News - 31.10.2022

L’agrivoltaïque, un concept innovant au service de l’agriculture et de l’environnement

L’agrivoltaïque, un concept innovant au service de l’agriculture et de l’environnement

Par Ridha Bergaoui - La Tunisie est déficitaire en énergie et importe plus de la moitié de sa consommation énergétique en gaz et produits pétroliers. Le solaire représente un véritable gisement d’énergie propre surtout que le pays compte un taux d’ensoleillement de plus de 3000 heures /an. Par ailleurs, la Tunisie ambitionne, dans sa transition énergétique du fossile au renouvelable, atteindre un taux de 30 ou 35% à l’horizon 2030.

Le solaire en plein boom

Beaucoup d’efforts ont été déployés pour développer l’énergie solaire aussi bien thermique que photovoltaïque. A l’échelle individuelle, l’usage du chauffe-eau solaire et du photovoltaïque est devenu courant. La filière solaire s’est bien développée grâce au programme Prosol pour l’acquisition du chauffe-eau solaire et le programme Prosol Elec pour le photovoltaïque basse tension. Ces deux programmes permettent au client STEG de bénéficier de subventions et de crédits bancaires avantageux.

Suite à l’augmentation du prix des produits pétroliers, l’amélioration de l’efficacité et la baisse des coûts des panneaux photovoltaïques associés à un système de subventions et de prêts le photovoltaïque connait en Tunisie un essor certain.

Aussi bien pour le public que le privé, dans les différents secteurs (agriculture, industrie et tertiaire), il est désormais possible de s’équiper pour l’autoproduction de l’électricité photovoltaïque soit sur site sans transport, soit sur site déporté avec transport sur le réseau. Jusqu’en 2020, l’ANME estime la puissance des projets accordés à de 27 000 kWc.

De nombreux projets de centrales salaires de 10 MWc et 1 MWc ont été approuvés et sont localisés dans de nombreux gouvernorats surtout du Sud et Centre du pays (Sidi Bouzid, Kairouan, Kasserine, Tataouine, Gabes, Gafsa, Sfax…).

Une installation solaire flottante, d’une puissance de 200 kWc, située sur le lac de Tunis, a été inaugurée le 25 juin dernier et actuellement gérée par la STEG.

De grands projets de centrales solaires ont déjà vu le jour et certaines ont été récemment raccordées au réseau de la STEG. Ces grands projets de plusieurs centaines de MWc sont construits et gérés par des producteurs internationaux indépendants et sont localisés surtout dans le Sud et Centre du pays (Sidi Bouzid, Tozeur et Tataouine et Gafsa, Kairouan…).

Le photovoltaïque en milieu rural

En milieu rural, le photovoltaïque connait également beaucoup de succès. A côté des projets photovoltaïques raccordés au réseau de la STEG, il est possible, de s’équiper en panneaux photovoltaïques sans raccordement. De 1980 à 2009, plus de 12 000 ménages, non raccordés au réseau électrique de la STEG, ont été équipés par des kits solaires de 100Wc grâce à des subventions accordées par l’ANME pouvant aller jusqu’à 90% des coûts des installations. De nos jours, le Fond de Transition Energétique accorde des subventions aux personnes désirant s’équiper en ce type d’installations (ANME).

Le photovoltaïque pour le pompage ne cesse de se développer. Avec d’une part l’augmentation du prix de l’électricité et du gasoil et d’autre part la baisse des prix des installations, le pompage solaire agricole est de nos jours rentable et attractif surtout que l’APIA accorde des primes pouvant atteindre 60% des coûts des installations.

Partout, l’agrivoltaïque suscite de plus en plus d’intérêts

La production d’électricité par les centrales solaires classiques est confrontée à une difficulté majeure liée à la disponibilité du foncier. Elles sont généralement installées sur des terres marginales ou désertiques. L’agrivoltaïsme est un concept original et innovant qui permet de dépasser le conflit d’utilisation des terres et autorise l’installation de centrales solaires sur les terres agricoles.

Né fin du siècle dernier, l’agrivoltaïsme ou agriphotovoltaïsme, a été développé d’abord au Japon dès le début des années 2000. Il connait actuellement partout un grand essor particulièrement en Asie et en Europe. Ce concept associe une production agricole (cultures et élevages) au-dessous d’un système de panneaux photovoltaïques solaires conçu en hauteur pour la production d’électricité.

Ce système permet une optimisation de l’utilisation du sol et de l’énergie solaire. Il s’accompagne d’une amélioration des productions agricoles et une production conséquente d’énergie. La production d’électricité ne doit pas se faire aux dépens de la production agricole. Il s’agit plutôt de valoriser l’excès de lumière qui n’est pas utilisé par les plantes pour la photosynthèse. C’est une sorte de cohabitation et de symbiose qui profite aux cultures et permet la production d’énergie électrique.

Le système agrivoltaïque le plus simple est représenté par les serres et les hangars agricoles couverts de panneaux photovoltaïques. Toutefois, moyennant un choix adéquat de la hauteur de l’emplacement des panneaux, il est possible d’adapter le système à toutes les cultures et les élevages en plein champs. Les cultures concernées sont surtout les cultures maraichères, la viticulture et l’arboriculture. Pour l’élevage il s’agit surtout de l’élevage en liberté des volailles, des moutons, porcs et bovins. La production en mode biologique est tout à fait concevable.

Le taux d’ombrage est le plus souvent autour de 30%. La surface couverte est plus ou moins importante selon la puissance de l’installation qui peut aller de quelques kW à des centaines de MW.

