News - 21.12.2023

Mohamed Larbi Bouguerra: Les agressions israéliennes contre les Palestiniens mettent les universités américaines en ébullition

Mohamed Larbi Bouguerra: Les agressions israéliennes contre les palestiniens mettent les universités américaines en ébullition

David Ben Gourion: «Nous devons utiliser la terreur, l’intimidation, la confiscation des terres et la suppression des services sociaux pour débarrasser la Galilée de sa population arabe.» in Nahum Goldman «Le paradoxe juif», p. 121 (tweet de Charles Enderlin le 24 septembre 2020).

L’adhésion totale de Biden en faveur de l’Etat sioniste et des racistes de Netanyahou, de Ben-Gvir et de Smotrich est d’autant plus étonnante que les Universités sont en ébullition au point que la commission ad hoc du Sénat a convoqué, toutes affaires cessantes, les présidents de trois prestigieuses Universités du pays membres de l’Ivy League: PennU, Harvard et MIT (dont la présidente, Sally Kornbluth est juive) pour avoir des explications sur le soutien public en faveur de la Palestine de larges pans de la population estudiantine et du corps enseignant, support qualifié par certains sénateurs d’antisémitisme. De même, les donateurs, les associations d’anciens étudiants… menacent de retirer leur soutien financier conséquent à ces institutions face à cet engagement en faveur de Gaza et à la condamnation des bombardements israéliens sur les civils (18000 morts dont 8000 enfants), sur les hôpitaux de l’enclave et la privation d’eau, de carburants, d’aliments et de médicaments de la part d’Israël dont le ministre de la Défense Yoav Gallant qualifie d’«animaux» les Palestiniens.

Du fait des pressions, la présidente de PennU, le professeur Liz Magill, une juriste réputée, a présenté sa démission plutôt que de condamner ses étudiants et ses collègues pro-palestiniens et de renoncer à la liberté académique et à celle de l’expression, garanties par la Constitution américaine.

Ce qui n’est pas sans rappeler la sinistre période de la Commission des activités anti-américaines du sénateur Joseph McCarthy (1908-1957) à l’époque de la guerre froide. Il soumettait à la question les savants atomistes, les communistes, les syndicalistes pour découvrir «les ennemis de l’intérieur». C’est ainsi que le Pr Linus Pauling, double Prix Nobel de chimie et de la Paix, interrogé par la Commission McCarthy, a failli aller en prison pour avoir été l’auteur d’une motion appelant à l’interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère. (Lire M.L Bouguerra, Linus Pauling, l’«Einstein de la chimie», Editions Belin- Pour la Science, Paris, 2001)

Tour d’ivoire et liberté académique

On prétend aux Etats Unis cultiver la notion de «tour d’ivoire» des Universités pour les protéger des ingérences politiques mais la bronca actuelle des bienfaiteurs et autres donateurs prouvent l’inanité de cette notion puisque ces derniers prétendent dicter la ligne politique grâce à leurs dollars… en piétinant la liberté académique! Un enseignant de Harvard note: «Le problème est davantage qu’il est devenu un devoir de prendre une position sociale ces jours-ci. Cet engagement a remplacé la volonté d’objectivité scientifique.» Du point de vue de ce professeur, la tour d’ivoire est nécessaire pour maintenir la distance entre le monde universitaire et politique, le courant dominant et sa propre subjectivité.

Les administrateurs des Universités, cependant, devront faire face à au moins une partie des membres du corps professoral inquiets de cette dérive. La section Penn de l’Association américaine des professeurs d’université a déclaré samedi 9 décembre que «La capacité des donateurs, des groupes de pression et des membres du Congrès de déstabiliser l’Université de Pennsylvanie révèle la nécessité de rétablir une voix forte du corps professoral dans la gouvernance de l’institution.»

Le successeur de Mme Magill, a ajouté: «le groupe doit corriger ce qui est devenu un mythe dangereux suggérant que la défense de la liberté académique et de l’expression ouverte est en quelque sorte contradictoire avec la lutte contre l’antisémitisme». (Stephanie Saul et al, The New York Times, 9 décembre 2023). Ce qui n’est pas sans rappeler ce qui est arrivé à la vice-présidente américaine, Kamala Harris, fin septembre 2021. Elle n’avait pas corrigé un étudiant qui évoquait devant elle «le génocide ethnique auquel se livrerait Israël contre les Palestiniens». Face à la furieuse levée de boucliers sionistes, son cabinet a dû lancer une campagne de déminage auprès des organisations juives.» (Lire Piotr Smolar, «Kamala Harris à l’heure du doute», le Monde, 5-6 décembre 2021, p.2)
Israël est intouchable aux Etats Unis.

