News - 18.03.2020

Quand le coronavirus sert les sombres desseins des rabbins ultra-orthodoxes d’Israël et de Donald Trump

Quand le coronavirus sert les sombres desseins des rabbins ultra-orthodoxes d’Israël et de Donald Trump

Le grand rabbin Chaim Kanievsky, 92 ans au compteur, est le patriarche des rabbins lithuaniens d’Israël. Il est le gardien de l’idéologie et des canons ultraorthodoxes. Il a émis une « fatwa » qui dit : « Arrêter l’étude de la Torah- ne fusse qu’un jour- est un plus grand risque pour la survie du peuple juif- et même pour l’existence du monde- que les peurs de l’infection nées de ce nouveau virus. »
Nous voilà avertis !

Coronavirus, Torah et basse politique

Tous les grands rabbins ne sont pas d’accord avec le choix de ce patriarche mais rares sont ceux qui osent s’opposer à son édit – pas même le Premier Ministre Netanyahou qui dépend de la bonne volonté de Kanievsky pour pouvoir former son éventuelle coalition minoritaire écrit Anshel Pfeffer (Haaretz, 15 mars 2020). De fait, Netanyahou a été contraint de permettre l’ouverture des écoles dépendant de ce grand rabbin avec des groupes ne dépassant pas dix étudiants. C’est à ce prix que le patriarche a consenti à fermer les dortoirs de ces établissements. De fait, depuis le weekend, les écoles sont fermées en Israël et le gouvernement a interdit les réunions de plus de dix personnes.

Faut-il rappeler que le ministre de la Santé de Netanyahou, Yaakov Litzman est lui-même un ultra-orthodoxe qui a provoqué un scandale en refusant de serrer la main à la vice-premier ministre belge lors d’une récente réunion de l’OMS à Genève ? Litzman ne bouge pas un doigt sans le consentement de Kanievsky et, pour lui, l’éthique médicale passe après les édits de son maître à penser. Netanyahou qui donne des leçons aux Israéliens sur tout de « comment se moucher à comment s’embrasser » en ces temps de coronavirus n’a pas un mot pour ramener à la raison Litzman. Il a même trouvé le temps dimanche pour rencontrer les représentants du grand rabbin Kanievsky dans le vain espoir de leur faire changer d’avis.

Anshel Pfeffer écrit : « La police, par endroits, est arrivée à fermer quelques petites écoles Haredi (ultra-orthodoxes) mais dans l’ensemble, ceux qui ont choisi de rester ouverts ont continué leurs activités.  C’est comme si la majorité de la population se conforme à la politique du gouvernement israélien en matière de distanciation sociale et d’auto-confinement alors qu’une minorité vivant dans des centaines de villes et de quartiers à travers le pays agit suivant la politique contraire du gouvernement britannique qui autorise les gens à se réunir dans l’espoir de promouvoir « l’immunité collective » (herd community) ».

La Torah protège du virus

En Israël, Kanievsky et les rabbins de sa mouvance s’appuient sur une base théologique qui veut que « la Torah protège et sauve. » Mais d’autres religieux leur opposent un autre commandement : celui de la « pikuach nefesh » (préservation de la Vie) qui serait supérieur à tout autre injonction (mitzvah).  On peut en fait remarquer que les rabbins haredi (ultra-orthodoxes) aux Etats Unis se comportent différemment : ils ont décidé de fermer aussi bien les synagogues que les lieux d’étude. Pourquoi cette dualité de conduite ? Aux Etats Unis, les rabbins reconnaissent les autorités locales, celles des Etats et celles du gouvernement fédéral. En Israël, il n’en est rien : les ultra-orthodoxes se sont construits une autonomie qui est régie par ses règles propres et nul ne peut interférer dans sa marche. Ils ont acquis cette autonomie à l’établissement d’Israël en 1948. Ben Gourion qui n’était nullement croyant a consenti à l’ouverture de leurs écoles sur le budget de l’Etat comme il a consenti à les dispenser du service militaire. Ils n’étaient à l’époque que quelques milliers. La dérive droitière de la société israélienne et l’occupation de la Cisjordanie leur ont donnés des ailes. Le premier recensement effectué en Palestine en 1917 fait apparaître que le pays comptait 700 000 Palestiniens et 65 000 juifs dont la moitié était constituée de religieux orthodoxes antisionistes. L’historien Shlomo Sand note en 2018 que ces données ont disparu des manuels scolaires israéliens.

Kanievsky a passé sa vie à peaufiner cette autonomie. Avec le coronavirus, il veut surtout éviter de faire un précédent. Depuis 1977, à l’arrivée du Likoud- le parti de Netanyahou- et ses multiples coalitions avec les partis ultra-orthodoxes, cette autonomie a pris du poids.

