News - 14.12.2020

Eloge de la femme tunisienne : n'en déplaise aux esprits chagrins et donneurs de leçons

N'en déplaise aux esprits chagrins et donneurs de leçons

Par Monji Ben Raies  - La femme tunisienne ne peut se définir que par son émancipation, sa liberté et une beauté qui transcende la simple apparence physique et qui touche au plus profond de l’être. La Tunisie est l'une des rares parmi les pays arabes, terre qui ont vu leurs femmes marquer l’histoire de l’humanité d’une empreinte culturelle et politique indélébile. Qu’elles soient régentes, stratèges, modèles ou actrices, elles ont contribué par leur grâce, leurs dons et surtout leur intelligence à enrichir notre patrimoine collectif et notre droit de cité. Des Femmes actives, ont dédié leur vie pour améliorer la condition féminine en Tunisie, premières femmes arabes à figurer dans le paysage politique Tunisien et mondial, notamment de l’après-indépendance et de la Tunisie postrévolutionnaire. Mais en dépit d’une large tradition politique et civique, les tunisiennes continuent à faire face à de nombreux obstacles. La pauvreté, les discriminations de genre et la marginalisation créent et accentuent les clivages sociaux. La violence dans l’espace public à l’encontre des femmes, tout comme le harcèlement sexuel, restent aussi plus présents que jamais. Mais ce ne sont que vociférations et spasmes d’agonie d’idées rétrogrades et poussiéreuses d’un autre temps dans d’autres espaces. Le droit de la femme à l’égalité est inscrit en lettres de feu et de sang dans le marbre de l’éternité. Il est inaliénable et imprescriptible n’en déplaise à certaines organisations sulfureuses au discours obsolète et périmé. L’engagement des femmes dans les mouvements sociétaux parallèles à la transition démocratique, crée des ponts entre différentes réalités économiques et sociales, entre différentes régions et modes de pensée, entre les générations, pour mener à l’achèvement de l’édification d’une démocratie réellement sociale.

L’Assemblée des représentants du peuple s’est encore une fois distinguée par les frasques devenues légendaires de ses occupants. Encore une fois elle revêt les aspects d’une Cour des miracles. En notre siècle, il est anachronique, à cet égard, d’y trouver un Savonarole fidèle à l’image de celui qui officiait à Florence au XVème siècle et qui institua et dirigea la dictature ‘’morale’’ théocratique de Florence de 1494 à 1498. Il nous aura fallu attendre cinq siècles pour retrouver un discours intégriste islamiste similaire à celui que tenait ce sinistre personnage à propos de l’église catholique romaine. Il s'en prenait alors à la république de Florence et y dénonçait la modernité de la renaissance, amoureuse de la culture, de la science et des arts, et son humanisme, comme des moeurs délétères et une dépravation et en appelait à un retour à l'ascétisme ; tout comme le nôtre s’en est pris à la Tunisie, à l’Etat tunisien et à son avant-gardisme. Sous son autorité, la population de Florence s’était divisée jusqu'à la délation et la violence entre ‘’enragés’’, hostiles à Savonarole, et ‘’ pleureurs’’, ses partisans, la nôtre, entre pro-Annahdha et détracteurs de gauche.

Jérôme Savonarole (en italien Girolamo Savonarola (1452-1498)

