Opinions - 12.09.2014

Une campagne présidentielle en perdition

La campagne présidentielle en Tunisie prend une tournure psychédélique. Outre le nombre hallucinant, voire indécent de candidats, le parcours sulfureux de certains et la personnalité sans relief d’autres, l’accumulation des malentendus sur la nature de l’élection, la fonction présidentielle elle-même et le profil qu’elle exige rend la campagne d’une confusion extrême. Manifestement, la plupart des candidats se trompent d’élection et trompent les électeurs sinon eux-mêmes.

Il s’agit d’élire un Président de la République, pas de choisir un chef du Gouvernement dont les prérogatives sont autres. En effet, et aux termes de la Constitution, le Président de la République est compétent pour définir la  politique générale dans les domaines de la défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale relative à la protection de l’Etat et du territoire national des menaces intérieures et extérieures. Il n’est donc ni l’inspirateur ni le premier décideur ni même le comptable de la politique intérieure, socioéconomique notamment,  laquelle politique est de la seule compétence de la majorité parlementaire et du gouvernement qui l’aura désigné.

Au surplus, le Chef de Gouvernement est plus en droit, politiquement et juridiquement, de s’immiscer dans le « domaine réservé » du Président que ne l’est le Président pour agir de même dans celui du Gouvernement et de l’Assemblée législative. A cela une raison : la diplomatie et la défense constituent des domaines qui doivent prendre en considération les impératifs de la politique intérieure. Cet aspect des choses est soit escamoté, soit incompris de la plupart des candidats à la présidentielle.

Certains candidats à la présidentielle n’hésitent pas pourtant à faire valoir leur «expertise technocratique», expertise toute relative d’ailleurs, pour légitimer leur candidature. Il s’agit là d’une grave escroquerie politique et intellectuelle. Primo, le Président de la République est avant tout le symbole de l’unité nationale et le garant de la continuité de l’Etat. Son profil ne peut être que politique, au sens noble du terme. Certes, un économiste peut se muer en homme d’Etat, de même qu’un juriste, un militaire ou un «cheik» d’ailleurs, sauf que nonobstant quelques exceptions notoires et « accidentelles» près comme le Général de Gaulle en France ou Vaclav Havel en la défunte Tchécoslovaquie, l’accession des «bienheureux» et des «non initiés» à la magistrature suprême n’a pas répondu aux espoirs mis en elle. Secundo, face à la crise de régime qui s’annonce, face à une majorité parlementaire introuvable et en tout cas vraisemblablement instable et cyclothymique en raison, notamment, du mode scrutin et de la mainmise des partis sur la vie politique, le futur Chef de l’Etat doit avoir suffisamment d’épaisseur, de fermeté et d’expérience politique pour sauvegarder l’unité nationale  et assurer la continuité de l’Etat.

Dans un contexte politique aussi chahuté, tout devient possible y compris de voir la magicienne Nahdaa nous sortir un lapin de son chapeau pour susciter la candidature d’un ex ministre de Ben Ali ou d’un compagnon de route qui ne lui ferait pas de l’ombre. On pourrait tout aussi bien assister à la résurgence de cette charogne qu’est le régionalisme dont l’odeur fétide et nauséabonde commence à s’échapper de la campagne électorale. Plusieurs autres scénarios sont envisageables, dont celui d’un sursaut national salvateur de dernière minute. Mais ce qu’on peut redouter le plus est que l’on vienne un jour à regretter la présidence de Moncef Marzougui. Venant après les regrets formulés par certains à l’égard de la présidence de Ben Ali, ce serait le summum de l’absurde, de l’indécence et de l’auto flagellation.

Habib Touhami
 

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3 Commentaires
Les Commentaires
T.B. - 12-09-2014 21:57

Je crois que le president actuel il s´appelle Moncef Marzouki, avec K et non gu. A part ca vous avez raison qu´il ya des malentendus sur les elections et meme des illusions sur la fonction du president de la Republique. Pour passer á la democratie, il en faut beaucoup d´expériences politiques mais aussi culturelles. L´imaginaire de la dictature crée de la convoitise et des illusion, on cherche le prestige et les titres, et on espère les trouver dans cette fonction supreme. Mais hélas il n´y en aurait pas. Rien que les collaborateurs pourraient lui rappeler les obligations de la fonction. En tous cas plusieurs candidats, où seul un passera, c´est mieux qu´un dictateur non élu.En fin je pense que votre dernière remarque sur Ennahda me parait etrange, comment ca ses dirigeants sont-ils á ce point cyniques? ou c´est le people qui est ce point naïf?

el hani abdelhamid - 12-09-2014 22:58

on a l'impression que les 50 milles dinars alloues a chaque candidat font saliver certains.pour d'autres l'eparpillement des voix est l'objectif principal.a chacun ses intentions.l'interet de la tunisie doit etre au dessus de la melee et dans l'esprit de chacun .

Citoyenne tunisienne - 26-09-2014 11:33

Qui doit on plaindre le plus la Tunisie ? Les Tunisiens? Les jeunes? L'analyse de la situation est claire , la plus proche de la réalité . Comment peu de tunisiens conprennent que la situation est grave et qu'il faut être clairvoyant et se battre pour la démocratie , la liberté Des le début les Naadhaouis ont tout manigancé , à travers leurs représentants fantoches de l'ANC . Président sans pouvoir, AN responsable de tout le pouvoir Tunisien

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