Opinions - 08.05.2012

Se préparer dès maintenant à l'après-BAD

« Un emploi  sur 6 créés en Afrique du Sud est généré par les touristes ….Prenez-en soin… » tel était,  grosso modo, le slogan des principaux panneaux publicitaires de l’Aéroport de Johannesburg (JNB) lors d’un 1er voyage en Afrique du Sud  à la fin des années 90.

J’avais trouvé ce slogan tellement percutant que je m’en souviendrai toujours.

Tunisien de nationalité et résident depuis plus de 25 ans au Gabon, j’étais souvent amené à voyager à travers certains pays touristiques dont le dernier, en Afrique, remonte à quelques semaines, à savoir le Kenya.
Malgré un contexte  politique et sécuritaire assez lourd, du fait des risques d‘attentats, alors que je ne disposais pas de visa d’entrée au Kenya, un visa touristique m’a été délivré par la police des frontières à l’Aéroport de Nairobi, je n’exagère pas quand je dis en moins de 5 minutes.

Ces  exemples et tant d’autres sont de nature à illustrer la cohérence de la volonté politique et des moyens que se donnent  les pays à la recherche de soutenir le développement de leur tourisme.

Or, en Tunisie, pays touristique, pour y entrer, exceptés quelques ressortissants, les africains ont besoin de visa d’entrée que leur délivrent nos représentations diplomatiques (quand il y en a !), et ce après accord préalable obtenu auprès du Ministère de l’intérieur.

Procédure assez longue et laborieuse et dont l’issue n’est pas toujours positive. A en juger par la mésaventure d’un ami gabonais ayant demandé récemment un visa d’entrée en Tunisie pour des vacances de santé de 2 semaines, demande rejetée, je ne sais pour quelle raison.

Ce Monsieur a fait sa demande de visa conformément à la procédure instituée par notre Ambassade  de Tunisie au Cameroun. Son voyage étant de tourisme de santé, il a présenté, au Consulat honoraire de la Tunisie au Gabon qui l’avait transmis à notre Ambassade au Cameroun,  sa demande de visa dûment remplie accompagnée des photos d’identité et de sa réservation d’hôtel ainsi que les 3 premières pages de son passeport.

Sa déception fut grande d’apprendre par une note émanant de notre Ambassade au Cameroun qu’une suite défavorable a été réservée à sa demande par le Ministère de l’Intérieur. Digne comme il est, il a accepté la décision et la souveraineté de l’autorité qu’elle avait prise. Cependant, en homme d’honneur, et vu notre amitié, il n’a pas pu s’empêcher de me faire part de cette situation.

De par ses fonctions de Directeur dans une banque étrangère au Gabon et présente en Tunisie, a eu l'occasion de se rendre à plusieurs reprises dans notre pays que ce soit dans le cadre de réunions régionales de ladite banque organisées en Tunisie ou pour celles de la BAD. Et par les valeurs intellectuelles et morales qu’il partage avec d’autres africains au nord du Sahara, il est devenu comme beaucoup d’ailleurs un  ami de la Tunisie et de son peuple.

La dernière fois en date, et grâce à mon modeste concours pour le visa auprès de l’Ambassade, il a pris en charge le séjour et les frais d’hospitalisation de sa propre sœur auprès d’une clinique réputée à Tunis qui, en dehors des frais de voyage et séjour de sa femme accompagnant le malade, aurait coûté plus de 14.000€.

Le voyage qu’il envisageait d'effectuer dans le cadre de la dernière demande de visa faite dernièrement  et sanctionnée par un rejet, fait suite à la réussite de l’opération signalée plus haut. Il  était prévu d’accompagner une autre parente pour consultation et hospitalisation dans une structure hospitalière tunisienne. Voyage de santé qui aurait pu procurer à l’économie tunisienne par les temps qui courent au bas mot une dizaine de milliers d’Euros.

Vous imaginez les effets directs, indirects et induits d’une telle décision de rejet de demande de visas rien que d’une centaine de gabonais voire d’un millier d’africains qui auraient voulu  voyager en Tunisie pour les mêmes raisons ?

J’invite l’autorité qui a réservé la suite défavorable à prendre sa calculette pour le seul calcul de l’effet direct sur la seule structure hospitalière pour le comparer ensuite à la modique somme de la dette tunisienne recyclée en projets de développement récemment par un pays ami et annoncée avec grande pompe à la TV.

Alors que  des pays prospectent et déploient des moyens considérables à la recherche de la valeur, génératrice de croissance et par ricochet d'emploi, notre Ministère de l’Intérieur, peut-être par manque d’expérience pour ne pas dire par incompétence, peut-être insciemment, contribue à la destruction de la valeur.

Dans le cas où nos autorités ne le savent pas ,  je tiens à souligner  que nos frères africains du sud du Sahara ne viennent pas en Tunisie pour piquer les emplois de nos jeunes, qui, au demeurant, se raréfient par les temps qui courent, mais contribuent par leur pouvoir d’achat à stimuler l’activité de notre économie atone, à donner du pouvoir d’achat aux tunisiens, impacter l’activité hôtelière et touristique et  procurer du boulot à nos médecins et nos cliniques, etc.

