Opinions - 12.05.2015

A la guerre comme à la guerre : « ala balad al mahboub » ou bien « ala balady al mahboub » !

A la guerre comme à la guerre : « ala balad al mahboub » ou bien « ala balady al mahboub » !

Dans la brève information que vous avez publiée le 9 mai courant à l’occasion du 70ème anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, vous rapportiez  «la célébration, à la faveur de la commémoration du 8 mai, vendredi au cimetière militaire de Gammarth des trois derniers anciens combattants tunisiens survivants de la deuxième guerre mondiale et l’hommage mérité que leur a rendu à cette occasion l’ancien premier ministre français sous Sarkozy, François Fillon. Il s’agit, rapportez-vous, de Cherif Aissaoui (86 ans), Ahmed Farhati (98 ans) et Ali Hamdi (83 ans) ».

Or, messieurs Ali Hamdi (83 ans) et Chérif Aissaoui (86 ans) ne pouvaint pas avoir été parmi les tunisiens ayant fait la deuxième guerre mondiale (1939-1945) puisqu'à l'avènement de celle-ci, ils devaient avoir respectivement 7  et 10 ans et à sa fin 13 et 16 ans. Je ne crois pas qu'on enrôlait des soldats à 13 ou 16 ans, encore moins à 7 et à 10 ans. C'est à la guerre d'Indochine (1946-1954) et pratiquement à ses dernières années qu'ils auraient pu prendre part. Le premier né en 1929 aurait été, dans le meilleur des cas, enrôlé en 1949, quant à l'autre, né en 1932, il aurait été enrôlé en 1952.

Par contre,  monsieur Ahmed Farhati (98 ans, donc né en 1917) a certainement pu faire cette "drôle de guerre" puisqu'il avait 22 ans lors de son déclenchement en 1939 et  28 ans lors de sa fin en 1945. Il aurait pu faire aussi la guerre d’Indochine qui s’était soldée par une défaite cuisante de l’armée française à la célébrissime Dien Bien Phu.

Merci à eux trois bien sûr, ils avaient contribué un tant soit peu à mettre fin aux aspirations belliqueuses d’Adolf Hitler et son allié italien Mussolini et imposé, par la guerre certes, la paix dont a joui le monde pendant plusieurs décennies.

Merci également à des centaines d’autres tunisiens, anonymes pour la plupart, qui ont eux aussi fait la guerre sous les couleurs françaises et contribué comme ils l’ont pu à la prospérité de l’humanité.
Je profite de l’occasion pour rendre hommage, à titre posthume, à l’humble personne qu’a été mon père, Feu Haj Laroussi. Né en 1913, il avait servi dans l'armée française à deux reprises, la première au Liban durant les deux années de son service militaire obligatoire en l’occurrence 1936 et 1937. Cette période avait coïncidé avec  la signature du traité franco-italien en novembre 1936 reconnaissant l'indépendance du Liban qui ne fut validée qu’en 1943. Passées les quelques semaines d’entraînement, le contingent déployé là bas et dont mon père faisait partie assurait surtout une mission de paix. Mon père nous racontait que Beyrouth, où il était détaché, était tellement calme, que les supérieurs libéraient les recrues pour vaquer intelligemment aux occupations qu’ils choisissaient. Haj Laroussi avait fait la connaissance d’un certain Abderrahman Sader, écrivain, libraire et éditeur libanais de renom. La maison Sader d’impression et d’édition qui a été créée il y a 150 ans existe toujours. Il postait ses lettres chez lui et apprenait de lui les nouvelles de Tunisie. C’était là que mon père avait  entendu pour la première fois la célèbre chanson d’Om Kalthoum « ala balad al mahboub waddini». En l’écoutant, rapportait-il, tous les soldats, qui avaient le mal ndu pays comme lui, se mettaient à pleurer. Cette chanson fut la première à être composée par Ryadh Sombati en 1935. Quand il était au fait de ses souvenirs au clair de la lune de certains soirs d’été, nous taquinions Haj Laroussi en lui demandant si Om Kalthoum chantait «ala balad al mahboub waddini» (emmenez-moi au pays du bien-aimé) ou bien qu’elle scandait  «ala balady al mahboub»(emmenez-moi à mon pays aimé). «Baladiy, baladiy» , répondait-il avec insistance. 

La deuxième fois qu’il avait servie dans l’armée française a été de janvier à juin 1945, en tant que réserviste. En 1948, il avait été inscrit sur la liste des tunisiens qui devaient partir en Palestine faire la guerre aux occupants israéliens. En 1961, il avait été appelé, comme réserviste de l’armée tunisienne cette fois, pour prendre part à la bataille de Bizerte.
Paix à son âme.

Mohamed Laroussi Ben Salah
Journaliste
 

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