Des systèmes agrivoltaïques intelligents

Des systèmes très élaborés d’agrivoltaïsme dynamique existent. Ils utilisent des panneaux conçus en persiennes amovibles autour d’un axe et conduits par de l’intelligence artificielle. Les panneaux sont pilotés par des logiciels qui permettent de les orienter automatiquement en tenant compte de la position du soleil, des prévisions météorologiques et un apport optimal de lumière pour les plantes. 

Ces systèmes font intervenir trois partenaires : l’agriculteur qui bénéficie d’un complément de revenus pour l’utilisation de ses terres, le promoteur qui construit et exploite la centrale solaires et l’entreprise qui se charge du pilotage optimal de l’installation.

La règle essentielle est que la production agricole soit prioritaire. Bien plus, les plantes et les animaux se trouvant à l’étage inférieur doivent tirer profit de l’ombre offert par les panneaux solaires. Les entreprises spécialisées, appuyés par la recherche, ne cessent d’innover et d’améliorer tant au niveau des panneaux qu’au niveau de la conception des installations et le pilotage. Il est possible de compléter l’installation par un filet placé au-dessus des cultures pour les protéger de la grêle.

Avantages agronomiques de l’agrivoltaïque

La présence des panneaux solaires représente pour les plantes une protection contre les aléas climatiques (grêle, le gel, vents et la chaleur).Elle permet également d’atténuer, grâce à l’ombrage, les températures extrêmes et de réduire l’évapotranspiration des plantes surtout en période de canicule. L’économie en eau peut aller, selon certaines études, jusqu’à 20%. En définitive le système serait avantageux et conduirait à une amélioration de la production des cultures. La qualité des produits est également améliorée et les fruits, protégés du soleil brulant et des vents, sont plus nombreux et plus beaux.

Pour l’élevage en plein air, l’ombrage offert par les panneaux solaires permet de protéger les animaux et leur assure du bien-être durant les canicules et les journées chaudes de l’été. Les panneaux créent également un microclimat favorable à la croissance des plantes et la production des parcours protégés de la sécheresse. La productivité de l’élevage se trouve ainsi améliorée.

Agrivoltaïsme et changement climatique

Suite au dérèglement climatique, les menaces (sécheresse et pluies torrentielles) sont de plus en plus présentes. Les installations agrivoltaïques permettent d’atténuer les impacts du réchauffement climatique et ses effets dévastateurs sur les productions agricoles. Les cultures les plus sensibles au réchauffement sont les plus concernés (essentiellement maraichage, viticulture et arboriculture mais également les grandes cultures comme les céréales et le riz).

L’agrivoltaïsme permet également de lutter contre l’érosion et la perte des sols agricoles qui tend à s’accélérer suite au réchauffement climatique. Les sols agricoles représentent une ressource non renouvelable menacée alors que les besoins alimentaires sont de plus en plus importants.

Enfin, la production d’énergie solaire propre, aux dépens des énergies fossiles, permet de réduire la production des gaz à effet de serre(GES) et de se rapprocher des objectifs environnementaux fixés par la communauté internationale.

L’agrivoltaïsme peut être considéré comme une forme de développement durable qui en plus apporte aux agriculteurs un complément financier intéressent et améliore ainsi la rentabilité de l’exploitation. C’est un important facteur de stabilité et de maintien de l’activité agricole.

En France un label « agrivoltaïsme » existe. Ce label permet de garantir l’impact positif du projet sur l’environnement. Il exige un taux de couverture maximal de 50% et une occupation au sol de l’installation inférieur à 10% de la surface sous structure photovolaïque.

La guerre en Ukraine a bien mis à nu la gravité de la dépendance énergétique des pays Européens qui tentent de développer les énergies renouvelables (éolien et solaire). La France ambitionne arriver à couvrir 11% de ses besoins par l’énergie solaire.

Partout l’agrivoltaïsme séduit par son approche qui neutralise les conflits d'utilisation des terres entre l'agriculture et la production d'énergie. Avec l’agrivoltaïsme, l’énergie solaire ne se fait plus aux dépens des terres cultivables, mais en complément. Il est désormais possible de concilier agriculture et production d’énergie. Mal conçus, le système peut conduire à un manque de luminosité au niveau des plantes et une baisse de rendement. Il est indispensable que l’installation ne soit pas une entrave à la circulation des engins et le travail agricole et qu’il ne comporte aucun risque pour les personnes ou les animaux vivant aux alentours. Tout le système, à la fois la structure que le câblage ou les caniveaux, doit être bien sécurisé.

Avenir de l’agrivoltaïque en Tunisie

Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et quoi que la production des GES au niveau national demeure très faible (à peine 0,07% des émissions globales), la Tunisie s’est engagée à réduire ses émissions de GES et baisser son intensité carbone de 40% d’ici 2030. L’agrivoltaïque vient s’ajouter aux nombreuses possibilités offertes par le photovoltaïque comme énergie renouvelable et propre.

Il faut rappeler que dans nos oasis traditionnels, l’exploitation du sol se faisait en trois étages. Des cultures annuelles (maraichage, luzerne…) en bas, des arbres fruitiers comme étage intermédiaire et enfin le palmier dattier. Le système fonctionnait parfaitement et la cohabitation des trois étages ne posait aucun problème.

Le développement de l’agrivoltaïsme en Tunisie reste toutefois tributaire d’un cadre institutionnel et règlementaire approprié, d’une étude approfondie des aspects environnemental, économique, social. Un appui de la recherche scientifique est indispensable afin de mettre au point les techniques appropriés en fonction des cultures et des conditions édapho-climatiques de l’exploitation.

Ridha Bergaoui
 

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