News - 09.03.2017

Maledh Marrakchi répond aux commentaires de Mohamed Jaoua et Naceur Ammar: Equité oui, … injustice non!

Equité oui, … injustice non!

Par Maledh Marrakchi - J’ai lu avec intérêt les réactions qu’a suscité mon article publié le 7 mars 2017 sur «Leaders» intitulé «Quand l’équité tourne le dos à l’excellence». Beaucoup de ces réactions (recueillies directement ou via les réseaux sociaux) étaient issues de jeunes qui ont eu à subir malheureusement,directement ou indirectement, les conséquences de la décision du ministère de l’enseignement supérieur sur les nouvelles modalités de l’orientation vers l’IPEST et les classes préparatoires en France telles que définies dans la circulaire N° 35 du 12 mai 2016.

C’est plutôt la réaction publiée le 8 mars sur «Leaders» intitulée «Equité dans l’injustice» qui m’a particulièrement interpellée d’abord par son contenu mais aussi par ses auteurs bien connus dans le monde universitaire tunisien par leur engagement dans nos institutions publiques puis privées et dont les points de vue sont à prendre avec beaucoup de précautions pour éviter de tomber dans le jeu du parti pris.
J’y ai découvert avec stupeur une référence à des propos que je n’ai,en réalité,nullement tenu:

«Maledh Marrakchi se livre dans «Leaders» du 6 Mars à une charge en règle contre les jeunes tunisiens titulaires du baccalauréat français».

Je ne peux croire un instant que de si brillants universitaires tels N. Ammar et M. Jaoua, peuvent tomber ainsi dans le jeu du quiproquo et n’aient pas bien saisi le fond de mon propos à ce sujet et ne retenir enfin qu’une supposée oppositionentre des tunisiens titulaires du bac tunisien et d’autres titulaires du bac français. Connaissant bien ces personnes, je ne peux que regretterde les voir se faire piéger par une interprétation élémentaire et sans synthèse de mes propos.

Il est vrai qu’en 1968 et quelques années après, des tunisiens titulaires du bac français ont, parce qu’ils étaient brillants, bénéficié de la possibilité de poursuivre des études de prépa en France avec une bourse. Le nombre de bourses à cetteépoque était bien plus important en proportion qu’aujourd’hui, pour une population de bacheliers qui se comptaient en quelques milliers. La situation actuelle est bien différente puisque cette filière a subi un double effet :une démultiplication du nombre de candidats bacheliers et une réduction drastique du nombre de bourses.

Depuis l’instauration du système d’orientation universitaire sur la base d’un score reprenant à la fois la moyenne du bac et les notes obtenues dans certaines matières choisies selon la filière demandée, les candidats sont classés selon ce score et orientés ainsi en fonction de la loi de l’offre et de la demande. L’offre est constituée par le nombre de places ouvertes par filière. La demande est fonction de l’intérêt porté par les bacheliers à telle ou telle filière. L’affectation des étudiants se fait ensuite par un logiciel dédié, bien entendu, sans «aucune intervention humaine». Il est établi que dans certaines filières très demandées, le système pouvait aller chercher jusqu’à des scores à 4 chiffres après la virgule pour départager les exæquos.

On peut avoir beaucoup de critiques à l’encontre de ce système, dont je partage volontiers certaines d’entre elles notamment le fait de sanctionner tout un parcours scolaire de 13 années d’études par le résultat à un seul et unique examen, avec tous les aléas que cela peut présenter ou de réduire le potentiel que peut présenter un jeune à un seul score. On peut facilement comprendre quecette approche renferme en elle une part d’injustice. Mais est-ce une raison pour accepter que d’autres injustices soient commises?

En effet, contrairement à ce qui a été affirmé par les auteurs de l’article «nous avions décidé avec l’accord de Mohamed Charfi d’allouer deux places en1992 à des jeunes tunisiens titulaires du bac français. Le chiffre a été porté à quatre l’année suivante, et il est resté inchangé depuis», le chiffre a été considérablement augmenté puisque la circulaire citée ci-dessus, a donné la possibilité aux tunisiens titulaires d’un bac français de concourir aux 120 places disponibles à l’IPEST sans limitation aucune.

N’est-ce pas là un sujet d’interrogation sur le principe de base de l’équité? quand il s’agit d’ouvrir un concours, il faut s’assurer au préalable que tous les candidats sont jugés sur les mêmes bases, à savoir ici les résultats d’un même bac, portant sur les mêmes épreuves, les mêmes méthodes de notations, les mêmes contenus pédagogiques, et bien évidemment les mêmes conditions de réussite. Si une telle règle de base n’est pas possible à respecter et c’est en l’occurrence le cas dans notre problématique, la seule alternative à ce moment là est de mettre en place des quotas par profil, comme c’est d’ailleurs le cas pour l’accès aux classes préparatoires, et aux écoles d’ingénieurs. Il s’agit ici uniquement d’une règle de bon sens.

Maintenant si on examine les résultats de l’orientation vers l’IPEST en 2016, on constate que malgré l’absence de quotas, il n’y a eu que 4 candidats qui ont accédé à l’IPEST!! Par contre sur les 30 bourses ouvertes pour les classes préparatoires françaises, 5 bourses ont été affectées à des tunisiens titulaires du bac français !! Comment peut on expliquer cela lorsqu’on se veut être animé d’esprit de justice et d’équité?

Le côté «pernicieux» de cette décision auquel je faisais allusion dans mon article est à voir ici!! Si on accepte l’approche actuelle de l’orientation (tout à fait critiquable), on ne peut accepter me semble-t-il, indépendamment de tout esprit partisan, qu’on ne mette pas en place un système de quota qui tienne compte du poids en nombre de chaque population concernée. Ce qui n’est malheureusement pas le cas des dispositions de la circulaire en question.

N. Ammar et M. Jaoua me fontdire, une seconde fois, des choses totalement injustes, fruits de leurs propres extrapolations:

«Mais c’est encore trop pour l’auteur de la charge, qui affirme que leur «ouvrir la porte (…)est un coup pour la souveraineté nationale». Rien que ça? Pour un jeune tunisien, réussir au baccalauréat français serait donc un acte de trahison, passible de la déchéance de ses droits de citoyen ? ».

Cette extrapolation est inappropriée et inconvenable voire grave de la part des auteurs à l’endroit de nos jeunes titulaires du bac français, dont je respecte le choix et je saluts le parcours. L’emploi du mot « souveraineté » dans mon texte appelle à des synonymes simples et clairs comme prestige et autonomie (cf dictionnaire synonymes Larousse). Mes propos ne vont pas plus loin que la volonté de considérer notre bactunisien comme un bac prestigieux, autonome et qui soit la référence nationale et rencontre les attentes de la société tunisienne. Je ne comprends pas comment on peut extraire ainsi des mots de leur contexte et aller jusqu’à prononcer avec une telle facilité des sentences sur le droit national de nos concitoyens.

Enfin, il est important que le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de l’éducation aient une vraie vision par rapport aux choix, en sommes légitimes, que font certains parents pour le système éducatif suivi par leurs enfants. La question posée ici,qui s’est concentrée sur les tunisiens résidents en Tunisie ayant un bac français, se pose aussi pour les tunisiens à l’étranger et pour les tunisiens qui choisissent d’autres systèmes éducatifs reconnus et agréés en Tunisie.

Maledh Marrakchi
 

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