jeunes - dans leurs politiciens, leurs partis et mettre en avant le débat d’idées… pour bannir la violence qui s’exprime si couramment.
Il faut garder sa dignité à la politique et rappeler ce mot de Thucydide (historien athénien, 460 avant J.C) qui disait : « ….Nos citoyens ordinaires… sont de bons juges des affaires publiques ; nous regardons l’homme qui ne prend pas part aux affaires de la Cité comme bon à rien. Nous, les Athéniens,  sommes capables d’avoir un avis sur tout évènement et au lieu de considérer la discussion comme un obstacle devant l’action, nous pensons qu’elle est un préliminaire absolument  indispensable à toute action avisée. »

Mohamed Larbi Bouguerra
 

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