News - 10.11.2012

Investissement et coopération internationale : Est-ce suffisant ?

Passé l’euphorie des premiers mois de la révolution, puis des élections, les bailleurs de fonds internationaux commençaient à se faire moins enthousiastes, certains parmi eux ne tenant pas leurs promesses d’aide et de soutien. Certes, les propos sont toujours prometteurs mais de là à les convertir en décaissements, l’œuvre n’est guère facile. Pourtant, il fallait bien s’y mettre. A suivre l’actualité, prêts, lignes de crédit, assistance technique, aides et dons sont obtenus de diverses sources, mais est-ce à la hauteur des besoins? De nouveaux investissements étrangers sont annoncés, mais combien parmi eux connaissent au moins un début de réalisation? Quel premier bilan peut afficher le gouvernement Jebali ? Analyse.

Pouvait-il partir gagnant à 100% ? D’emblée, Riadh Bettaieb, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, savait la lourde tâche qui lui incombe : mobiliser les financements extérieurs indispensables, rassurer les investisseurs étrangers et en attirer de nouveaux. Le tout, en pleine période de transition, avec les soubresauts sociaux et sécuritaires prévisibles et la crise économique en Europe et son impact sur le pays.

Un ministère névralgique

Riadh Bettaieb a hérité d’un ministère névralgique dans un pays qui, faute d’attirer des investisseurs devenus de plus en plus réticents à cause de la situation sécuritaire et des tensions sociales, ne parvenait même plus à garder tous ceux déjà installés. Sans compter le peu d’enthousiasme des bailleurs de fonds qui n’ont pas tenu leurs promesses d’aide. Les bonnes intentions affichées par ces derniers n’étaient plus suivies d’actes. Aussitôt investi, le nouveau ministre s’attelle à la lourde tâche consistant à mobiliser les financements extérieurs indispensables, rassurer les investisseurs déjà engagés et en attirer de nouveaux. Ce n’était pas gagné d’avance vu les incertitudes de la situation dans le pays et l’impact de la récession dans la zone Euro. Toujours est-il que prêts, lignes de crédit, assistance technique, aides, dons n’ont pas tardé à reprendre, au prix de la mise en œuvre d’un vaste programme mené au pas de charge.
Un sacré challenge

Pour gagner le challenge, il a fallu réorganiser le ministère, réformer  l’arsenal juridique de l’investissement, introduire des réformes structurelles, parfaire l’accompagnement des entreprises et remotiver l’investissement extérieur.  Dès les premiers mois de cette année, le ministère de l’Investissement et de la Coopération internationale a mis en place une stratégie pour la refonte du Code d’incitation à l’investissement en y associant toutes les parties prenantes. Une convention a été conclue à cet effet avec la Société financière internationale prévoyant l’octroi à la Tunisie d’une assistance financière et  technique pour aider à la bonne marche du projet. Des équipes de travail ont été également mobilisées pour assurer la supervision et le suivi au quotidien de la réalisation du projet. Parallèlement, le ministère contribue, sous l’égide de la présidence du gouvernement, à l’élaboration d’une loi-cadre comportant les différentes formules de partenariat pour la réalisation de projets, notamment le partenariat public-privé. Les services du ministère s’emploient en ce moment à la révision des dispositions de changement de destination des terres agricoles réservées aux zones industrielles et touristiques et à la révision du Code d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Quant aux réformes structurelles engagées, elles portent sur la création d’une instance nationale de l’investissement, d’un fonds d’investissements souverains, d’une commission de normalisation et de suivi chargée de délivrer les visas des mégaprojets et d’une «cellule technique» pluridisciplinaire rattachée au ministère dont la mission consiste à réaliser les études de faisabilité et de rentabilité des projets. Pour ce qui est des grands projets en suspens et afin d’éviter de retomber dans les erreurs passées, le ministère s’est employé à trouver les solutions alternatives avec les promoteurs desdits projets de manière à en relancer l’exécution. Ainsi, par exemple, les difficultés qui entravaient la réalisation du projet du « Port financier» à El-Hessiène et de celui de la Cité sportive internationale sont en passe d’être surmontées.

Réformes structurelles de l’investissement

Sur un autre plan, un grand effort a été consenti en matière d’accompagnement des entreprises en allant au-devant de leurs préoccupations et attentes et en intervenant pour régler leurs éventuels litiges avec les divers intervenants. Des rencontres ont eu lieu à cet effet avec les chambres mixtes tuniso-étrangères pour l’identification des problèmes et la proposition de solutions. Il a été ainsi donné suite à 88 demandes d’intervention, en particulier au profit de la firme Yazaki et de la société de composants d’avion Aerolia. Pareilles interventions ont permis non seulement de fixer les entreprises étrangères existantes mais de les encourager à engager des projets d’agrandissement.  A la faveur de la stratégie menée conjointement par le département et l’Agence de promotion des investissements extérieurs (FIPA), l’investissement extérieur a repris, au cours du premier semestre 2012, après le recul enregistré en 2011. Quelque 1 064 millions de dinars d’investissements directs extérieurs ont été mobilisés, contre 734 MD pour la période correspondante de 2011 et 823 MD en 2010, soit 45 et 8,3% de mieux que, respectivement, 2011 et 2010.