L’origine du phénomène extrémiste est sans nul doute la mondialisation appuyée sur les infrastructures technologiques qui ont éveillé, paradoxalement, à un renouveau de l’intérêt pour l’identité culturelle traditionnelle au point que, loin de produire simplement l’uniformité que l’on aurait pu attendre, elle a poussé et encore aujourd’hui à la dispersion culturelle et généré des entités séparées, là où auparavant il y avait de grands ensembles. L’universalisme, fondé sur les droits de
l’Homme et l’intégration des sociétés s’essouffle, face à la montée du communautarisme et de sa dérive potentielle représentée par le durcissement fondamentaliste et le sectarisme, lesquels suscitent une Inquiétude légitime d’individus ou de groupes, que certain penseurs négligent, la  considérant comme exagérée. Pourtant, le fondamentalisme intégriste nait d’une détresse, réelle ou imaginaire, qui se développe comme un phénomène réactif à une angoisse, justifiée ou non, ressentie par des membres d’un groupe ou d’une population ; c’est d’autant plus vrai lorsque la société, par suite de changements mal réfléchis, se délite et que les assurances qu’elle soutenait auparavant deviennent si aléatoires, qu’elle donne un sentiment insurmontable de précarité. Partant de cela, d’une façon particulière, un groupe au sein de la population, peut fort bien accepter, comme le reste de la population, la modernité scientifico-technologique et néanmoins haïr la culture occidentale qui lui est associée comme véhicule. Ils s’enferment alors en la tradition sans être capable de manifester une distance critique à son égard. Dans son délire, le groupe en question adresse à la société dans laquelle ils ne se reconnaissent plus, un avertissement, comme une sorte de cri, tant il ressent fortement le sentiment de se noyer ou de se perdre dans ses contradictions. En ce sens, l’intégrisme qu’il manifeste est un symptôme névrotique qui doit être traité comme tel. Toutefois, si le fondamentalisme intégriste s’explique par des considérations sociologiques, contrairement à l’obscurantisme et à la négation des droits de l’autre, comme eux,il est inexcusable et condamnable. Il ressort que l'obscurantisme religieux est à l'intelligence humaine ce que la gravité est aux oiseaux. Partout, toujours, ils doivent lutter contre la gravité pour se maintenir en vol. Dès qu'ils cessent de lutter, ou lorsqu'ils sont fatigués, ou mal disposés, les oiseaux sont immanquablement entraînés au sol, parfois violemment et au pire s’écrasent. C'est ce qui se produit pour l'intelligence sociétale, dès que l'on cesse de lutter activement contre l’intégrisme et l'obscurantisme religieux, et dès que l'on se met à croire bêtement, sans preuves, et l’on se dirige alors vers une catastrophe. Un des premiers symptômes d'une société infectée par l'obscurantisme religieux est que la nature même du dogme devient obscure, une maladie sociale. Les sociétés pacifiques ne peuvent exister sans des débats intelligents ; or des débats intelligents ne peuvent avoir lieu si les participants ne cherchent pas d'abord tout ce qui les unit, avant de commencer à parler de ce qui les sépare. Les sociétés n'existent pas seulement à cause des lois, des tribunaux, et des prisons. Les sociétés existent parce qu'il y a suffisamment de solidarité et de compréhension entre ses membres pour neutraliser les forces toujours menaçantes de la désunion et de l'incompréhension. Si des gens cessent de faire des efforts pour tisser des liens sociaux, ou s’ils défont délibérément ce qui a été construit sans que l’on ne fasse rien, alors cette société va tout simplement tomber en morceaux. Il semble que des milliers d'années d'histoire le prouvent. Même si on présumait que les choses étaient parfaites au moment où l’on se parle, il faudrait encore faire des efforts, car les liens sociaux et la solidarité ne sont jamais acquis une fois pour toutes. La Tunisie pourrait en parler d’expérience, en proie à ces forces dogmatiques qu’elle à commis l’erreur de légitimer.

