News - 15.05.2025

Ridha Bergaoui: Prévisions météorologiques, levier essentiel pour une agriculture résiliente

Ridha Bergaoui: Prévisions météorologiques, levier essentiel pour une agriculture résiliente

Cette année, la pluviométrie était importante, les récoltes satisfaisantes, la verdure partout présente et les réserves hydriques intéressantes. Hamdoullah une bonne année agricole. Toutefois ceci ne doit pas nous faire oublier le dérèglement climatique. La menace de sécheresse et de canicule est toujours présente et la vigilance demeure de mise dans l’utilisation et le suivi de nos ressources. 

Dans ce cadre, les prévisions météorologiques représentent un outil clé de l’agriculture climato-intelligente utile pour combattre le stress hydrique et améliorer la résilience des systèmes agricoles.

Elaboration des prévisions météorologiques

La météo est un outil de prévision du temps qu’il va faire dans les heures et les jours à venir (température, pluie, vent, orage, etc.). Elle diffère de la notion de climat qui est la tendance observée sur le long terme (plus de 30 ans généralement) et relative à différents paramètres comme chaleur, sécheresse, humidité, régularité des saisons, etc. 

Les prévisions météorologiques reposent sur l’étude des flux de masse d’air dans les différentes couches atmosphériques. Elles nécessitent la collecte de données (température, humidité, précipitations, vents...) fournies par les stations météo terrestres, les satellites météo, des ballons sondes, d'avions spécialisés, des bouées et les navires. Ces données sont centralisées, analysées et traitées selon des modèles mathématiques et physiques complexes, grâce à des supercalculateurs.

Les résultats des simulations sont ajustés et validés par des météorologues qui élaborent les bulletins des prévision (court, moyen et long terme). Ces bulletins sont diffusés au public via les médias, les applications mobiles, les sites web et parfois par SMS en cas d’alerte. Les smartphones et Internet facilitent l’accès à ces informations grâce à tout un système connecté.

Grâce aux avancées technologiques, les agriculteurs peuvent de nos jours s’équiper d’une petite station météo locale à un coût raisonnable. Cette station permet un suivi en temps réel des conditions climatiques sur l’exploitation et peut être couplée à un système d’irrigation intelligent. De plus, la télédétection par satellite permet de surveiller à distance des indicateurs comme le stress hydrique, le développement des cultures ou l'apparition de ravageurs. L’intelligence artificielle est également un outil important qui permet une amélioration des prévisions météorologiques pour plus de précision, de rapidité et de personnalisation.

En Tunisie l'Institut national de la météorologie (INM) est l'organisme officiel chargé des prévisions météorologiques. Il offre de nombreux services aux différents intéressés. Pour les professionnels du monde agricole, à coté de ses services standards, il propose des bulletins agrométéorologiques spécifiques ainsi que d’autres services sur demande. L’Observatoire national de l’agriculture (Onagri) publie également des données quotidiennes sur la pluviométrie et la situation des barrages.

Plusieurs sources non officielles proposent également des prévisions météorologiques. Ces sources incluent des spécialistes et des plateformes en ligne qui utilisent des données de modèles internationaux pour élaborer leurs prévisions. Un projet visant réglementer la diffusion des prévisions météorologiques non officielles est en discussion. Ce projet vise prévenir la diffusion de données météorologiques provenant de sources non fiables, notamment sur les réseaux sociaux. En attendant l'adoption de ce projet de loi, il est recommandé de consulter les prévisions météorologiques de l'INM pour des informations officielles et fiables.

Importance des prévisions météo pour les agriculteurs

En Tunisie, l'agriculture est essentiellement pluviale. Elle est fortement dépendante des conditions climatiques. Température, pluie, vent... influencent directement les cultures et les animaux. La quantité et la répartition des pluies dans le temps, en lien avec les besoins des plantes, déterminent la croissance des plantes, le rendement et la production. Les températures extrêmes stressent les végétaux comme les animaux, affectent leur santé et réduisent les rendements. L'humidité excessive, ou au contraire un air trop sec, associée au vent, influe sur la croissance des plantes et le confort des animaux. Le vent, par exemple, accélère l'évaporation, diminue l'efficacité de la pluie et accentue la sensation thermique de chaud ou de froid. Le gel et la grêle peuvent provoquer des dégâts importants, voire détruire totalement les cultures. 

