Hommage à ... - 02.04.2020

Hommage au Professeur Ahmed Kammoun, symbole et pionnier de la chirurgie cardiovasculaire et thoracique en Tunisie (Album Photos)

Hommage au Professeur Ahmed Kammoun, symbole et pionnier de la chirurgie cardiovasculaire et thoracique en Tunisie

Ahmed Kammoun est né à Sfax le 2 avril 1940 et décédé à Tunis le 2 avril 2016. Originaire de Sfax et père de trois garçons et d'une fille, il a été un illustre médecin spécialiste en chirurgie cardiovasculaire et a posé la première pierre de la spécialité en Tunisie.

Ahmed Kammoun a obtenu son certificat d’études primaires élémentaires en 1952, avant d’obtenir son bac au Lycée de Garçons de Sfax en 1959 (spécialité sciences expérimentales). Par la suite il a entrepris des études préparatoires en PCB (Physique Chimie Biologie) (durant une année) à l’institut des hautes études de Tunis en 1960. L'année suivante, il part à l’université de Lausanne au sein de la Faculté de médecine (Suisse), fait rare à cette époque pour un Tunisien

En 1962 Ahmed Kammoun intègre la faculté de médecine de Toulouse (France). Encore une distinction et non des moindres dans sa carrière. Il y restera jusqu'en 1969 après avoir atteint la sixième année de médecine avant d'effectuer un stage de médecine interne à l’hôpital d’Ussel (Toulouse) deux années durant.

Pour l’anecdote et aussi pour la mémoire de ce symbole de la médecine en Tunisie, Ahmed Kammoun s’est vu proposer à l’issue de sa formation académique la nationalité française, proposition qu’il déclina. Son patriotisme et son sentiment d’appartenance et de reconnaissance à la Tunisie l’ont amené ainsi à ne pas donner une suite favorable à cette proposition.

De retour en Tunisie, en 1971 Ahmed Kammoun est admis en tant qu’assistant principal à l’hôpital Habib Thameur de Tunis avant d’être muté par la suite à l’hôpital Hédi Chaker de Sfax où il exerça en tant que chirurgien généraliste.

Janvier 1973, Ahmed Kammoun est contacté par le Professeur Charles Hahn, en raison de ses compétences en chirurgie cardiovasculaire. Il est pris en charge par l’intermédiaire de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) pour parfaire sa formation en matière de chirurgie à cœur ouvert au sein de l’hôpital cantonal de Genève où il y séjourne toute une année. Par la suite, il rentrera à nouveau au pays malgré les demandes répétées de la part de ses formateurs, et à leur tête le professeur Hahn.

Mars 1974: Ahmed Kammoun est nommé assistant au service de chirurgie cardiovasculaire de l’hôpital Habib Thameur. Bourguiba avait assisté, à cette époque à la première opération à cœur ouvert faite en Tunisie et pratiquée par l’équipe chapeautée par le docteur Ahmed Kammoun. D’ailleurs, quand le Président Bourguiba a débarqué sur les lieux, le Docteur Ahmed Kammoun avait refusé, poliment, de lui serrer la main pour la simple raison que ses mains étaient déjà stériles et qu’il était prêt pour l’intervention. Le fait de serrer la main au Président Bourguiba l’aurait obligé à reprendre tout le processus de stérilisation alors qu’il ne voulait pas  qu’un de ses malades patiente davantage.

L’opération en question avait duré plus de 5 heures durant lesquelles le Président Bourguiba n’avait pas bougé puisqu’il tenait à suivre le déroulement de l’opération de près. Il fut ébloui par cette prouesse médicale qui représentait une première à l’époque des faits. 48 heures après le déroulement de l’opération, le patient s’était réveillé sain et sauf, et le Président Bourguiba avait dépêché l’un de ses collaborateurs à l’hôpital pour vérifier qu’il s’agissait bien de la personne qui avait subi l’intervention et non pas quelqu’un d’autre.

Quelques années après et plus précisément en décembre 1981 Ahmed Kammoun devint  professeur agrégé en chirurgie cardiovasculaire et thoracique.