Nous pouvons affirmer avec chagrin que nous avons raté notre transition démocratique, lorsque l’on a permis, dans l’enceinte d’une haute instance constituée de notre Etat, qu’un triste individu, malheureusement élu du peuple, soit un jour autorisé à tenir des propos rétrogrades comme ceux dont tous les Tunisiens ont été les témoins un jour de décembre 2020. Cet esclandre nous montre à quel point nous avons, plus que jamais, besoin de bons modèles d’intelligence et de dialogue. Mais les nouvelles du soir nous donnent trop d’exemples de rixes, de disputes, d’insultes, de nos représentants, qui normalement devraient s'entendre, mais qui ne le font pas. Il aurait été agréable de voir nos institutions donner le bon exemple de dialogue civilisé entre les représentants des différentes tendances idéologiques et politiques ; mais au lieu de cela, ils font montre d’un énorme potentiel pour mal s'entendre et se quereller, encouragés en cela par des corbeaux malhonnêtes qui alimentent les foyers de mésentente par des discours provocateurs quand ils n’en viennent pas aux mains. En tout état de cause, dans un Etat civil, les lois ne peuvent et ne doivent pas être fondées sur des croyances religieuses, mais plutôt sur des principes inspirés du bon sens, de la raison, de la science, du respect, etc. Bien sûr, cela ne signifie pas qu'il n'y aura jamais de désaccords dans leur élaboration, mais qu’au moins les problèmes pourront être discutés, contrairement aux croyances que l'on a ou que l'on n'a pas. De quoi aurait l'air un désastre social total, si une telle chose existait dans les faits ? Quelle est la définition d’une calamité ? Certainement que l'obscurantisme religieux, quand il est institutionnalisé et légalisé comme dans la Tunisie d’aujourd’hui, incarné dans des partis au sein de notre parlement, peut-être une catastrophe. Après tout, agir bien, c'est agir en conformité avec la raison en son âme et conscience, alors si on abandonne la raison, rien n’empêche plus de tomber dans les pires malheurs imaginables. Aussi, si on n'arrête pas l'obscurantisme religieux, déjà dans le discours, comme celui qui sévit en Tunisie et dont on a eu un exemple flagrant, il n'y aura pas de limites aux dommages qui pourraient être faits. En effet, la seule alternative qu’offrent les droits fondés sur la métaphysique intégriste, sont les droits fondés sur la Loi du plus fort. L'obscurantisme religieux est une vraie menace et les individus qui le prêchent des criminels, et à ne rien faire, nous risquons de perdre ce qui nous reste. Parfois domine cette impression que nous avons outrepassé le rocher de la Raison en courant après des chimères, et qu'on ne s'est pas encore rendu compte que, nos Universités, nos Lois, nos institutions, notre Etat et notre Morale, ne tiennent, pour certains, sur rien du tout, ..., sinon du vent. Sûrement ce sera le désamour de la Tunisie et de son histoire par une partie de sa population qui est la cause du crédit qu’obtiennent ces tendances extrêmes dans la société. Nous n’avons eu de cesse d'exalter la République et le caractère civil de l’Etat comme idéal de faire républicain ; mais d’aucuns diront que ce n'est pas avec cela que l'on pourra faire rêver cette population que l’on pousse à la misère en rognant son pouvoir d’achat, ou les millions de jeunes Tunisiens et émigrants clandestins qui meurent en quête d'identité... Qu'est-ce qu'une république dans de telles circonstances ? Un État dont le chef n'est pas héréditaire, à l'opposé des monarchies. Ce n'est donc pas en invoquant notre régime politique que nous inculquerons aux Tunisiens le « désir de vivre ensemble », vulnérables qu’ils sont aux discours subversifs qui planent au-dessus de leur tête comme une plaie prête à s’abattre ; mais en transmettant l'amour de notre pays, la dignité de ses habitants, mais aussi le respect de ses paysages, ses lettres et ses arts, son histoire et ses héros. Y sommes-nous encore disposés ? Sans être islamophobes ou opposant aux minarets ou encore obsédés de l’identité nationale, tout en restant fermement attaché aux idéaux de liberté, d’égalité et de laïcité, il est un combat politique que nous devons mener, en critiquant avec force l’intégrisme religieux comme idéologie et non pas religions, ni les croyants, encore moins les minorités ethniques ; l’instrumentalisation politique des religions est exécrable s’il en est, qu’elle soit de fondamentalistes chrétiens ou de tenants de la charia, d’intégristes juifs ou d’autoritaristes chinois. Dans ce combat, la ligne de clivage n’est pas nationale, ethnique ou Nord/Sud, mais politique, avec l’idéal démocratique et laïc émancipateur des droits et de l’égalité, contre l’oppression des mélanges entre la religion et la politique. Il est impératif pour l’Etat de tenir un discours à la fois ferme et précis, même s’il attire l’inimitié des tendances extrémistes et des fondamentalistes religieux, ou encore d’une partie de l’opinion publique qui craint que ses positions face à l’intégrisme ne fassent le jeu de certains Etats sur la scène internationale et des racistes ou négligent la question sociale. Ce problème impose aussi de réfléchir en dehors des clivages manichéens qui menacent aujourd’hui l’universalisme, ce modèle issu de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, qui garantit à tout être humain, la liberté et l’égalité en droit. Au niveau sociétal, international comme interne, se développe, de plus en plus, une forme de différentialisme, de communautarisme, un multiculturalisme qui revendique les droits de l’Homme “adaptés aux circonstances nationales”. Si ce mouvement a permis la prise de conscience antiraciste, la fin d’un modèle culturel dominant, il est en bout de course et est en train de passer d’un extrême à l’autre. Certains sont prêts à abandonner les droits de l’Homme pour un extrême qui auparavant avait été combattu, à savoir que les êtres humains seraient fondamentalement différents en raison de leur genre, de leur culture ou de leur religion et que cela justifierait de les traiter de façon différente. Le risque communautariste, là où le multiculturalisme se fait piéger, c’est-à-dire voir des minorités se construire dans le rejet d’autres minorités, se profile, notamment contre l’égalité homme-femme, contre la mixité... Il faudrait sortir de ce piège sans tomber dans l’extrême inverse qui serait le retour à une vision normative, dominante, nationaliste et trouver le point d’équilibre entre respect des communautés et refus du communautarisme sectaire et extrémiste.