Bien avant l’apparition des prévisions météorologiques scientifiques, les agriculteurs, pour connaitre le temps qu’il fera demain se fiaient à l’observation de la nature, à l’expérience, et aux savoirs transmis oralement. Ils surveillaient le ciel, le comportement des animaux, l’état des plantes, et suivaient les cycles lunaires pour anticiper les changements du temps. Ces pratiques, empiriques, mais souvent fondées sur des observations répétées, permettaient aux anciens d’organiser leurs travaux agricoles. 

Aujourd’hui, la météo reste une préoccupation constante de l'agriculteur. La météo moderne, grâce aux outils technologiques qu’elle emploie, est devenue fiable et précise et les prévisions météorologiques sont devenues un outil d’aide à la décision important pour accompagner les agriculteurs dans la gestion de leurs exploitations et les aider à mieux affronter les aléas climatiques.

Les prévisions météorologiques permettent aux agriculteurs de:

Planifier les semis et les récoltes en fonction des conditions climatiques.
Optimiser l’irrigation en anticipant une sécheresse ou de fortes pluies.
Prévenir les maladies et les ravageurs dont le développement est lié aux conditions climatiques.
Adapter les différentes opérations comme la fertilisation, le désherbage ou un traitement phytosanitaire.
Protéger les cultures et le bétail contre les événements extrêmes (froid, sirocco, grêle, gelée etc.).

L'utilisation des données météo contribue à réduire les traitements chimiques, éviter les gaspillages et améliorer l’efficacité des interventions. À titre d’exemple, traiter avant une pluie ou par vent fort peut être inutile, voire contre-productif.

Avec des modèles prédictifs plus précis et des capteurs connectés sur le terrain, il est possible de connaître avec exactitude les besoins en eau des plantes et de mieux gérer les apports hydriques. Dans ce contexte, les prévisions météorologiques deviennent un outil clé de l’agriculture climato-intelligente utile pour combattre le stress hydrique et améliorer la résilience des systèmes agricoles.

Les prévisions météorologiques ne changent pas le climat, mais elles permettent d’agir intelligemment face à ses effets. En les intégrant dans la gestion agricole, les exploitants peuvent réduire les pertes, maîtriser les coûts, améliorer la rentabilité et renforcer la durabilité de leurs systèmes de production.
Les données météorologiques peuvent également servir à mettre en pratique une technique, quoique discutable et perfectible, capable de garantir un minimum de sécurité hydrique. C’est celle de la pluie artificielle.

Les prévisions météorologiques et pluie artificielle

La pluie artificielle, appelée également ensemencement des nuages, consiste à stimuler des nuages existants pour produire de la pluie. Le principe consiste à injecter dans les nuages des substances (comme l’iodure d’argent ou du sel) qui favorisent la condensation de l’humidité et la formation de gouttelettes d’eau. Cet ensemencement peut se faire par des avions spéciaux, des tirs au sol (fusées ou canons) et également par des drones. La technique nécessite l’existence de nuages porteurs d’humidité. Elle ne crée pas des nuages mais aide à les transformer en précipitations. Son efficacité dépend de plusieurs facteurs comme le type de nuage, la température, la quantité d’humidité, l’altitude et le vent.

Les prévisions météorologiques sont indispensables à la réussite d'une opération de pluie artificielle. Elles permettent d’identifier les conditions favorables à la réussite de l’opération d’ensemencement comme la présence de nuages à bonne altitude, le niveau d’humidité dans l’atmosphère, la température, vent, pression atmosphérique, etc. Les bulletins météo permettent de planifier les vols ou les tirs au sol au moment optimal et aident à déterminer les zones géographiques les plus propices à l’intervention. Après l’opération, les outils météorologiques permettent de suivre les effets (pluies générées, vent, répartition des précipitations, etc.) et aident à évaluer l’efficacité de l’ensemencement.