Les années 70 – 80 (74-87)

Durant ces années, les malades étaient dans l’obligation d’attendre une période d’au moins trois mois pour être opérés du cœur bien que le professeur Kamoun faisait de son mieux pour pallier cette situation surtout qu’il existait un seul service de chirurgie cardiovasculaire sur l’ensemble du territoire national et disposant de deux salles d’opérations opérant à cœur ouvert et chapeautées par les deux chirurgiens séniors du service, à savoir Ahmed Kammoun et Mohamed Fourati. Les conditions, tant des locaux que du matériel ne permettaient d’opérer qu’un nombre limité de malades. Malgré la précarité des conditions, l’insalubrité des locaux, la spécialité de la chirurgie cardiovasculaire et thoracique s’est développée en Tunisie et ce, indéniablement grâce  au Professeur Ahmed Kammoun.

L’année 1988 marque un tournant dans la carrière du Professeur Ahmed Kammoun. Le nouvel hôpital Habib Thameur destiné aux civils est remis à la santé militaire. C’est alors que la chirurgie cardiaque a été transférée à L’hôpital militaire. Le Professeur Ahmed Kammoun exerçant à l’époque en tant que professeur agrégé, s’oppose farouchement à cette idée d’exclusivité des soins dispensés aux militaires. Ajoutant le geste à la parole libre d’entreprendre et voulant soigner l’ensemble de la population sans distinction aucune, il exerça à l’hôpital militaire mais ceci en désaccord avec le ministère de la Santé publique de l’époque… suite à cela il est écarté de la chirurgie cardiovasculaire et thoracique mais les besoins et la demande d’interventions devenant de plus en plus importants pour le traitement des malades, les autorités n’eurent d’autres choix que de faire appels à ses services.

Entre-temps l’idée de la nécessité de créer un service cardiovasculaire dans le secteur privé germa. C’est ainsi qu’après d’âpres négociations avec le ministère de la Santé publique et des Affaires sociales (Moncer Rouissi), la convention de chirurgie cardiovasculaire et thoracique existante dans le secteur public fut étendue au secteur privé. Ces nouvelles prestations étaient dispensées à un prix symbolique puisque le Professeur Ahmed Kammoun se contentait, en guise d’honoraires, non pas d’une rétribution conforme à de tels actes chirurgicaux mais d’un forfait à la limite du symbolique dans la mesure où la caisse de sécurité sociale prenait en charge le gros du traitement et de l’intervention.

En 1991, grâce notamment à sa notoriété, il a pu constituer une équipe complète pouvant assurer la prise en charge des malades en matière de chirurgie cardiovasculaire et thoracique comprenant plusieurs chirurgiens, médecins anesthésistes réanimateurs et surtout une « équipe paramédicale » qu’il a formé avec le plus grand soin. Chose normale puisque le Professeur Ahmed Kammoun savait pertinemment que le personnel paramédical était un maillon capital dans le soin des patients, notamment dans la phase postopératoire.

Toutes ces actions et avancées médicales ont permis, en toute logique, un véritable envol de la chirurgie cardiovasculaire et thoracique en Tunisie dans le secteur privé que la première opération à cœur ouvert dans le secteur privé eut lieu, ce qui constituait une première non seulement sur le plan national mais également en Afrique du Nord.

Le service ayant assuré l’intervention était alors structuré et reconnu par le ministère de la Santé publique et des Affaires sociales. D’ailleurs la patiente  opérée d’un CIA (Communication inter auriculaire) était algérienne. Pour la mémoire, il est à noter que l’opération s’est faite à titre gracieux.
Une fois rodée, l’équipe chapeautée par le Professeur Kammoun a pu réaliser des interventions de plus en plus complexes avec d’excellents résultats évitant l’envoi des patients à l’étranger et le paiement de coûts exorbitants (à l’époque l’enveloppe réservée à ce genre d’opérations représentait 45 mille de dinars payés par la caisse de sécurité sociale sans pour autant que le résultat soit garanti.

Il faut alors se rendre à l’évidence et surtout rendre à César ce qui appartient à César. En effet, si aujourd’hui la chirurgie cardiovasculaire et thoracique en Tunisie est une chirurgie de pointe et de renommée internationale ce n’est pas un hasard mais le fruit d’un travail de fond et de longue haleine entrepris et déclenché par le Professeur Ahmed Kammoun. C’est que la Tunisie, s’est offert le luxe, grâce aux compétences du Professeur Ahmed Kammoun de garder ses enfants dans le pays avec à la clé une indépendance totale vis-à-vis de l’étranger en matière de chirurgie cardiovasculaire et thoracique. Aussi tous ces efforts entrepris par le Professeur Ahmed Kammoun ont permis le rayonnement de la Tunisie sur le plan africain. Tout ceci s’est fait bien évidemment grâce à un pionnier qui a travaillé avec dévouement, rigueur, humanisme, patriotisme et abnégation ! Il faut dire qu’on disait de lui (ceux qui l’ont côtoyé dans l’exercice de la médecine), l’homme à la force tranquille.!

