Opinions - 01.05.2023

Taoufik Habaieb: Quatre grandes batailles

Taoufik Habaieb: Quatre grandes batailles

Nul besoin de plonger dans des statistiques détaillées pour se rendre à l’évidence: nous perdons pied dans plusieurs secteurs. L’avancée économique accomplie durant les cinq premières décennies de l’indépendance a subi une cassure de la dynamique historique de croissance, notamment industrielle et agricole. Par inadvertance ? Délibérément ? Tout à la fois ?

En dix ans, la Tunisie a perdu plus de 700 entreprises industrielles, détruisant ainsi 15% de son tissu industriel. On ne crée plus que de petites entreprises, et les investissements ne sont plus qu’au quart seulement de ceux de 2010. Jadis première en Afrique, la Tunisie dégringole au 5e rang sur le continent et perd 45 places dans le classement mondial.

Les causes sont multiples, mais essentiellement le démantèlement de tous les instruments efficaces pour promouvoir et soutenir une industrie moderne, compétitive et solidement placée sur les marchés extérieurs. Ce désarmement industriel au profit de l’importation génère de lourdes conséquences. Il prive l’économie tunisienne d’activités à haute valeur ajoutée et intensives en main-d’œuvre qualifiée. Pourtant, les atouts ne manquent pas.

L’agriculture aussi marque le pas. Nous l’avons vu avec la pénurie de nombreux produits, la hausse des prix, la réduction des terres arables et la désaffection des petits cultivateurs, mais aussi des éleveurs et des aviculteurs. L’accès à la propriété agricole devient prohibitif, les charges d’exploitation très élevées et la rentabilité de plus en plus ponctionnée.

Les énergies renouvelables n’arrivent pas à décoller. Beaucoup de retard a été pris dans l’amorce de la transition environnementale. Le plan solaire tunisien, adopté en 2009, alors premier du genre en Afrique, peine encore à atteindre son rythme de croisière. La fracture énergétique s’élargit. Les coûts sont de plus en plus élevés. Les répercussions pénalisent à la fois les ménages et l’économie. Le développement durable et la lutte contre les changements climatiques constituent des enjeux cruciaux.
Les nouvelles technologies progressent, même si elles restent encore embryonnaires. Des progrès notables sont enregistrés. Le génie tunisien s’exerce avec brio. Des start-up suscitent de grands espoirs. Le potentiel est cependant beaucoup plus large. Il suffit de s’y mettre à bras-le-corps.

Réindustrialisation, relance de l’agriculture, accélération des énergies renouvelables et développement des nouvelles technologies: dans ces secteurs, quatre grandes batailles à gagner. Comment rattraper le retard, réamorcer la montée en puissance, aller vers plus de modernité et de rentabilité et reprendre pied à l’international? Seul un Etat stratège et développementaliste peut offrir aux investisseurs, aux entrepreneurs, aux agriculteurs et aux innovateurs un nouvel écosystème entrepreneurial incitatif.

Mobiliser l’Etat, mobiliser les secteurs, mobiliser les entrepreneurs constitue un devoir national. De nombreuses études, stratégies et recommandations sont formulées, mais elles sont restées lettre morte. Il suffit de les reprendre et de les convertir en mesures concrètes.

Une réindustrialisation en mode 4.0 offre un raccourci technologique à même de tirer profit des relocalisations au sein de l’Union européenne. La Tunisie demeure un site prisé. La facilitation de l’accès à l’exploitation des terres domaniales, la bonification des crédits agricoles, le soutien aux agriculteurs, éleveurs et pêcheurs et la réorganisation des circuits de distribution imprimeront un réel élan au secteur agricole capable de générer deux points supplémentaires et plus du PIB.

Un engagement massif dans la transition environnementale, avec un effort particulier en faveur des énergies renouvelables, portera ses fruits. Un appui catalyseur aux nouvelles technologies pour créer de grands champions nationaux, adossés à de puissants groupes économiques et financiers, marquera la vocation nouvelle de la Tunisie.

C'est dire qu'un très grand boulevard s’ouvre devant nous. Le rater, c’est ne plus pouvoir se rattraper. L’emprunter, c’est à coup sûr la voie de la réussite.

Taoufik Habaieb
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Lazhar Dhifi - 01-05-2023 17:00

Peut on espérer que l'Etat est encore mobilisable pour juste réparer les graves dégâts de l'après 14 janvier 2011 des formidables acquis économiques

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