Je voudrai rappeler par ailleurs que bon nombre d’africains se rendent en Tunisie pour rendre visite à leurs enfants étudiant en Tunisie (rien que pour les Gabonais on dénombre environ 1200 personnes) et d’autres pour visiter leurs parents dont beaucoup travaillent à la BAD.

Que nos autorités  aient à l’esprit que suite à la fin de la crise ivoirienne, le Conseil d’Administration de la BAD prendrait incessamment la décision du retour de la BAD à Abidjan et qu’elles se mettent à réfléchir dès maintenant à une alternative à la perspective de contraction de la consommation du fait de départ des fonctionnaires de la BAD, des revenus et du pouvoir d’achat des tunisiens qui en dépendaient.

Enfin, j’interpelle encore une fois nos autorités, qu’au regard de nos potentialités, il est plus que temps de regarder l’Afrique subsaharienne comme une réelle opportunité de partenariat et de création mutuelle de richesse et non pas comme une menace.

Noureddine  Bedoui

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
4 Commentaires
Les Commentaires
Monta - 09-05-2012 08:52

S'il y a un marché qu'on peut conquérir c'est le marché africain et c'est la qu'on peut s'imposer. Malheureusement aujourd'hui on compte le nombre de représentations diplomatiques sur le bout des doigts et nous les tunisiens on trouve du mal pour faire des visas surtout que pas mal de sociétés de services y sont installés. Mr Abdallah Triki secrétaire d'état au MAE chargé des affaires de l’Afrique est un connaisseur de l’Afrique et y était un résident au Tchad en tant que conseiller du Ministre des finances. J'espère qu'il lira cet article et qu'il accélère l'ouverture des ambassades dans tous les états d’Afrique et ceci dans les deux sens et croyez moi vous ne savez pas l'estime des africains envers la Tunisie

Ben Younes - 09-05-2012 09:14

Excellent article. Hormis l'atteinte directe à la personne du ministre de l’intérieur (A éviter, pour ne pas tomber dans la "négativité" et "la stérilité"). Le problème réside dans les procédures et processus mis en place graduellement durant des décennies, et découlant de la stratégie, et l'humeur du moment!) A noter qu'en 2008, j'ai moi même vécu une situation pareille pour faire venir un collègue du Kenya en Tunisie pour un séjour de 3 jours et j'ai du galérer aux bureaux du ministères de l'intérieur ou les responsables semblaient en manque de procédures ou de directives précises, et en cas de doute ils se rabattent sur le refus! (Moins de tracas) L'orientation, et la volonté politique devra se charge de réviser ces procédures pour la bonne cause. ceci doit effectivement se faire rapidement pour arrêter les dégâts au plus vite (annulation des visas pour les ressortissants des pays du golfe en est une!). Une réflexion commune entre le ministère du tourisme et le ministère de l'intérieur alliée à la volonté de promouvoir le secteur devrait aboutir à l'élaboration des mécanismes et la mise en place des procédures adéquates pour atteindre l'objectif désigné.

lotfi Chérif - 09-05-2012 10:03

Je joins ma voix à cet appel pour le respect de nos amis de l'afrique subsaharienne et que la considération et l'estime leur soient adressées.Pour ma part, j'ai toujours été scandalisé par le mauvais traitement accordé par nos consulats ( à Kinshasa, à Yaoundé, en particulier) aux nombreux étudiants de ces pays qui choisissent notre pays pour y poursuivre leurs études supérieures. Plusueurs mois passent avant que le visa n-leur soit attribué.Or, ne l'oublions pas, les rentrées de devises sont inestimables et ces étudiants pourraient tout aussi bien se diriger vers le Maroc.Alors, changeons nos comportements si nous ne voulons pas perdre cette précieuse source de revenus.

ABH - 09-05-2012 13:03

« Un emploi sur 6 créés en Afrique du Sud est généré par les touristes ….Prenez-en soin… » tel était, grosso modo, le slogan des principaux panneaux publicitaires de l’Aéroport de Johannesburg (JNB) », ceci n’a pas empêche les autorités Sud Africaines d’exiger des visas aux ressortissants tunisiens, visa que j’ai galéré pour l’obtenir en 2001 quand j’avais à participer à un congrès médical à Sun City. Depuis, ce slogan a du disparaître de l’aéroport de JNB car il n’a pas attiré mon attention. Pour le Kenya, il est vrai que le visa est délivré gratuitement à l’aéroport pour les courts séjours, c’était le cas pour ma famille quand elle avait effectué une escale à Nairobi suite à un retard d’avion reliant Dzaoudzi à Paris CDG. Ceci dit il est temps de réviser la procédure des visas et de minimiser les contraintes administratives, dans le cadre d’une politique globale de coopération avec les pays de l’Afrique, il est utile de rappeler que pour aller en Afrique, il est souvent nécessaire de passer par l’Europe ! Vous avez raison de dire « regarder l’Afrique subsaharienne comme une réelle opportunité de partenariat et de création mutuelle de richesse et non pas comme une menace. »

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.