Anshel Pfeffer conclut ainsi son article : « Les Israéliens ont rarement fait attention à ce qui se passe à l’intérieur de l’autonomie haredi. Bien sûr, il y a de la rancœur au sujet de ces jeunes gens de la communauté exemptés des obligations militaires ainsi qu’au sujet de cette autonomie qui est payée par l’argent des contribuables. ….A l’intérieur de cette communauté, les enfants n’apprennent pas les éléments fondamentaux pour mener une vie normale. Les abus sexuels sont rarement révélés (même si on note quelques changements dans quelques secteurs de la communauté). Les femmes sont obligées de se marier à 19 ans et donnent naissance à une douzaine d’enfants. En cas de divorce, les tribunaux rabbiniques leur font vivre un lamentable calvaire de flou juridique. Israël commence finalement à réaliser que - ce qui se passe dans l’autonomie haredi et son insistance à vivre en conformité avec ses règles propres- risque de constituer une menace pour la santé de la population. Mais où étaient donc les Israéliens jusqu’ici ? ».

Donald Trump accumule les bévues……comme à l’accoutumée

Réagissant à la pandémie du coronavirus, le président Donald Trump a déclaré dimanche 22 mars 2020 « Journée Nationale de Prière ».

Et c’est ainsi que Trump refuse de traiter des vrais problèmes car le coronavirus va mettre à nu le système de santé américain, le plus cher du monde mais aussi celui qui laisse 28 millions d’Américains au bord de la route, sans couverture maladie à l’heure où l’espérance de vie baisse aux Etats Unis - un phénomène unique dans les pays industrialisés.  Trump n’ignore pas qu’une certaine industrie pharmaceutique tue quotidiennement de nombreux Américains devenus accros à de dangereux analgésiques en amassant des profits colossaux avec la complicité de la Maison Blanche et de tous les dirigeants de la « libre entreprise ». Au cours de cette pandémie, Trump craint que les services de santé n’échappent aux contraintes du marché et à Wall Street comme le réclame le candidat démocrate à la présidence Bernie Sanders. Il craint comme les dirigeants d’autres pays industrialisés que la gouvernance des biens communs ne devienne démocratique.

La Journée Nationale de Prière est un symbole et un étendard de division. Trump préfère rallier sa base électorale plutôt que tous ses concitoyens. Le président américain a bien clairement montré ses préférences : dimanche 15 mars 2020, il a tweeté qu’il regardait une émission digitale du service religieux conduit à l’église du pasteur évangéliste blanc Jentezen Franklin. Et ce n’est pas un hasard si Trump jette son dévolu sur une église évangélique blanche car les évangélistes blancs sont parmi ses supporters les plus dévoués. D’après les sondages du fameux Pew Research Center, les trois quarts des évangélistes blancs approuvent sa politique. Actuellement, sa popularité est seulement dans les 40% chez les Américains.

Au moyen de cette « Journée Nationale de Prière », Trump veut montrer à ces indéfectibles soutiens qu’il est toujours de leur côté. Attitude problématique pour un président qui fait face à un désastre national : la pandémie de Covid-19 dont la propagation autonome sur plusieurs continents a été annoncée le 11 mars 2020 par l’OMS. Le président est supposé être celui de tous les Américains- même ceux qui ne glissent pas dans l’urne un bulletin à son nom. Le coronavirus ne fait pas de distinction. Il frappe autant les Démocrates que les Républicains, les évangéliques comme les catholiques romains, les juifs, les Mormons, les musulmans, les Témoins de Jéhovah, les agnostiques et les athées.

L’attitude de Trump aujourd’hui contraste avec  celle de George W. Bush- dont je ne suis pas un admirateur- qui a eu la bonne idée de déclarer, après le 11 septembre, qu’il était fortement opposé à la haine des musulmans et qui a dit du bien de ses concitoyens musulmans. Bien que soutenus lui aussi par les évangélistes, il a néanmoins été à la hauteur de son rôle de président de tous les Américains. (Lire Noah Berlatsky, Haaretz, 16 mars 2020).

Trump a en fait accumulé les occasions pour diviser au cours de cette crise sanitaire. Contre l’avis des experts, il prononcé une interdiction d’entrer aux Européens. Or, la pandémie est globale et, de toute façon, le virus était déjà présent sur le territoire américain. Manifestation claire de la xénophobie viscérale de cet homme. Plutôt que d’unir les Américains, Trump est toujours à la recherche de bouc émissaire. Il promeut contre vents et marées que les E.U sont un havre de pureté que menacent d’infâmes criminels et des étrangers couverts de pustules et de pestilences. Tout vient, d’après Trump, d’infiltrés étrangers qui doivent être expulsés comme les immigrants, les Mexicains-Américains, les personnes de couleur, les athées…..N’a-t-il pas parlé de « virus étranger » voire « chinois » ? Ce qui ne l’empêche pas de dire dans le même temps: « C’est un virus très contagieux, c’est incroyable. Mais c’est quelque chose sur lequel nous avons un contrôle extraordinaire. » Comprenne qui pourra !

Aujourd’hui, la pandémie est là et bien là. La « Journée Nationale de Prière » n’aidera personne. Une bévue de plus du président américain ?

Mohamed Larbi Bouguerra





 

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