News - 17.12.2022

Élections législatives en Tunisie : Record absolu d’abstention, près de 90%. Où sont passés les électeurs ?

Élections législatives en Tunisie : Record d’abstention, près de 90%. Où sont passés les électeurs ?

Privés de financement publics, électrons libres sans investiture par de grands partis politiques dotés de machines électorales et dépourvus d’expérience, les 1055 candidats aux 154 sièges (sur 161) à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), ne sont pas parvenus à drainer des masses vers les urnes ce samedi 17 décembre 2022. Pour la première fois depuis l’élection de la constituante, le 23 octobre 2011, puis tous les scrutins qui lui ont succédés, le taux de participation a enregistré un record absolu de désaffection, n’ayant pas atteint les 10 %. A 17H45, seuls 804.000 électeurs (9%) ont glissé leur bulletin de vote dans les urnes, selon l’ISIE. On est bien loin des 2,9 millions de 2019 et des 2,8 du référendum du 25 juillet dernier sur la Constitution. Surprise? Prévisible!

Toutes les explications justificatives de de record inédit d'abstention sont avancées, ici et là : tiédeur de la campagne électorale, plutôt fade et inaudible, dominance de la Coupe du monde de football qui a accaparé l’attention, départs en vacances scolaires, et même le beau temps incitant les familles à partir en promenade avec leurs enfants. Mais, aucun de ces arguments ne justifie en fait cette abstention si massive. La vérité serait à rechercher ailleurs.

Éreintés par un quotidien très dur à supporter, fait de pénuries successives, de flambée des prix et d’érosion du pouvoir d’achat, les Tunisiens n’ont pas perçu à travers ces élections législatives une véritable lueur d’espoir qui les délivre de leurs épreuves. Déjà désenchantés par la classe politique limogée le 25 juillet 2021, édifiés par les malversations commises et lassés des promesses jamais tenues, ils se détournent des urnes, ne comprenant pas le nouveau système institutionnel que le président Kais Saïed s’emploie à mettre en place. Ces élections législatives ne représentent pas à leurs yeux de véritables enjeux,  et ne sont pas à même de leur inspirer confiance et augurer de changements réels de leur vie. Selon de nombreux analystes qui ont souligné le boycott affiché de plusieurs partis politiques, l’électeur abstentionniste aura ainsi exprimé son « ras-le-bol », marqué ses doutes quant au nouveau processus, et sanctionné une gestion erratique d’une crise économique aiguë.

Ce sentiment est également partagé par une grande partie des Tunisiens à l’étranger. Déjà, sept circonscriptions n’ayant enregistré aucun candidat, n’étaient pas concernées par ces élections. Il va falloir attendre l’installation de la nouvelles Assemblée des représentants du peuple pour décider d’y organiser des élections législatives anticipées. Dans les trois autres circonscriptions (France 2, France 3 et Italie), où les bureaux de votes ont été ouverts pendant trois jours, l’affluence des électeurs a été significativement très faible.

Tôt le samedi matin, accomplissant son devoir électoral, accompagné de son épouse, au bureau de vote de l’école primaire d’Ennasr 1, dans la proche banlieue de Tunis, le président Kais Saïed a vivement exhorté les Tunisiens à se rendre aux urnes, « en cette occasion historique » et à « choisir les meilleurs ». Il a également rappelé aux futurs parlementaires, sous forme de mise ne garde directe, qu’ils demeureront à la merci d’une requête populaire qui, si aboutie, leur retirera leur mandat.

Parmi ceux qui ont voté, nombreux sont qui déclarent avoir « accompli un devoir civique », « soutenu un parent / un ami candidat », « barré la route à un charlatan», « appuyé le Président », ou, tout simplement,  par tradition « n'ayant jamais manqué à un scrutin ». Alors que parmi ceux qui se déclarent non-politisés et qui ont boudé les urnes, la plupart s’inscrivent dans le rejet d’une « politique trompeuse, en échec. »

Au Palais des congrès de Tunis où l’ISIE a établi son quartier général des opérations et installé un centre de presse, l’ambiance n’est pas à la grande ferveur vécue lors des précédentes élections. Une douche froide s’est abattue sur certains officiels, visiblement secoués par le très faible taux de participation. « On s’y attendait un peu, relativise un agent de l’Instance, sous le sceau de l’anonymat. Ce sera rattrapé lors du second tour, avec les duels entre les deux finalistes dans les circonscriptions qui n’ont pas dégagé une majorité en faveur d’un candidat, et encore plus, dans celles qui regroupent des candidats de deux ou de trois délégations territoriales. La compétition sera plus vive, chacun des candidats en lice s’efforcera de mobiliser ces électeurs. »

Des observateurs tunisiens et étrangers ont relevé que dans l’ensemble les élections législatives de ce samedi 17 décembre se sont déroulées dans les conditions habituelles dont la Tunisie a toujours fait montre depuis 2011. Des infractions et des incidents, « pour la plupart mineurs », ont été relevés dans certains bureaux et centres de vote. Mais, l’engouement manquait. La course vers le Bardo aura été sans saveur. En attendant d’en savoir plus en analysant les résultats préliminaires qui seront proclamés d’ici ce mardi au plus tard.
 

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