L’intégrisme qui attaque nos valeurs fondamentales, le vivre-ensemble, la laïcité, l’égalité devant et par la loi, l’égalité de droit, …, se présente comme un problème politique avant d’être religieux ; le combattre n’est pas s’en prendre aux religions ou aux fidèles, mais à ceux qui instrumentalisent les religions dans des buts politiques. Pour relativiser l’imbécillité d’un sectarisme qui menace de sévir, il nous faut bâtir des passerelles intellectuelles très fortes, qui nous feront du bien à tous et nous aideront à penser ces enjeux par-delà les frontières individuelles. Les Tunisiens d’aujourd’hui ont besoin, plus que quiconque, de s'approprier le passé et la culture de la Tunisie pour envisager d'y faire souche. Mais quel homme politique osera écrire à leur intention, comme Charles de Gaulle au peuple français : « Ce qu'il y a, en moi, d'affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle » (Mémoires de guerre, L'Appel, Plon, 1954) ? Quel député d’aujourd’hui osera reprendre l'injonction d'aimer la Tunisie, parce que la Nature l'a faite belle, et parce que l'Histoire l'a faite grande ... Lequel sera prêt à chanter notre Hymne national d’un coeur vaillant, sans craindre de heurter les imams salafistes, les intellectuels de salon qui assimilent la Tunisie à un État hérétique et sataniste ? Le rappel de l'Histoire est nécessaire pour comprendre notre nature humaine, ses ombres et ses lumières, mais la mémoire déformée est quant à elle mortifère.