L’AIPAC et la nuée d’organisations sionistes veillent au grain et coupent les fonds aux élus récalcitrants auxquels l’accès à la télévision devient prohibitif et signe la fin souvent d’une carrière politique. C’est ainsi que l’AIPAC a offert 20 millions de dollars- une somme astronomique- à Hill Harper, candidat au Sénat, pour faire tomber la députée démocrate sortante du Michigan Rachida Tlaib, la seule représentante d’origine palestinienne à la Chambre des représentants. (L’Humanité, 19 décembre 2023)

Pour Naftali Kaminski: «En tant que professeur de médecine à l’Université Yale et fils israélien de survivants de l’Holocauste, je crains la montée de l’antisémitisme aux États-Unis. Mais la rage orchestrée contre les présidents d’université vise le discours propalestinien, pas l’antisémitisme – et elle est alimentée par une sinistre coalition de fanatiques antidémocratiques» (The New York Times, 14 décembre 2023).

Vimal Patel et Anna Bets résument les choses ainsi dans le New York Times (17 décembre 2023) : «La guerre au Moyen-Orient met à nu les difficultés auxquelles les universités américaines sont confrontées, s’agissant de la liberté d’expression. Déjà attaqués ces dernières années par les conservateurs pour avoir mis fin au débat sur d’autres sujets, les dirigeants universitaires ont maintenant du mal à trouver un équilibre entre l’expression ouverte, les craintes et les plaintes de certains étudiants juifs selon lesquelles le langage pro-palestinien appelle à la violence contre eux.»

Les pressions des donateurs, des politiciens républicains et des sionistes arrivent à des résultats contre ce qu’ils appellent la propagande anti-israélienne; ainsi, à l’Université de Pennsylvanie, la projection d’un documentaire critique d’Israël a été refusée. À l’Université de Brandeis, qui a exprimé un engagement public en faveur de la liberté d’expression, un groupe d’étudiants pro-palestiniens a été exclu pour des déclarations faites par sa section nationale. À l’Université du Vermont, un poète palestinien devait donner une conférence, mais la faculté a fermé l’espace de réunion après que des étudiants se soient plaints que l’orateur-poète était antisémite.

Au cours des derniers mois, le plus important groupe d'étudiants pro-palestiniens, "Students for Justice in Palestine", a été suspendu dans au moins quatre universités, dont Columbia, Brandeis, George Washington et Rutgers. Dans certains cas, les universités ont accusé le groupe de soutenir le Hamas, de perturber les cours et d’intimider d’autres étudiants.

Voix Estudiantines

Un membre de Jewish Voice for Peace de l’Université Harvard, Eli Gerson- juif anti sioniste- évite de prononcer «Israël» qu’il désigne comme l’endroit le plus raciste de la Terre. Il affirme: «L’Histoire n’a pas commencé le 7 octobre». Pour lui, «La cause de la violence gît dans le capitalisme, le sionisme et le colonialisme.» (D’après le site  suisse www.nzz.ch/english: «The Gaza war- views from the ivorytower,  David Singer, Décembre 8, 2023) Guille, un étudiant en science politique de Harvard venant d’Andalousie est membre de l’organisation «Graduate Students for Palestine» (Etudiants de Troisième Cycle en faveur de la Palestine) (GS4P). Il ne tarit pas d’éloges sur le Moyen-Age quand Chrétiens, Juifs et Musulmans vivaient ensemble en paix- un « Age d’or».  Il porte le keffieh palestinien et affirme: «Nous ne sommes pas en faveur du Hamas mais nous comprenons la radicalisation.» Il reconnaît que GS4 Penvoie des gens comme lui aux manifestations et aux interviews car ils ne courent aucun risque de discrimination. Quand on demande à Guille s’il est antisémite, il répond : « Je suis contre l’ethno nationalisme et la suprématie blanche de quelque type que ce soit. Et pourquoi les Juifs pourraient-ils considérer comme antisémite la remise en question du droit d’Israël à exister?» Il rejette totalement le soupçon qu’il pourrait être antisémite. «Je suis pour une coexistence pacifique et égale de tous les peuples en Palestine.»