Des pays comme les États-Unis, la Chine et les Émirats arabes unis utilisent régulièrement l’ensemencement des nuages avec des résultats jugés globalement positifs. Une augmentation des précipitations de 10 à 30 % est souvent rapportée.

Cette technique peut contribuer à remplir les barrages ou les nappes phréatiques en période critique ou aider à relancer des cultures menacées par la sécheresse et réduire l'impact d’une sécheresse prolongée sur la production agricole. La pluie artificielle n’est pas une solution miracle, mais un outil parmi d'autres pour faire face, dans certaines situations d’urgence ou en complément d’autres techniques (récupération des eaux, irrigation goutte-à-goutte, choix de variétés résistantes à la sécheresse etc.).

Elle soulève cependant certaines critiques:

Problèmes techniques (efficacité incertaine, aucune garantie où et quand la pluie va tomber…)
Pollution par l’iodure d’argent et possible impact environnemental à long terme
Coût élevé de l’opération (matériel et personnel spécialisé)
Défis géopolitiques et possibilités de tensions avec les pays voisins.

En 2024, la Tunisie a initié un projet pilote visant l’expérimentation de l'ensemencement des nuages. Le 12 mai 2025, le Ministre de l’agriculture a annoncé qu’une première expérience a été lancée, en collaboration avec les ministères de la Défense nationale et du Transport, le 16 avril dans le bassin du barrage de Sidi Salem. L’évaluation des résultats est en cours. En cas de réussite, cette technique pourrait ouvrir des perspectives intéressantes en complément des stratégies existantes de gestion des ressources en eau et de la lutte contre la sécheresse. 

Perspectives pour une agriculture résiliente

L’agriculture tunisienne reste très dépendante des conditions météorologiques, en particulier de la pluviométrie, qui influence directement les travaux agricoles, les rendements et les niveaux de production. 

La Tunisie est fortement exposée aux effets du changement climatique. La sécheresse y devient plus fréquente, plus longue et plus sévère. Dans ce contexte, il devient indispensable d’adapter les pratiques agricoles aux nouvelles réalités climatiques et particulièrement le déficit pluviométrique.

La météorologie, bien qu’elle ne soit pas une science exacte, repose aujourd’hui sur des modèles de prévision de plus en plus performants et fiables, appuyés par des moyens technologiques avancés. Grâce aux progrès des technologies de l'information, les données météorologiques sont devenues largement accessibles. Bien utilisées, elles permettent aux agriculteurs de prendre des décisions éclairées concernant les semis, l’irrigation, les traitements ou encore la récolte et de réduire ainsi le gaspillage des ressources, l’eau et les engrais en particulier.

Cependant, les prévisions météorologiques présentent encore certaines limites. Au-delà de quelques jours, elles ne peuvent offrir que des tendances générales, sans précision sur l’intensité ni la date exacte des épisodes pluvieux par exemple. Aucun modèle actuel ne peut garantir avec certitude par exemple si la prochaine saison agricole sera pluvieuse ou sèche. Ce qui est certain en revanche, c’est que le réchauffement climatique rend les périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes et longues. Il est donc impératif d’anticiper, de planifier et de mieux gérer les épisodes secs. Dans ce cadre, la météorologie constitue un outil précieux pour renforcer la résilience du secteur agricole, protéger les productions et contribuer à la sécurité alimentaire du pays. Les prévisions météorologiques permettent d’anticiper les sécheresses et les épisodes pluvieux. L’ensemencement des nuages permet, dans certains cas, d’intervenir activement pour augmenter les précipitations lors de conditions météorologiques favorables. 

Au-delà de la météorologie et de la pluie artificielle, lutter contre le stress hydrique passe par d’autres leviers en rapport avec l’adoption de pratiques agronomiques efficientes et durables, la conservation de l’eau sur les parcelles, la sélection de variétés résistantes à la sécheresse et à cycle court, une gestion optimisée des ressources en eau disponibles, y compris le recyclage des eaux usées traitées, et la mise en œuvre des techniques d’irrigation économes en eau. 

Dans tous les cas, anticiper la météo, c’est anticiper l’avenir et «Puisqu'on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles.» James Dean

Ridha Bergaoui


 

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