71 nouvelles entreprises sont en outre entrées en production, dont 40 industrielles, sans compter 120 opérations d’agrandissement d’entreprises existantes. Les nouveaux investissements et extensions ont permis la création de près de 6750 emplois. La dernière période a été marquée également par le parachèvement du processus d’adhésion de la Tunisie à la Déclaration de l’OCDE sur l’investissement international et les multinationales. La Tunisie y a adhéré officiellement le 23 mai 2012. Le Forum de Tunis organisé en  juin 2011 a par ailleurs attiré beaucoup d’hommes d’affaires et d’investisseurs étrangers — 500 environ — ainsi que les hommes d’affaires tunisiens.

Par ailleurs, la négociation se poursuit avec l’Union européenne au sujet du programme d’action 2012-2016 relatif au futur partenariat privilégié entre les deux parties.  Le programme en question a pour objectif de développer la coopération entre la Tunisie et l’Union européenne dans les domaines politique et social à travers l’avènement d’un espace économique commun consacrant l’arrimage effectif de l’économie tunisienne à l’espace européen, facilitant l’accès au marché intérieur et ouvrant des perspectives plus larges à la coopération sectorielle, outre le renforcement du volet social de ce partenariat et l’harmonisation des législations tunisienne et européenne.
 
L’approche tunisienne dans le cadre de ces négociations  consiste à conférer une dimension globale à l’intégration projetée, de manière à ce que cette dernière ne se limite pas au domaine commercial et au secteur des services mais s’étende à une plus grande facilité de circulation des personnes et à l’accès de la Tunisie au système européen de recherche d’innovation, outre l’accès à un soutien financier important à même de se hisser au niveau du partenariat privilégié. Le but en est de réaliser les priorités de développement intégral et durable, de booster la croissance économique et la création d’emplois, à favoriser l’équilibre entre les régions et à promouvoir le développement humain et social.

Coopération fructueuse avec la Commission européenne

La Tunisie a obtenu, au cours du premier semestre 2012, un don d’un montant de 30 millions d’euros destiné au programme de soutien au développement dans les zones de l’intérieur à hauteur de 20 millions d’euros et au programme de soutien à la transition démocratique à hauteur de 10 millions d’euros. D’autres accords de dons pour un montant de 20 millions d’euros et un programme de soutien à la société civile pour un montant de 7 millions d’euros ont été conclus le 9 juillet 2012. Dans le cadre plus large de la coopération financière internationale, plusieurs accords portant sur l’octroi de prêts à des conditions avantageuses ont été conclus au cours de la première moitié de l’année 2012 pour un montant total de 2 346 millions de dinars. La Tunisie a en outre obtenu de la Turquie une ligne de crédit de 400 millions de dollars US, remboursable en 20 ans.  Quant aux dons obtenus au cours de la même période, ils se sont élevés à 617 MD, en provenance, principalement, de l’Union européenne, la Turquie, la Chine, la Suisse, la France, des Etats-Unis et de l’Allemagne.

Le réseau des PME a bénéficié d’une part appréciable des financements extérieurs avec la création d’un fonds de financement « Thimar » pour un montant de 56 MD, avec le concours de la Fondation islamique de développement du secteur privé et de la Caisse des dépôts et consignations. Conformément à la même approche, un accord de ligne de financement d’un montant de 75 MD a été conclu au titre du programme de microcrédits de soutien à l’emploi indépendant et au développement de l’investissement des jeunes.  Des négociations sont en cours avec la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Union européenne au sujet du «2e programme de soutien à l’activité économique (PARE2) pour un montant de 1 224 millions de dollars US, incluant un prêt de 500 M$ de la BAD et un don de l’UE de 112 millions d’euros. En dehors de ce programme, la Tunisie a bénéficié de garanties de prêts du Trésor américain à hauteur de 485 millions de dollars. La BIRD a, elle aussi, accordé des garanties, ce qui permettra de lever des crédits sur le marché mondial d’un montant de 700 M$, soit l’équivalent de 1.050 MD. Au plan bilatéral, quelques pays émergent du lot, notamment le Qatar, les Etats-Unis d’Amérique et la Turquie. Avec le premier, plusieurs accords ont été conclus en 2012, notamment un accord d’investissement dans des bons du trésor de l’Etat tunisien pour un montant de 500 M$, ainsi qu’un certain nombre de mémorandums d’entente en matière d’investissement et de partenariat.

Il en va de même pour la Turquie, pays avec lequel la coopération connaît une période faste avec de nombreux échanges de visites d’hommes d’affaires et d’investisseurs, la conclusion d’un accord de ligne de crédit de 400 M$ et l’octroi d’un don de 100 M$ à titre de soutien au budget. Avec le Japon aussi, deux importants accords de financement ont été conclus. Le premier concerne la réalisation du tronçon autoroutier Gabès-Médenine sur une distance de 90 km pour un coût de 200 MD. Le second porte sur le financement du projet d’amélioration de l’approvisionnement des zones urbaines en eau potable, pour un montant de 120 MD.

Vaste chantier

Un vaste chantier attend par ailleurs le gouvernement pour les mois qui viennent en matière d’investissement et de coopération internationale pour la finalisation de projets comme l’entrée en vigueur du Code d’incitation à l’investissement, la création d’un fonds d’investissements souverains, la création d’un portail de l’investissement sur le web, la réalisation d’une cité industrielle mixte tuniso-turque et surtout la finalisation des négociations avec l’Union européenne pour l’octroi du statut avancé. D’autres prendront plusieurs années pour voir le jour, faute… d’investissements.

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