Son épouse, Téja Fendri qui l' toujours soutenu, son fils Kais (natif de 1972), sa fille Monia (native de 1976), ses fils Mahmoud (natif de 1981), et  Mehdi (natif de 1983) peuvent être fiers du travail accompli par leur père et de l’empreinte qu'i a laissée dans l’histoire de la Tunisie et de sa médecine contemporaine !

Que Dieu le Tout Puissant puisse l’accueillir dans Son Eternel Paradis et lui accorder son Infinie Miséricorde.

Slim Maâtoug et Monia Kammoun
 

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4 Commentaires
Les Commentaires
kamel fourati - 03-04-2020 08:42

S il est incontestable que le Pr Ahmed Kamoun fut un des premiers chirurgens cardiaques je souhaiterais apporter quelques précisions: C est le Pr Mohamed Fourati ( à peine cité) qui fut le premier chirurgien cardiaque tunisien a effectué une operation à coeur ouvert avec le soutien du Pr Charlie Hahn et de son association suisse Terre des hommes. Effectivement le Président Bourguiba a assisté à une intervention à coeur ouvert faite par le Pr Mohamed Fourati chef du service de chirurgie de l hôpital Habib Thameur avec comme premier assistant le Pr Ahmed Kamoun. Le transfert de la chirurgie cardiaque de l hôpital Habib Thameur à l’hôpital Militaire au début des années 90 s est fait sur accord entre les deux ministères avec le transfert du personnel medical et para medical lequel personnel gardant son statut civil. Le Pr Mohamed Fourati est resté chef de service de la chirurgie cardiaque à l’hôpital Militaire où il a effectué la première greffe cardiaque en Afrique ( après le Pr Barnard). C est à cette epoque que le Pr Ahmed Kamoun a choisi de quitter la fonction publique pour l activite libérale suite a l accord de prise en charge de la chirurgie cardiaque des caisses sociales dans le privé négocié entre autres par le Pr Fourati et le Pr Kamoun.

Karim Ammar - 04-04-2020 12:24

Pr. Mohamed Fourati est le pionner incontestable de la chirurgie cardio vasculaire en tunisie. Il a servi l hopital public jusqu a son dernier jour professionnel. Il a eleve et hisse la chirurgie cardiovasculaire a un niveau international. C est ce que j appelle un pionner qui a donne sa vie a l hopital public alors que d autres ont prefere aller dans le prive pour des raisons pecunieres.

MAHDHAOUI - 04-04-2020 12:49

j'ai finalement décidé de répondre pour défendre la mémoire d'une imminente personnalité père de la chirurgie cardiaque en Tunisie . Pour la mémoire et pour que l'histoire ne seront plus piétinés, feu Mohamed fourati père de la chirurgie cardiaque a cœur ouvert depuis 1967 a l’hôpital Habib thameur et père de la transplantation cardiaque a l’hôpital militaire de Tunis en 1993 ( première transplantation cardiaque en Afrique du nord et au moyen orient et deuxième transplantation au continent africain après l'imminent docteur claude bernard en Afrique du sud). après ce rectificatif pour la mémoire des hommes qui ont servi leur pays , j’espère que son âme reposera en paix en attendant que la nation soit reconnaissante envers ses hommes et ses femmes qui l'ont servi au prix de leurs vies.

Mohamed Ben Ismail - 05-04-2020 18:43

Texte écrit par Pr Mohamed Ben Ismail cardiologue: Le Pr Ahmed Kamoun a travaillé longtemps dans le service de chirurgie cardio-vasculaire de l hôpital Habib Thameur où il était le premier assistant du Pr Mohamed Fourati. Nos deux services ont collaboré étroitement pendant toute cette mémorable période et pour la mémoire du Pr Fourati et par honnêteté intellectuelle et morale il est de mon devoir d’apporter mon témoignage et rétablir la vérité. Tout ce qui est écrit dans cet article est l œuvre du Pr Mohamed Fourati, le Pr Ahmed Kamoun faisant partie de son équipe en tant que premier assistant. Cette œuvre colossale est a attribuer en premier lieu au Pr Fourati. Pr Mohamed Ben Ismail Ancien chef de service du service de cardiologie de l hôpital La Rabta Ancien Professeur Faculté de médecine de Tunis

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