Opinions - 11.11.2015

Pour une approche pragmatique du développement régional

Pour une approche pragmatique du développement régional

Ayant eu le privilège de participer à un programme d’appui au développement des ressources humaines dans un gouvernorat du sud tunisien, je voudrais partager les enseignements qui pourraient en être tirés, afin de réussir la démarche visant à renforcer le rôle des régions et leur permettre de participer plus activement dans leur propre développement.

Tout d’abord, il est utile de rappeler que la régionalisation ne signifie pas une autonomisation complète par rapport au pouvoir central. Cela n’a pas de sens. Il faut par contre suivre une double approche Top down et Bottum up. Dans le premier cas, il faut qu’il y ait une volonté politique pour s’engager dans le sens de la régionalisation. Il est illusoire de vouloir le faire sans ce préalable, car le pouvoir décisionnel est détenu par les structures centrales et ne sera pas délégué naturellement, sans heurts, et sans qu’il n’y ait d’autorité motrice pour faire évoluer le système. S’agissant de l’approche par le bas, sa nécessité est également évidente car ce sont les structures régionales qui connaissent le mieux leur tissu économique et social ainsi que les acteurs locaux. Cet avantage considéré comme naturel est pourtant inestimable et apporte un regard indispensable pour le ciblage des priorités et la mise en œuvre adéquate des projets. De plus, on ne peut imposer aux régions de jouer un rôle plus actif si elles n’y voient pas leur intérêt et si elles ne poussent pas le système dans cette voie.

Ceci étant, l’aspect politique ne doit pas se limiter à des changements législatifs consistant à modifier les missions des responsables régionaux par exemple, pour leur confier davantage de pouvoir. Certes la législation est un passage obligé, mais elle ne résout pas tout. On peut avoir les meilleurs textes, sans que la régionalisation ne soit développée pour autant. C’est précisément le cas aujourd’hui, avec plusieurs prérogatives avancées, confiées par les textes, aux Directeurs Régionaux, mais qui demeurent inappliquées. C’est pourquoi, il ne faut pas placer cet aspect législatif comme un préalable, sans lequel aucune avancée ne peut être obtenue.. En fait, l’expérience montre que l’on peut réaliser beaucoup de choses avec la législation actuelle. Il faut seulement avoir la volonté et la méthode pour le faire. S’engager dans cette voie, en menant des activités innovantes dans le sens de la régionalisation, sera alors d’autant plus utile pour argumenter la nécessité, dans une seconde étape, de modifier les législations.

Par contre, ce qui freine le plus souvent cette orientation, provient du manque de méthode pour conduire de telles activités innovantes. En effet, les acteurs régionaux manifestent souvent une volonté de développer des initiatives locales, mais, habitués à recevoir les consignes d’en haut, ils butent souvent sur la méthode à suivre. D’où la nécessité de prévoir un accompagnement méthodologique aux régions pour les aider sur des cas concrets. Cette assistance technique est plus importante que les moyens financiers qui, dans pas mal de cas, viennent en second lieu. Il faut ici souligner l’existence de compétences locales de haut niveau aussi bien au sein de l’administration régionale que dans le secteur privé ou associatif. Mais ces compétences n’ont pas toujours l’occasion de prendre en charge des activités valorisantes, et sont le plus souvent dans un rôle de suivi de décisions venant des structures centrales. Ceci crée un sentiment de frustration, et entretient l’attitude de revendications qui place la région comme demandeur vis-à-vis du pouvoir central et comme victime délaissée, sans qu’elle n’ait de responsabilité dans la proposition de solutions. En fournissant cette assistance technique aux régions, on leur permet de s’exprimer de manière convaincante et de défendre leurs projets.

Pour favoriser cette acquisition de compétences par les régions, une initiative utile est d’ailleurs à lancer, en créant des réseaux entre les régions pour partager les expériences et initier une relation transversale. L’adhésion à de tels réseaux doit être volontaire, et leur création libre. Il s’agit d’initiatives multiples qui peuvent s’organiser selon les thématiques qui se posent à un certain nombre d’acteurs, ou selon des sous-régions ou autres motifs. Ces réseaux auront l’avantage d’instaurer une relation horizontale entre les régions pour se partager les expériences et enrichir leur capital méthodologique, sans pour cela attendre que les solutions viennent du pouvoir central.

Enfin, un autre enseignement qui se dégage des expériences vécues, est qu’il n’est pas nécessaire de tergiverser dans la définition d’une vision stratégique globale qui fixe les grands principes de la régionalisation. Au lieu de cela, il est préférable de s’engager dans des visions « sectorielles » du développement régional et d’appliquer concrètement ces visions sur des projets précis. En effet, la réflexion sur la vision stratégique risque de se limiter aux concepts généraux et de conduire à la promulgation d’une réglementation avancée, mais globale sur la régionalisation. Elle restera alors inapplicable faute de solutions apportées à des questions pratiques.  Un exemple. Retenir le secteur de la formation professionnelle et mettre en œuvre un projet allant dans le sens de la régionalisation peut conduire à des résultats concrets qui apportent des solutions pratiques pour plusieurs problématiques de l’approche régionale.  De la sorte, on pourra, concrètement pour ce cas précis, créer des réseaux entre les centres de formation, ou entre les diplômés de la région, ou encore identifier les besoins en formation de la région… L’avantage est que l’on traitera de sujets pratiques qui se posent à une région, et que l’on essayera de lever les freins au fur et à mesure. 

Depuis la révolution, plusieurs projets régionaux ont été menés dans ce sens. Il est alors impératif de pérenniser les résultats obtenus et les démarches suivies, afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre et de montrer que plusieurs avancées sont possibles.

Ali Chelbi
Directeur Général du bureau d’études ACC
 

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