Blogs - 26.01.2011

Les prémices de la révolte

Le 17 décembre 2010, la Tunisie se préparait aux vacances d’hiver lorsqu’un certain Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant de légumes à Sidi Bouzid, ville oubliée du centre du pays, s’immole suite à une altercation avec des policiers. Une policière le gifle. Le geste est vécu comme un signe de déshonneur et de mépris par ce jeune éduqué qui avait rêvé d’une vie meilleure. Son acte de désespoir se propage comme une traînée de poudre et cristallise la colère d’une jeunesse désœuvrée d’autant plus revendicative qu’elle est diplômée. Les manifestations gagnent les autres villes de la région, Regueb, Kasserine, toutes des villes à vocation agricole où le développement économique n’était qu’un vœu pieux.

Mohamed Bouazizi est gravement atteint mais ne meurt pas. Il est transféré à l’hôpital des grands brûlés de Ben Arous, dans la banlieue de Tunis mais sa région s’embrase et les manifestations vont crescendo. Le premier communiqué officiel concernant cette affaire, publié le 20 décembre 2010, parle des tentatives de récupération politicienne d’un malheureux acte de détresse et affirme que les procédures prises à l’encontre de ce vendeur ambulant sont légales. Il donne aussi les montants consacrés au développement de toute la région de Sidi Bouzid depuis 1987.

La Tunisie est encore en vacances mais les manifestations continuent pour gagner d’autres villes du Nord-Ouest comme Béja et Jendouba. Le Président de la République prend la mesure du problème surtout lorsque d’autres suicides de jeunes s’ensuivent. Mardi 28 décembre, il va rendre visite à Mohamed Bouazizi, reçoit sa famille et celles de deux autres jeunes qui se sont également donné la mort par désespoir dans la même région. Il prononce son premier discours consacré à ces événements le soir de la même journée, dénonce la récupération d’événements tragiques par certains qui ne veulent pas le bien de la Tunisie et limoge quelques responsables.

On craint déjà l’embrasement du mouvement avec le retour des vacances mais la perspective des examens universitaires éloigne le spectre des manifestations. En effet, la rentrée effectuée le 3 janvier 2011 se déroule dans le calme mais quelques jours après, les premières images du soulèvement des étudiants nous parviennent de la Faculté des Sciences Humaines de Sousse le 6 janvier 2011. La répression des étudiants est violente mais la colère ne faiblit pas. Les avocats prennent le relais et défendent une jeunesse qui se morfond dans son désœuvrement, qui risque sa vie pour un avenir meilleur au cours d’incertains voyages à travers la Méditerranée. Un élève tente de s’immoler dans un lycée à Tunis. Les manifestations, parties des zones rurales pauvres se répandent dans les autres villes, Bouazizi décède et devient le héros d’une génération qui se sent sacrifiée. La police tire à balles réelles sur les manifestants, attisant encore plus la colère des foules. 

Le week-end décisif du 8 janvier 2011

Samedi 8 janvier, l’UGTT appelle à une manifestation devant son siège Place Mohamed Ali. Une jeune femme s’accroche à une fenêtre et s’adresse à la foule en condamnant les tirs qui tuent les jeunes manifestants et en dénonçant l’enrichissement des Trabelsi. On l’applaudit et on admire son courage. Le nom de cette famille se chuchote mais ne se prononce point à voix haute dans cette Tunisie qui a peur mais n’ignore rien des frasques de la belle-famille de son président. La vidéo fait sensation sur la toile.

Le week-end est particulièrement meurtrier, 8 morts sont recensés par les facebookeurs et lundi le soulèvement atteint les écoles et les universités. Le Monde consacre un article aux événements qui secouent la Tunisie avec des photos particulièrement dures des martyrs tombés durant les derniers jours et dit que les troubles s’amplifient en Tunisie.

En fait, les téléphones portables et les réseaux sociaux, avec à leur tête Facebook, ont joué un rôle déterminant dans la propagation du mouvement de contestation malgré une surveillance cybernétique redoutable en Tunisie. Au début, seuls quelques courageux osaient partager les vidéos railleuses de Tarak El Mekki qui fustigeait le régime en place, de son exil canadien. Durant les dernières semaines, les images montrant les bourdes des policiers durant les manifestations circulaient par messages entre amis sur Facebook. Au début, l’on se contentait de regarder puis, devant l’ampleur des violences, on commençait à partager les informations ou on en parlait sur la messagerie instantanée puis le partage sur les murs facebook s’est généralisé. Les commentaires se faisaient de plus en plus audacieux et condamnateurs. 

A suivre …

Anissa Ben Hassine


 

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