Le coup d'envoi au désamour de la Tunisie a été donné par cette loi électorale catastrophique (loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et référendums telle que modifiée par la loi organique n° 2017-7 du 14 février 2017 et complétée par la loi organique n°2019-76 du 30 août 2019) ; Cette loi truffée d'inepties et de contresens a fait de nos institutions élues des passoires au sein desquelles même de sombres individus et des coupe-jarrets peuvent accéder et s’acheter un semblant de respectabilité. Hélas, depuis, chacun y est allé de son couplet pour accuser la Tunisie de tous les maux de la terre. Il y a chez la plupart des Tunisiens une parfaite continuité dans le désir de civilisation et de modernité dont on ne doit pas s'affliger comme d’un crime ; les propos tenus dans l’hémicycle en ce jour fatidique sont un abîme d'indécence et l'on en perçoit les conséquences dans la rage destructrice qui saisit toute une fraction de la population qui n'a pas su ou n'a pas été incitée à s'assimiler par le travail et l'étude. Le plus affligeant est le soutien que reçoivent ces individus de la part de l’étranger par l’entremise de pseudo-intellectuels mal inspirés. Leur dénonciation surréaliste de l’« hérésie d'État », des « crimes du passé », de l'« occidentalophobie » ou des « discriminations » vient valider leur « séparatisme » outrancier. Pire, en dévalorisant les croyances auxquelles nous sommes attachés, ils relativisent des croyances autrement plus aberrantes. Cela se voit par exemple avec l'« écriture inclusive » qui voudrait nous convaincre que les Tunisiennes sont dépravées en raison de leur revendication de l’égalité de genre et la remise en cause des règles qui font injustement primer le masculin sur le féminin ! C'est oublier que les femmes ont commencé de s'émanciper dans l’arabité médiévale et que leur sort était plus enviable qu'en aucun autre pays. C'est surtout faire oublier qu'il y a sur notre sol aujourd'hui des agissements autrement plus graves que ceux dénoncés, obligation du voile, mariages forcés d'adolescentes, enfermement des femmes, mutilation des filles, etc. Il est temps de revenir aux principes fondamentaux de notre Tunisie et de notre démocratie. Il nous faut arriver à ressouder la Nation autour de son Histoire et de sa culture, pour combler le besoin de tous les enfants de la Tunisie d'aimer et d'être aimés, de respecter et d’être respecté. Notre Tunisie est unique au monde, mais, comme pour la Rose du petit prince, « On ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux », (Antoine de Saint-Exupéry, ‘’Le petit prince’’). On ne peut transmettre que ce que l’on aime ; or, la honte de soi et l’obscurantisme sectaire ne doivent pas se transmettre, car ils ne font pas aimer et respecter ; c'est là la clé du drame que nous vivons au-delà du supportable. Il n’existe pas de maquillage qui puisse embellir un coeur laid proférant de fausses vérités. Les députés de l’indignité sont des vers dans le fruit de notre démocratie, qui recherchent le pourrissement de la situation sociétale tunisienne déjà cruellement meurtrie par l’incompétence gouvernante. Se sentant dotés d’une impunité, ils ne s’interdisent plus rien dans leur comportement. Que l’on considère les Prêches incendiaires proférant le venin de l’intégrisme entre 2012 et 2014 dans les mosquées ou leurs interventions sur les gradins de l’ARP, toute cette démonstration est dirigée contre le pays dans son ensemble. Qui sont-ils pour s’affirmer détenteurs de la vérité de l’Islam ? Cela nous remet en mémoire de tristes époques, lorsque la « sainte inquisition soumettait à la question extraordinaire les femmes considérées comme déviantes et accusées de sorcellerie et de commerce avec les démons. Ennahdha et sa ramification salafiste semblent avoir islamisé et plagié les fondamentaux de l’idéologie de l’inquisition catholique du Moyen-Âge, sans se rendre compte que ces considérations étaient anachroniques et qu’elles avaient été passées à la trappe par ceux-là même qui les ont invoquées au temps d’avant. C’est donc tomber bien bas que de les avoir récupérés pour en faire leur crédo fanatique infame et grotesque. Quant au Savonarole de l’ARP, il devrait s’enquérir de la terrible manière dont son homologue historique a pu finir. En émettant des jugements d’ordre moral sur une partie de la population, il a fait voler en éclat le serment qu’il a hypocritement prêté comme médecin sans aucune vergogne. Des actes chargés de violences physiques ou symboliques qui refusent l’autonomie de la société civile par rapport aux transcendances religieuses associées sur le mode de l’allant-de-soi avec une interprétation instrumentale ségrégationniste de la religion. Des propos qui s’inscrivent dans le refus de l’hétérogénéité relativiste, de la coexistence de différentes visions du monde et qui sont autant de dangers d’un monde moniste et dogmatique, où prédomine le refus du pluralisme et de la diversité des valeurs, donc de la critique. Cet obscurantisme côtoie le terrorisme et l’extrémisme politique. Que cela touche à la religion, au machisme, au racisme, à toutes formes arbitraires de domination au sein de la société, le monde social est constitué de certains discours qui se sont imposés sur le mode de « l’allant de soi » (Pierre Bourdieu) et dont il faudra déconstruire la portée si nous voulons vivre en paix. De même, le prétendu idéal islamique auquel se réfèrent ces catégories politiques spécieuses, relève d’une certaine construction de la réalité, notamment impulsées par des penseurs intégristes orientaux, implicitement normée, intériorisée au quotidien, qu’il suffit d’interroger à partir de cas concrets pour les confondre.

Monji Ben Raies
Enseignant et chercheur en droit public et Sciences politiques
Juriste internationaliste
Université de Tunis El Manar
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis

 

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