Opinions - 28.04.2014

Pourquoi l'Algérie a choisi de nouveau Bouteflika?

Vue de Paris, de Berlin, de Washington et même de Tunis, l’élection pour un quatrième mandat de l’Algérien Abdelaziz Bouteflika est «une hérésie», impossible de la voir se répéter ailleurs. Car pour tenir un pays, un homme doit avoir au moins la santé du corps, la vivacité de l’esprit et la capacité de regarder devant. Donc c’est pour le moins curieux que la classe politique comme le peuple algériens aient accepté le «défi de la vieillesse». Il y a pourtant des raisons à cela et elles sont solides.

Echaudée par la longue nuit du terrorisme sanguinaire au cours des années 90, l’Algérie ne veut plus jamais voir cet épouvantail revenir et colorer de rouge vif et de noir sombre le pays de la blancheur et de la clarté. Bouteflika est l’homme qui a mis en place la politique de concorde et a réussi à contenir le terrorisme qui n’a pas disparu mais qui est devenu très marginal pour le grand bonheur du peuple algérien. Rien que pour ça le président est réélu par un peuple reconnaissant.

Au lendemain du déclenchement des printemps arabes, fin2010-début 2011 partant de Tunis en allant au Caire, Sanaa, Tripoli et Damas, beaucoup estimaient qu’Alger devait tôt ou tard leur emboîter le pas, car les ingrédients de la révolte qui existaient là-bas étaient présents ici aussi. Mais malgré certaines tentatives, les cassandres devaient déchanter. Les Algériens avaient choisi la stabilité et à aucun prix ils ne voudraient renier ce choix. Bouteflika qu’on le veuille ou non est le garant de cette stabilité. C’est du reste le sens de son maintien dans ses fonctions.

Pays riche, tirant l’essentiel de ses moyens de ses ressources pétrolières et gazières qui sont importantes, l’Algérie était un pays sous-développé au niveau des infrastructures, dépourvu de tout y compris de quoi satisfaire les besoins d’une population aspirant légitimement au mieux-être. C’est avec Bouteflika et grâce de lui que l’Algérie s’est dotée d’un réseau autoroutier, d’un aéroport flambant neuf, d’un métro qui fait la fierté des Algériens. L’Algérie a payé ses dettes rubis sur ongle ce qui est pour un peuple fier et orgueilleux un soulagement et une satisfaction. Pour cela aussi les Algériens doivent à leur président sortant-élu une fière chandelle.

Le chef de l’Etat algérien a été certes victime d’une attaque vasculaire cérébrale (AVC) sévère et on a craint pour sa vie et sa convalescence a été longue, mais l’Algérie n’a à aucun moment souffert de son absence. C’est que les institutions qu’il a mises en place ont bien fonctionné. Le gouvernement dirigé par un Premier ministre, un parlement pluripartite, des conseils multiples et variés, tout l’appareil institutionnel a tourné à plein régime. L’Etat n’a pas été aux abonnés absents comme on a pu le craindre. L’Etat, ce sont surtout les institutions et sur ce plan, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

Pour toutes ces raisons, les Algériens ont choisi la continuité plutôt que la rupture, d’autant que l’outsider le plus sérieux du président, le candidat  Ali Benflis était un proche du président et ne pouvait prétendre être sérieusement un opposant déterminé à lui. Pour le commun des Algériens c’est surtout un conflit de personnes, tout au plus un conflit générationnel qu’autre chose. Attachés à la notion d’aînesse, portés au respect d’un homme qui, quoique malade, veut et peut toujours servir sa patrie;  les Algériens ont porté leur choix sur Bouteflika parce qu’il incarne aussi les valeurs de la société algérienne.

Pour autant ce ne sont pas tous les Algériens qui ont fait ce choix. Un grand nombre a dit « assez » (kifaya) à un homme malade et à un système qui selon eux «a fait son temps». Si on ajoute les 20% qui n’ont pas voté pour Bouteflika aux 49% qui n’ont pas participé au scrutin, cela fait beaucoup de monde, en tout cas une majorité d’Algériens.
De ce point de vue, le président réélu est contraint à des réformes radicales et pour lui douloureuses. Au cours de ce quinquennat, il doit préparer la relève des générations. La nomination d’un vice président paraît impérieuse. La responsabilisation du gouvernement qui doit rendre compte au Parlement l’est également. On dit d’ailleurs qu’un «paquet» de réformes constitutionnelles sont sur le bureau du président qui fera connaître rapidement ses choix. A l’anarchie des soulèvements des «printemps arabes», l’Algérie semble préférer le changement sage dans une continuité reconnaissante. C’est un choix qu’il faut respecter.