Il rejette l’idée que l’antisionisme est synonyme d’antisémitisme. Il y a aussi beaucoup de Juifs impliqués dans le GS4P, dit-il. Comment peuvent-ils être antisémites ? Il compare son activisme politique aux manifestations des années 60, lorsque les gens sont descendus dans la rue contre la guerre du Vietnam. «J’ai peur qu’on nous accuse plus tard de ne pas nous dresser contre cette violence» affirme-t-il. Il conclut: «Je suis un pacifiste et pour une coexistence égale en Palestine.»

Les horribles tueries qu’Israël commet aujourd’hui en Cisjordanie et à Gaza sont dans le droit fil des injonctions de Ben Gourion. Mais aujourd’hui, l’opinion internationale est là pour condamner les crimes des héritiers du sioniste polonais David Grün alias Ben Gourion.

De plus, le soutien si affirmé de Biden à Israël va probablement lui coûter la perte de la Maison Blanche aux prochaines élections.  Un sondage du New York Times publié mardi 19 décembre rapporte que 44% des Américains interrogés votent pour un cessez-le-feu à Gaza et 39% sont pour la guerre. De plus, 57% des votants sont contre la gestion du président Biden du conflit israélo-palestinien et 33% sont satisfaits de cette gestion. Les trois-quarts des jeunes électeurs (18- 29 ans) démocrates propalestiniens penchent maintenant pour Trump alors qu’il y a quelques mois, ils étaient en faveur de Biden.

Addendum: Et en France?

Dans un long  texte argumenté publié dans l’Humanité du 11 décembre 2023,  le mathématicien Ivar Ekeland, président de l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP) et président honoraire de l’Université Paris-Dauphine, interpelle les dirigeants des universités françaises et se demandent pourquoi elles se taisent et écrit:  «Il est grand temps que les universités françaises expriment leur solidarité avec les universités palestiniennes, comme elles l’ont fait pour les universités ukrainiennes, et arrêtent toute coopération scientifique avec les universités israéliennes, comme elles l’ont fait pour les universités russes. Elles ont déjà été sollicitées en ce sens, et qu’elles ne l’aient pas fait laisse planer le soupçon qu’à leurs yeux les Palestiniens ne valent pas les Ukrainiens». Et Ekeland de citer cette réaction d’un universitaire israélien: Le président de l’Université de Tel-Aviv, éminent juriste par ailleurs, va chercher la réponse, non pas dans le droit, ni dans la morale, mais dans la religion. Dans un discours prononcé le 7 novembre, il compare le Hamas à Amalek, et appelle sur lui l’antique anathème proféré sur ce peuple disparu depuis longtemps: «Voici ce que nous apprend le livre du Deutéronome: «Rappelle-toi ce qu’Amalek t’a fait dans ton voyage hors d’Egypte». Et voici le commandement divin au peuple d’Israël: «Tu effaceras la mémoire d’Amalek de sous le ciel. N’oublie pas». Voilà ce qu’il faut faire au Hamas et je suis certain que c’est ce que l’état d’Israël fera». Est-ce que ce sont là les valeurs de la République? Pourquoi les universités françaises se taisent-elles? En Cisjordanie, universitaires et étudiants restent terrés chez eux, victimes de ce que notre gouvernement a qualifié de «politique de terreur» de la part des colons israéliens. En Israël, une foule déchaînée a assiégé une résidence universitaire qui abritait des étudiants arabes israéliens au cri de «Mort aux Arabes!».

Dans une lettre adressée à l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) (dont le recteur est le Tunisien Slim Kalbous, ancien ministre), le président de l’AURDIP, Ivar Ekeland, souligne avec inquiétude: «Lors de l’invasion de l’Ukraine, l’AUF avait su trouver les mots qu’il fallait… Voici deux mois que les universités palestiniennes, membres de l’AUF de surcroît, sont attaquées et en grande partie détruites, ainsi que les institutions représentatives de la culture française, et l’AUF se tait?.. Il est temps que l’AUF se déclare solidaire des universités, des écoles et des centres culturels attaqués, où qu’ils soient, et qu’elle se désolidarise des agresseurs, quels qu’ils soient.»

Mohamed Larbi Bouguerra

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