Le tunisien Habib Kaabachi ancien ambassadeur, actuellement directeur des affaires politiques arabes à l’Organisation de la Coopération islamique qui a dirigé la mission d’Observation de l’OCI à l’élection présidentielle algérienne n’est pas loin de partager cette analyse même s’il ne peut pas le dire aussi ouvertement en raison de l’obligation de réserve attachée à sa fonction. Pour lui, le scrutin s’est déroulé dans des conditions de liberté et de transparence selon les standards internationaux, mais aussi dans le calme et sans violence. Prétendre comme l’ont fait certains candidats qu’il y a eu «fraude massive» en faveur du candidat Bouteflika  est loin de refléter la réalité. Il n’exclut pas que certains «zélés» de tout bord aient cherché à améliorer le score de l’un ou l’autre de leurs candidats mais c’était loin de constituer un phénomène de masse et en tout cas ce comportement que son équipe n’a pas observé ne pouvait avoir d’effets sur les résultats définitifs, estime-t-il. Les équipes d’observateurs, celle de l’OCI, celle de la Ligue Arabe et celle de l’Union Africaine ont pu travailler en  toute indépendance et circuler librement entre les bureaux de vote (la sienne en a visité pas moins de 250 bureaux dans plusieurs wilayas) où elles ont voulu aller,  sans remarquer quoi que ce soit qui puisse entacher ces élections, a-t-il affirmé. M. Kaabachi  a tenu d’ailleurs au nom de son organisation à «féliciter » les autorités algériennes pour leur «souci de bâtir les institutions constitutionnelles, consolider la démocratie et la bonne gouvernance» dans leur pays.

R.B.R.

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4 Commentaires
Les Commentaires
Habib Trabelsi - 28-04-2014 17:50

Certes, Sir Raouf, «Bouteflika est le garant de la stabilité & c’est le sens de son maintien dans ses fonctions ». Mais, je pense que la transition se fera non pas « au cours du quinquennat… ». Elle se fera BEAUCOUP PLUS TOT, mais EN DOUCEUR. Voici pourquoi : * La prestation de serment par Bouteflika, tassé dans un fauteuil roulant, plus affaibli que jamais, risque d'alimenter encore plus la polémique sur sa capacité à diriger le pays. L’ancien premier ministre Abdelmalek Sellal sera probablement chargé par Bouteflika de former le nouveau gouvernement. L’opposition, qui avait rejeté le résultat du scrutin et dénoncé une fraude, a boycotté la cérémonie. * Lakhdar Brahimi, dont des sources diplomatiques avaient affirmé la démission de son poste de médiateur international de l'Onu et de la Ligue arabe pour la Syrie (ce qu’il pas encore démenti ou confirmé. Il ne tarderait pas à l’annoncer officiellement), sera probablement l’homme de cette transition. Il sera probablement nommé vice-président dans une prochaine étape. Bouteflika sera mis en veilleuse. La colère sera ainsi absorbée. * Rappelons-nous ce qu’avait dit Abdelaziz Belkhadem durant la a déclaré Abdelaziz Belkhadem, l'ex-secrétaire général du FLN et membre de la direction de campagne de Bouteflika : « Le prochain mandat sera celui de la transition pour passer d'une étape à une autre, d'une génération à une autre ». Certes, Lakhdar Brahimi, ancien secrétaire général de la Ligue arabe et ancien ministre des Affaires étrangères, a 85 ans, mais c’est un diplomate chevronné qui jouit d’un charisme et d’un consensus très large et à l’intérieur, en raison de son réseau de relations régionales et internationales. Il est normal qu’il soit le mieux placé pour assurer la transition. * D’ailleurs, ça pourrait avoir fait l’objet de sa rencontre, le 13 avril avec Bouteflika, en pleine campagne électorale. * Ce n'est qu'une hypothèse.... wait & see!

Citoyenne tunisienne - 29-04-2014 08:03

Que le peuple algérien est sage d'avoir pris cette décision . Il ne s'est pas enflammé pour aller vers un avenir chaotique comme l'exemple donné par certains de ses voisins. L'Algerie a eu de la chance de ne pas avoir été dans le collimateur des islamistes saoudiens et katarie

Amel - 29-04-2014 08:29

..ces analyses ne suffisent pas et le temps du sauveur est révolu/ donc puisque les institutions se sont bien installées lors de sa gouvernance, pourquoi alors avoir peur? une autre personne de son parti prtant son projet pourrait faire l'affaire et éviter "cette mascarade" exusez moi pour ce mot car j'ai un grand respect au peuple Algériens!!!Bonne chance pour l'Algérie

Rachid Barnat - 29-04-2014 13:31

QUAND UN PEUPLE EST CONTRAINT DE CHOISIR ENTRE LA PESTE ET LE CHOLÉRA ! L'Algérie bien que riche, son chef d'état n'a pu en trois mandats sortir les algériens de leur misère ! Cela laisse des doutes que le 4 éme mandat soit le "bon" ! Mais ceci dit, entre la peste et le choléra les algériens ont choisi le moindre mal ! Car la menace des islamistes et plus particulièrement des Frères musulmans est réelle : il suffit de voir les dégâts provoqués par Qatar et les Ibn Saoud dans les Républiques "arabes" lors du "printemps arabe" !! Espérons que ceux qui détiennent réellement le pouvoir en Algérie, feront que ce 4 ème mandat soit celui de l'ouverture vers les forces progressistes, pour marginaliser sinon neutraliser les islamistes, véritable cancer du siècle !! On en arrive a souhaiter la victoire de Bachar al Assad, depuis que les bédouins se sont invités dans la révolution syrienne !!!

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